Avis aux bibliophiles et amateurs d’estampes : les ventes aux enchères à ne pas manquer en mai 2025

« Les exemplaires les plus désirables de la littérature française du XVIII^e au XX^e siècle », « l’une des plus belles et des plus sélectives bibliothèques à être présentées en vente publique depuis des décennies » : la maison Christie’s ne tarit pas d’éloges sur la collection du bibliophile Pierre Brossette qu’elle met en vente. Force est de reconnaître que de nombreux lots ont de quoi éblouir tant par leur état de conservation que par leurs caractéristiques : édition originale, provenance presti- gieuse, reliure d’artiste, envoi signé d’une plume célèbre, enrichissement par des documents uniques…
Le surréalisme est très bien représenté par quatre ouvrages emblématiques, dans leur édition originale reliée magistralement par Paul Bonet, notamment avec les reliures photographiques qu’il exposa au Salon d’automne de 1934 (numéros de lots indisponibles). Sur L’Amour la poésie de Paul Éluard (1929), le décor figure une main attrapant une étoile parmi les constellations (estimation entre 70 000 et 100 000 €). Sur L’Immaculée Conception de Breton et Éluard, renfermant une eau-forte de Dalí (1930), se déploie un motif de deux mains à demi ouvertes sur des nuages et des étoiles (100 000-150 000 €). Pour un précieux exemplaire d’Alcools d’Apollinaire, Paul Bonet a créé un décor cubiste, en partie gaufré et quadrillé, en écho à un portrait du poète par Picasso en frontispice (80 000-120 000 €). Enfin, l’exemplaire de Nadja de Breton s’avère exceptionnel à plus d’un titre. Il est dédicacé à René Char, pour qui Bonet réalisa une fascinante reliure, où le visage de l’auteur, une main et des étoiles (encore !) dessinent une cartographie poétique. Entre les pages ont été ajoutées des épreuves photographiques ainsi qu’une lettre et des dessins de la Nadja réelle, amante de Breton. Cet objet, proche du reliquaire, est attendu entre 120 000 et 180 000 €. Le lot le plus onéreux reste Jazz de Matisse, livre d’artiste le plus célèbre du XX^e siècle (1947), ici dans un écrin de la relieuse Rose Adler, avec des mosaïques de nombreuses couleurs, commandé par le colonel Sicklès (estimation entre 200 000 et 300 000 €).
Les lots des époques antérieures ne sont pas moins recherchés. Citons une édition de luxe des Fables de La Fontaine illustrées par Oudry (1755-1759), admirablement coloriées à la main, ayant appartenu à la princesse Sophie-Dorothée de Wurtemberg, épouse et mère de tsar, espérée entre 150 000 et 200 000 €. D’autres pièces en provenance de bibliothèques de renom laissent augurer de belles enchères : une édition du Voyage de La Pérouse autour du monde (1797) reliée aux armoiries du grand bibliophile Albert de Saxe-Teschen, une édition originale de La Chartreuse de Parme ayant appartenu à l’impératrice Marie-Louise d’Autriche, ou encore une édition originale du Code de procédure civile de 1806, exemplaire personnel du Deuxième consul sous Napoléon, Cambacérès – celui-là même qui a fait rédiger ce texte juridique.

Henri Matisse (1869-1954), Jazz (1947), exemplaire Sicklès-Jean Bonna, relié par Rose Adler. Estimé entre 200 000 et 300 000 €. Vente Christie’s du 22 mai 2025. Expert : Adrien Legendre. © Christie’s Images Limited 2025

Au catalogue de cette vente figurent de grandes signatures, à commencer par Albrecht Dürer, avec une planche de La Déploration sur le Christ mort (vers 1498-1499), extraite du recueil de la Grande Passion. L’illustre artiste de la Renaissance, qui magnifia la gravure sur bois, mit plus de dix ans à réaliser cette série. Le lot est espéré entre 4 000 et 5 000 € (numéros de lot indisponibles). La même estimation a été faite pour une épreuve rehaussée à l’aquarelle d’Émile Bernard, dans sa période « Pont-Aven » : Bretonnes nourrissant les cochons (1889), une zincographie extraite de la suite des Bretonneries. Toujours dans la même fourchette de prix, on pourra acquérir Potager à La Ville-Hue (Saint-Briac) (1890), un bois gravé d’Henri Rivière, maître du japonisme (exposé en ce moment au musée de Bormes-les-Mimosas). L’estimation est identique pour une eau-forte de Picasso : Peintre ramassant son pinceau, avec un modèle au turban (1927-1930), destinée à illustrer Le Chef-d’œuvre inconnu de Balzac. L’épreuve est annotée « Bon à tirer » et signée. Enfin, mentionnons une suite complète de 6 lithographies et d’un frontispice du peintre Odilon Redon : À Gustave Flaubert ; six dessins pour la Tentation de saint Antoine (1889), dont la valeur a été estimée entre 8 000 et 10 000 € par l’experte, Hélène Bonafous-Murat.

Albrecht Dürer (1471-1528), La Déploration sur le Christ mort (vers 1498-1499), bois gravé, estimé entre 4 000 et 5 000 €. Vente Ader du 28 mai 2025. Expert : Hélène Bonafous-Murat. © Ader

Sotheby’s : livres et manuscrits, le 4 juin, Paris, sothebys.com

Alde : livres anciens et du XIX^e siècle, le 18 juin, Paris, alde.fr

Beaussant-Lefèvre : livres anciens et modernes, manuscrits, le 24 juin, Paris, beaussantlefevre.com

De Baecque : livres, le 25 juin, à 14 h, Lyon, debaecque.fr

Ader : estampes contemporaines, le 2 juillet, à 14h, Paris, ader-paris.fr