Adjugé ! Le design français au sommet

Contrairement à son mari François-Xavier (1927-2008), Claude Lalanne (1925-2019) ne faisait pas de dessin préparatoire pour ses sculptures, mais plutôt des maquettes. Elle fit de même avec le motif de la feuille de gingko – ou « arbre aux quarante écus » – qui lui fut rapportée du Japon par des amis et qui l’inspira pour imaginer un mobilier d’extérieur. Elle agrandit à la main les proportions de cette petite feuille en les reportant sur une page de cire vierge, opération ardue et délicate qui aboutit à une première matrice aux effets esthétiques inédits qu’elle déclina ensuite sur plusieurs pièces de mobilier de jardin, comme des tables rondes, des guéridons bas, de petites chaises ou des variantes de banquettes. Une banquette similaire de 2015 avait obtenu plus d’1,4 M€ chez Sotheby’s Paris le 4 novembre 2021. On peut en admirer un petit modèle au MAD à Paris, qui conserve plus de cinquante œuvres des Lalanne grâce à la dation de 2021.

Claude Lalanne (1925-2019), Paris, 2003. Banquette « Les Berces adossées » en bronze doré patiné, 106 x 250 x 72 cm. Monogrammée en creux « CL », numérotée 1/1B et datée 2003 dans le décor. Vente Paris Drouot, Rémy Le Fur & Associés, 11 avril 2025. Estimé : 600 000/800 000 € Adjugé : 1 333 500 € (frais inclus). © Drouot / Rémy Le Fur & associés

Ce très grand modèle en acajou massif a été fabriqué par l’ébéniste préféré de Charlotte Perriand (1903-1999), André Chetaille (1906-1978), qui a appliqué à ce type de plateau en bois massif épais un assemblage par fausses languettes, selon les règles de l’art des charpentiers et non des menuisiers ; il souligna ainsi les assemblages pour affirmer la construction, rythmant le pourtour du plateau avec ces languettes et les caches circulaires masquant les tiges filetées. L’épaisseur et le profil des plateaux massifs correspondent à la forme et à la dimension de la paume de la main ; l’inclinaison des chants et les angles légèrement arrondis, « comme une caresse », selon les propres mots de Charlotte ­Perriand, confèrent aux pieds de sa table une forme elliptique orientée vers le centre afin d’éviter aux convives en bout de table de se cogner les genoux. Quant aux gorges ou rainures creusées dans les longueurs, elles ont été voulues pour apporter plus d’élan au plateau.

Charlotte Perriand (1903-1999), table « à gorges », Paris, vers 1959. Acajou massif, fer, 73 x 320 x 112 cm. Épaisseur du plateau : 6 cm. Vente Paris, Drouot Estimations, 28 mars 2025. Estimé : 50 000/80 000 € Adjugé : 231 250 € (frais inclus). © Drouot Estimations

En 1930, Jean-Michel Frank (1895-1941) décore l’appartement de François Mauriac à Paris et il est nommé directeur artistique par achat de parts des établissements d’Adolphe Chanaux – ébéniste talentueux qui réalisait déjà ses meubles et certains aménagements. Son travail devient moins minimaliste, avec un élargissement chromatique et une plus grande référence à l’ancien comme au néoclassicisme dont sont empreints ces tabourets cannés ornés d’une grecque. Son succès est immédiat et il décore les showrooms de grands couturiers tandis que les commandes des milliardaires argentins et américains consacrent sa carrière internationale. En septembre 1939, les ateliers Chanaux ferment leurs portes et, en juillet 1940, Frank part pour l’Argentine, où il confiera à l’entreprise Comté, installée à Buenos Aires, le soin de produire certaines de ses créations comme ces tabourets, dont le modèle fut créé vers 1935, et qui portent chacun la plaque de l’éditeur argentin.

Jean-Michel Frank (1895-1941), tabourets d'inspiration grecque, Buenos Aires, Argentine. Modèle créé vers 1935. Fer noirci, cannage, 39 x 50 x 38 cm. Vente Paris, Piasa, 26 mars 2025. Estimé : 25 000/35 000 € Adjugé : 95 200 € (frais inclus). © Piasa