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Les Taménaga : 50 ans de passion pour l’art

Kiyoshi, Kiyomaru et Tsugu Taménaga à Tokyo en 2019 (détail).

Kiyoshi, Kiyomaru et Tsugu Taménaga à Tokyo en 2019 (détail). © galerie Taménaga

C’est en 1969 que Kiyoshi Taménaga, aujourd’hui âgé de 90 ans, fonde la galerie Taménaga ; deux ans plus tard, des succursales sont inaugurées à Paris puis à Osaka ; un espace est même ouvert à New York pendant un temps, et en 2021 elle conquiert Kyoto. Aujourd’hui Tsugu Taménaga, le fils de Kiyoshi, est aux commandes de cet empire familial discret. Il vient de célébrer le jubilé de la galerie parisienne, assisté de son fils Kiyomaru. La relève est assurée…

L’histoire commence en 1957, lorsque le jeune Kiyoshi Taménaga qui a entrepris une thèse sur Cézanne arrive en France après un voyage en avion de 57 heures. Dans la tradition du Grand Tour, il s’apprête à visiter l’Europe pendant toute une année pour « voir autant d’art que possible ». Subjugué par Paris, il s’installe à l’hôtel au cœur de Saint-Germain-des-Prés et arpente les musées de la capitale ; insatiable, il veut tout connaître ! Dans le quartier de Montparnasse, Kiyoshi se lie avec ses compatriotes Takanori Oguiss et Léonard Foujita qui va l’introduire auprès des artistes de l’avant-garde. Le jeune homme fréquente les ateliers, discute avec les peintres et réussit à les persuader de lui confier des œuvres pour les montrer au Japon. Il organise ainsi chaque année une « exposition internationale du figuratif » très attendue des amateurs.

Takehiko Sugawara, Miharu. Pigments naturels sur papier washi monté sur panneau, 227 x 545 cm.

Takehiko Sugawara, Miharu. Pigments naturels sur papier washi monté sur panneau, 227 x 545 cm. © galerie Taménaga

Les débuts de la galerie Taménaga

En juin 1969, poussé par ses amis peintres, il ouvre sa première galerie à Tokyo dans le très chic quartier de Ginza, la seule à montrer des maîtres occidentaux contemporains. Le succès est tel que deux ans plus tard, il inaugure une seconde enseigne à Osaka. « À l’époque, les meilleures œuvres étaient encore accessibles sur le marché » explique son fils Tsugu. Le marchand prend les artistes sous contrat et fait d’eux des stars au Japon, à l’instar de Bernard Buffet avec lequel il conclut un contrat d’exclusivité pour l’Asie. Véritable ambassadeur de l’art occidental dans son pays, Kiyoshi Taménaga conseille les musées désireux de former des collections. Tandis que le public japonais se familiarise avec la peinture occidentale, la galerie parisienne consacre son exposition inaugurale, en 1971, à la peinture figurative japonaise. Déployée sur l’avenue Matignon, dans les immenses locaux de l’ancienne galerie Romanet, elle permet au marchand de réaliser son rêve : avoir pignon sur rue au cœur d’un quartier réputé pour le marché de l’art dans cette ville qui l’éblouit tant.

Une relève assurée

Cinquante ans plus tard, la rétrospective organisée sous la houlette de Tsugu Taménaga est elle-même éblouissante : Bonnard, Cézanne, Braque, Chagall, Degas, Derain, Dubuffet, Foujita, Gris, Kisling, Modigliani, Picasso, Van Dongen, Vlaminck, Vuillard, côtoient Aïzpiri, Bardone, Cassigneul, Cottavoz, Fusaro, Guiramand, Weisbuch… À la tête de la galerie de l’avenue Matignon depuis 1994, il en a doublé la superficie : elle se déploie désormais sur 600 m2. Après des études de droit et de finance, puis une carrière dans la banque au Japon, il a, à l’instar de son père, accompli un tour d’Europe avant de s’installer à Paris. Constamment à la recherche de talents, il fait entrer de nouveaux artistes dans le giron de la galerie, à l’image de l’Espagnol Lorenzo Fernandez et du Japonais Kyosuke Tchinaï. Il s’ouvre à l’abstraction en présentant le Japonais Nuit Sano et le Chinois Chen Jiang-Hong. Les expositions monographiques de ses compatriotes, tels Naoya Egawa (né en 1988) ou Takehiko Sugawara (né en 1962) – qui sera à l’honneur en mars 2022 – font florès auprès du public parisien. Son fils aîné Kiyomaru, né à Paris en 1993, a, lui aussi, étudié l’histoire de l’art : il se prépare à prendre la relève un jour…

Kiyoshi, Kiyomaru et Tsugu Taménaga à Tokyo en 2019.

Kiyoshi, Kiyomaru et Tsugu Taménaga à Tokyo en 2019. © galerie Taménaga

Cent chefs-d’œuvre de Georges Rouault

Dans le sillage du Centre Pompidou qui a proposé cet automne l’exposition « Saintes Colères » (le musée national d’Art moderne conserve l’un des plus importants fonds d’œuvres du peintre au monde), la galerie Taménaga célèbre le 150anniversaire de la naissance de Georges Rouault (1871-1958). Plus d’une centaine d’œuvres (gouaches, aquarelles, estampes, et de rares huiles), en grande partie inédites, témoignent de la diversité des thèmes abordés par l’artiste, qu’ils soient religieux ou bien profanes. Depuis sa création, la galerie Taménaga soutient l’œuvre de Rouault et elle a très largement contribué à le faire découvrir au Japon en organisant des expositions dans ses galeries de Tokyo et d’Osaka. Nombre de ses chefs-d’œuvre ont depuis été acquis par les plus grands musées et collectionneurs nippons. La galerie Taménaga a aussi apporté son soutien à la publication par la Fondation Georges Rouault du troisième volume du catalogue raisonné de l’œuvre peint de l’artiste, riche de quelque 2 400 numéros et comprenant des céramiques, des émaux, des vitraux et des tapisseries. Ardent défenseur des opprimés et des exclus de la société, Georges Rouault, qui fut l’élève de Gustave Moreau, s’engagea sur la voie de la spiritualité. C’est peut-être la dimension contemplative de son art, éminemment original par le rendu de la matière et sa gamme chromatique, qui séduit les amateurs japonais.

Georges Rouault (1871-1958), Le Tribunal de Province, 1938. Huile sur toile, 65,2 x 102,2 cm.

Georges Rouault (1871-1958), Le Tribunal de Province, 1938. Huile sur toile, 65,2 x 102,2 cm. © galerie Taménaga / Adagp, Paris 2022

Du 18 novembre 2021 au 15 janvier 2022 à la galerie Taménaga, 18 avenue Matignon, 75008 Paris. www.tamenaga.com

À lire : Olivier Nouaille et Olivier Rouault, Rouault, l’œuvre peint, volume III, édité par la Fondation Georges Rouault, 380 p., 2021, 250 €.