
Située à quelques kilomètres de Louviers, la paisible petite ville de Pont-de-l’Arche (Eure) était hier en effervescence. L’ancien bailliage du XVIIe siècle accueillait en effet la ministre de la Culture, Stéphane Bern — chargé de la Mission Patrimoine depuis six ans —, la directrice de la Fondation du patrimoine, ainsi que la présidente de la FDJ — premier mécène de la mission —, afin de dévoiler la liste des 100 sites départementaux qui bénéficieront de la 6e édition du Loto du patrimoine. Mis en vente ce lundi 4 septembre, le ticket à gratter illiko Mission Patrimoine vendu 15 euros permettra de remporter jusqu’à 1,5 million d’euro, une offre que complèteront plusieurs tirages Loto spéciaux orchestrés jusqu’au 16 septembre. La dotation octroyée à chacun des 18 sites emblématiques présentés au printemps dernier sera révélée lors des Journées européennes du patrimoine, les 16 et 17 septembre. Une collecte spécialement destinée au patrimoine religieux devrait en outre être lancée à cette occasion. L’Objet d’Art vous présente sa sélection parmi les sites départementaux dévoilés hier.

L’ancien bailliage de Pont-de-l’Arche (Normandie, Eure)
Construit contre le rempart nord de la ville et composé de plusieurs bâtiments en « L » entourant une cour intérieure, le bailliage de Pont-de-l’Arche est édifié vers 1635. Témoin majeur de l’histoire de la cité, il a successivement abrité le tribunal de la circonscription et ses prisons masculine et féminine, la mairie et une fabrique de parapluies, avant de devenir, à la fin des années 1960, la demeure du sculpteur Jean Kerbrat (1939-2013), qui a laissé en façade plusieurs bas-reliefs. L’ensemble, inscrit au titre des Monuments historiques depuis 2003, a été racheté par l’agglomération Seine-Eure au début des années 2000. Le projet patrimonial consiste à faire de ce rare exemple d’architecture judiciaire de l’Ancien Régime un lieu de loisir proposant différentes activités culturelles.

L’église abbatiale Notre-Dame du Pré à Donzy (Bourgogne-Franche-Comté, Nièvre)
C’est en 1055 que l’église Notre-Dame du Pré devient abbatiale, lorsqu’elle est donnée à l’abbaye de Cluny qui y fonde, un demi-siècle plus tard, un prieuré. Son destin sera chaotique : ravagée à plusieurs reprises durant la guerre de Cent Ans et les guerres de Religion, elle est vendue à la Révolution et en partie démolie. C’est à ses remarquables particularités stylistiques, et en premier lieu à son tympan, considéré comme une œuvre majeure de l’art roman, que l’église doit sa survie partielle. En 1840, elle fait partie de la première liste d’édifices classés par Mérimée au titre des Monuments historiques. Le bâtiment est pourtant aujourd’hui dans un état de péril avancé : la belle copie du tympan réalisée en 1880 et exposée à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris révèle l’état de dégradation de l’original qui fera, avec l’ensemble de la façade ouest, l’objet de la première phase de restauration.

L’église du couvent San Francescu à Nonza (Haute-Corse)
Sur la côte occidentale du Cap Corse, en contrebas et au sud du magnifique village médiéval de Nonza, se dressent les ruines du couvent San Francescu, l’un des premiers couvents franciscains fondés en Corse qui abrite de nombreuses reliques. Ses pierres exposées aux embruns subirent une importante érosion et l’édifice fut peu à peu déserté vers la fin du XVIIIe siècle ; les habitants continuèrent pourtant à y célébrer des messes et à y enterrer leurs défunts. À partir des années 1960, l’artiste surréaliste Léonor Fini (1908-1996) y résida l’été au milieu d’une kyrielle de chats, appréciant l’ambiance de ce site isolé en proie aux tempêtes, sans eau ni électricité. La commune espère que la restauration du couvent permettra de pouvoir à nouveau accueillir du public, à l’occasion de conférences et animations culturelles, tout en y célébrant des offices.

Maison Jean-Jacques Henner (Grand Est, Haut-Rhin)
Jean-Jacques Henner (1829-1905), le peintre des belles rousses vaporeuses, est né à Bernwiller dans le Haut-Rhin. En 1870, la commune, comme le reste de la région, est annexée par la Prusse. C’est dans ce contexte qu’il réalise l’emblématique allégorie de sa terre natale, L’Alsace. Elle attend (1871), longtemps accrochée dans le bureau de Léon Gambetta. En 1885, malgré l’annexion, le peintre, qui jouit désormais d’une grande célébrité à Paris, fait construire une maison de maître dans son village natal où il séjourne toujours, en quête d’inspiration. Acquise en 1998 par la mairie, la demeure nécessite d’importants travaux de confortement des fondations et de reprises structurelles. Il s’agit désormais de transformer le site en un espace « de rencontre et de partage » singulier réunissant les associations de Bernwiller, une bibliothèque, une épicerie associative, une friperie et trois appartements locatifs. L’ancien atelier d’Henner abritera quant à lui une résidence d’artistes femmes, un bel hommage à celui qui avait ouvert en 1874, avec son ami Carolus-Duran, le très prisé « atelier des dames ».

Villa Le Rêve, dite « Matisse » (PACA, Alpes-Maritimes)
Lorsqu’il arrive dans cette villa, à Vence, en 1943 pour y séjourner quelques semaines, Henri Matisse (1869-1954) ne sait pas qu’il y demeurera près de six ans. La Villa Le Rêve devient en effet le cadre des recherches plastiques de l’artiste : peintures, dessins, papiers gouachés découpés… Le maître y reçoit ses pairs, à l’instar de Bonnard et de Picasso. Située non loin de la chapelle du Rosaire, que Matisse décore pour les sœurs dominicaines, qu’il considérera comme son chef-d’œuvre, la villa Le Rêve deviendra, selon les vœux de la commune, une étape-clé d’un parcours dédié au peintre, entre la chapelle et le musée Matisse de Nice. Sa réhabilitation permettra au public de découvrir le lieu de vie et de création de l’artiste tout en participant à la valorisation du territoire.

Gaspard Douin Cavard