Adjugé ! La peinture flamande au sommet

Hans Bol (1534-1593), Paysage avec la parabole de l’homme riche. Gouache et or sur vélin sur panneau de chêne, 16 x 31,5 cm. Signé et daté « .HBOL.1585 ». Vente Paris, Artcurial, 30 avril 2025. © Artcurial
Lors de la vente « Classic Week » au Palais Dorotheum à Vienne, les résultats ne furent pas à la hauteur des attentes. En revanche chez Artcurial à Paris, les amateurs de peinture flamande ont plébiscité en nombre les tableaux d’une collection acquise sur le marché parisien entre 2004 et 2008.
Dans le sillage de Rogier van der Weyden
Ce triptyque est un superbe exemple de la production bruxelloise de la fin du XVe siècle dans la suite de Rogier van der Weyden. La scène centrale évoque la Descente de Croix tandis que les panneaux latéraux fermés montrent la légende de la Vraie Croix (La Découverte de la Vraie Croix par sainte Hélène et Héraclios rapporte la Vraie Croix à Jérusalem après son vol par les Perses) ; l’envers de ces panneaux montre, d’un côté l’Empereur Auguste et la sibylle de Tibur, et de l’autre, la vision des Rois Mages, évocations de la Nativité du Christ. Une partie de la production de cet artiste nous est connue ; ainsi participa-t-il en 1468 à la création d’un décor éphémère pour l’entrée à Bruges de Charles le Téméraire et de Marguerite d’York à l’occasion de leur mariage. D’après les documents de sa succession, il fut un peintre très prospère.
Vrancke van der Stockt ou le Maître de la Rédemption du Prado et atelier (actif à Bruxelles, avant 1424-1495), Triptyque : La Descente de Croix (au centre), L’Empereur Auguste et la sibylle de Tibur (recto, panneau latéral gauche), et La vision des Rois Mages (panneau latéral droit). Huile et tempera sur panneaux de chêne, 61 x 50 cm (panneau central), 52,5 x 27 cm (panneaux latéraux). Vente Paris, Artcurial, 30 avril 2025. Estimé : 1,2/1,8 M€. Adjugé : 1 042 400 € (frais inclus). © Artcurial
Énigmatique Herri met de Bles
Pionnier du paysage anversois aux côtés de Joachim Patinir, Herri met de Bles fit partie de la guilde de Saint-Luc à Anvers en 1535. Lors d’un séjour en Italie, il prit le nom de « civetta », ce qui signifie chouette, d’où sa signature figurant le petit rapace, ici dissimulée dans le creux d’un rocher. Ce tableau fait partie d’un groupe de paysages illustrant la vision de l’Apocalypse de saint Jean à Patmos. Accompagné de son symbole – l’aigle tenant un encrier –, saint Jean est isolé, au-dessus de la scène, on devine un dragon et peut-être la Vierge. Au sommet du rocher se dresse un écureuil que l’on retrouve dans d’autres œuvres de l’artiste. À l’arrière-plan, on distingue une ville fortifiée et des pêcheurs luttant contre les flots. Des couleurs foncées soulignent au premier plan la perspective, s’adoucissant vers des teintes plus claires à l’horizon, avec des touches très légères. Cette œuvre est l’une des premières compositions maritimes de l’artiste.
Herri met de Bles (vers 1510, actif à Anvers entre 1533 et 1566), Paysage avec la vision de l’Apocalypse de saint Jean à Patmos. Huile sur bois, 35,5 x 55 cm. Porte la signature en forme de chouette de l’artiste en bas à droite. Vente Vienne, Dorotheum, 29 avril 2025. Estimé : 80 000/120 000 €. Adjugé : 351 000 € (frais inclus). © Dorotheum
La parabole de l’homme riche
Après avoir été formé auprès de Joris Hoefnagel et Jacob Savery, Hans Bol fut reçu membre de la guilde d’Anvers en 1574. Dès lors, il réalisa de petits paysages à la gouache. En 1584, lors de l’invasion des troupes espagnoles, il se réfugia à Bergen op Zoom, puis à Dordrecht, avant de s’installer à Amsterdam où il mourut en 1593. Le sujet de cette gouache est la parabole de l’homme riche que l’on perçoit à gauche entouré de gros sacs et d’un coffre impressionnant. Mais l’occasion est aussi donnée au peintre de décrire la vie quotidienne des habitants d’une petite ville, avec la construction d’une maison, la rentrée des foins, le berger et ses moutons… On retiendra de cet artiste les miniatures du Livre d’heures du duc d’Alençon (1582). Il fut le maître de Frans Boel et Georg Hoefnagel.
Hans Bol (1534-1593), Paysage avec la parabole de l’homme riche. Gouache et or sur vélin sur panneau de chêne, 16 x 31,5 cm. Signé et daté « .HBOL.1585 ». Vente Paris, Artcurial, 30 avril 2025. Estimé : 300 000/400 000 €. Adjugé : 682 240 € (frais inclus). © Artcurial
Succès pour L’Été par Brueghel le Jeune
Pieter Bruegel l’Ancien réalisa en 1565 une série de six tableaux illustrant le cycle des saisons. De L’Été, il ne reste que deux tableaux : La Fenaison (Prague) et La Moisson (New York). Si cette série n’a pas été terminée, des gravures, notamment celles de Hieronymus Cock, demeurèrent et furent une source d’inspiration pour Pieter Brueghel le Jeune. Ce sujet a rencontré un véritable succès lors de sa diffusion. La dimension monumentale du faucheur au premier plan, positionné en contraposto, la présence d’une femme dont le visage est dissimulé par le panier qu’elle porte sur la tête, ou encore les deux faux qui se croisent, nombreux sont les détails pittoresques qui ponctuent cette œuvre. En admirant ce tableau, l’on ne peut qu’adhérer à la réflexion de Wolfgang Stechow : « plutôt que le paysage, les personnages dominent la composition ».
Pieter Brueghel le Jeune (1564-1637/1638), La moisson, allégorie de l’Été. Huile sur bois signée, 42 x 57 cm. Vente Paris, Artcurial, 30 avril 2025. Estimé : 1/1,5 M€. Adjugé : 2 902 400 € (frais inclus). © Artcurial
La prédication de saint Jean Baptiste
Trente et un tableaux sur ce thème furent recensés par Klaus Ertz, dont l’original réalisé par Pieter Bruegel l’Ancien est conservé au musée des Beaux-Arts de Budapest. Il fut peint en 1566, année où débuta une guerre qui dura quatre-vingts ans ; il existe peut-être une corrélation entre le sujet de cette œuvre et ces événements. S’agit-il d’un prêche en plein air de l’église réformée, ou d’une profession de foi d’un fidèle envers son église ou encore d’une réunion interdite des anabaptistes ? Dans cette œuvre, un personnage, présent dans les autres versions, a disparu ; il s’agit d’un homme au premier plan se faisant lire les lignes de la main, ce qui contredit l’hypothèse d’une prédication religieuse. La version de Pieter Bruegel l’Ancien montre un paysage plus développé dans la partie haute que chez son fils Pieter ; son autre fils Jan donne, quant à lui, plus de place à la végétation.
Pieter Brueghel le Jeune (1564-1637/1638), La Prédication de saint Jean Baptiste. Huile sur bois, 91,5 x 172 cm. Signé et daté 1620. Vente Paris, Artcurial, 30 avril 2025. Estimé : 800 000/1 200 000 €. Adjugé : 1 600 400 € (frais inclus). © Artcurial
Nature morte aux instruments de musique
Illustration du milieu culturel raffiné de Lombardie au XVIIe siècle, cette nature morte de Bartolomeo Bettera est proche de celles d’Evaristo Baschenis, peintre qui l’influença certainement. Les éléments récurrents des natures mortes de Bettera, actif en Lombardie, sont un tapis oriental sur lequel il dispose des instruments de musique, un globe terrestre – témoignant des nombreuses explorations et découvertes de l’époque –, agrémentés d’une touche de naturalisme avec la présence de quelques fruits, et comme souvent, des livres illustrant le savoir. Après la Lombardie, Bettera séjourna à Rome avant de s’installer à Milan en 1687. Ses natures mortes montrent un sens de l’esthétique élaboré, avec un certain don pour remplir l’espace, dans un décor quelque peu théâtral, tandis qu’Evaristo Baschenis fait preuve de beaucoup plus de sobriété.
Bartolomeo Bettera (1639-après 1688), Archiluths, un violon, un alto, une guitare, une mandore, des livres, des partitions et un globe terrestre sur un tapis posé sur un rebord en pierre, avec un abricot et deux cerises en bas à gauche. Huile sur toile, 100 x 152 cm. Vente Vienne, Dorotheum, 29 avril 2025. Estimé : 50 000/70 000 €. Adjugé : 106 600 € (frais inclus). © Dorotheum