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L’exquise Adèle Tornézy se dévoile chez Artcurial

Adèle Tornézy (1769-1861), Portrait de femme artiste (détail). Huile sur toile, 151 x 111,5 cm. Signée et datée « Adèle Tornézy / Lan 3eme r » en bas à droite. Vente Paris, Artcurial, 25 novembre 2025. Estimé : 100 000/150 000 €.

Adèle Tornézy (1769-1861), Portrait de femme artiste (détail). Huile sur toile, 151 x 111,5 cm. Signée et datée « Adèle Tornézy / Lan 3eme r » en bas à droite. Vente Paris, Artcurial, 25 novembre 2025. Estimé : 100 000/150 000 €. Photo service de presse. © Artcurial

La maison de ventes Artcurial offrira au feu des enchères cet automne une œuvre primordiale de « l’idole de Monsieur et Madame Regnault », élève chérie tant pour ses qualités artistiques que pour son élégance naturelle et son invention de la ceinture de couleur ponceau.

Née la même année qu’Adèle de Romance, fille d’un avocat, Adèle Tornézy occupe une place de choix dans les Souvenirs de 1793 et 1794 d’Albertine Clément-Hémery, magnifique récit de la vie dans l’atelier de Sophie et Jean-Baptiste Regnault sous la Terreur : « Entre toutes brillait, comme la perle que l’aube du mois de Mai dépose sur l’émeraude de nos prairies, Adèle Tornézy : il y avait de la magie dans son élégante et gracieuse tournure, de la poésie, dans son regard fin et spirituel. Le sourire malin qui formait des fossettes à ses joues fraîches, à son menton délicatement arrondi, développait des lèvres de feu, admirablement dessinées ; l’esprit pétillait dans chacune de ses paroles légèrement incisives, sans jamais blesser. Cet ensemble tout aérien, renfermait une âme héroïque, une pensée forte, un génie créateur ».

Adèle Tornézy (1769-1861), Portrait de femme artiste. Huile sur toile, 151 x 111,5 cm. Signée et datée « Adèle Tornézy / Lan 3eme r » en bas à droite. Vente Paris, Artcurial, 25 novembre 2025. Estimé : 100 000/150 000 €.

Adèle Tornézy (1769-1861), Portrait de femme artiste. Huile sur toile, 151 x 111,5 cm. Signée et datée « Adèle Tornézy / Lan 3eme r » en bas à droite. Vente Paris, Artcurial, 25 novembre 2025. Estimé : 100 000/150 000 €. Photo service de presse. © Artcurial

Une élégante

Albertine Clément-Hémery érige sa camarade en parangon d’élégance, lui attribuant le mérite d’avoir renouvelé « les modes attrayantes de la terre classique où vécurent Aspasie et Alcibiade » afin de « remplacer ces informes corsages dits à la Colblentz » : « Un jour, Tornézy apporta des ceintures de laine ponceau, des bandelettes de même couleur, elle choisit Vallière, Longueville, Mme Mongez, Latouche et moi, nous attacha les bandelettes et la ceinture semblables à celles dont elle était parée, puis nous engagea à l’accompagner au ­Muséum, ensuite aux Tuileries, nous hésitâmes, mais qui pouvait résister aux prières de Tornézy. Voyez-vous six femmes dont j’étais la plus jeune et la moins jolie, se disputant de fraîcheur, de gaîté, de grâce et de coquetterie, parées comme les victimes sacrifiées en Tauride, les cheveux lisses, parfumés, à côté de ces gras et dégoutants bonnets rouges, de ces carmagnoles républicaines, souvent sales, déchirées… ». La peintre venait de réussir un coup de maître : « Le décadi suivant, les Tuileries, les Champs-Élisées (sic) étaient remplis de femmes bariolées de ceintures, de bandelettes, de cothurnes grecs ».

Adèle Tornézy (1769-1861), Portrait de femme artiste (détail). Huile sur toile, 151 x 111,5 cm. Signée et datée « Adèle Tornézy / Lan 3eme r » en bas à droite. Vente Paris, Artcurial, 25 novembre 2025. Estimé : 100 000/150 000 €.

Adèle Tornézy (1769-1861), Portrait de femme artiste (détail). Huile sur toile, 151 x 111,5 cm. Signée et datée « Adèle Tornézy / Lan 3eme r » en bas à droite. Vente Paris, Artcurial, 25 novembre 2025. Estimé : 100 000/150 000 €. Photo service de presse. © Artcurial

Un manifeste vestimentaire

Il serait fort séduisant de reconnaître dans le tableau découvert par Artcurial un autoportrait aux lignes sinueuses, orchestrant un savant équilibre entre la nonchalance feinte de la pose et la tension contenue du regard. L’hypothèse est d’autant plus tentante que l’œuvre fut pieusement conservée dans la famille, et que chaque détail, des souliers au bandeau d’azur, jusqu’au châle finement brodé, semble participer de cette idée d’une élégance incarnée. Toutefois Albertine Clément-Hémery décrit bien « la svelte Tornézy, à la peau blanche, aux yeux bleus, aux cheveux d’ébène », or le modèle ici représenté présente une chevelure, châtain très clair, et un regard brun. L’artiste exposa bien, au ­Salon de 1795, un Portrait de femme, dont les dimensions, cadre inclus, correspondent à ce tableau ; mais l’identité du modèle demeure encore nimbée de mystère. Nous savons juste que « Mademoiselle Gio » posait pour elle trois mois avant l’ouverture du Salon.

Adèle Tornézy (1769-1861), Portrait de femme artiste (détail). Huile sur toile, 151 x 111,5 cm. Signée et datée « Adèle Tornézy / Lan 3eme r » en bas à droite. Vente Paris, Artcurial, 25 novembre 2025. Estimé : 100 000/150 000 €.

Adèle Tornézy (1769-1861), Portrait de femme artiste (détail). Huile sur toile, 151 x 111,5 cm. Signée et datée « Adèle Tornézy / Lan 3eme r » en bas à droite. Vente Paris, Artcurial, 25 novembre 2025. Estimé : 100 000/150 000 €. Photo service de presse. © Artcurial

Le portrait du musée ­Boucher de Perthes

Le Portrait de Madame Tallien, signé et daté de l’an VI, redécouvert par Margaret A. Oppenheimer au musée ­Boucher de Perthes, offrait déjà un aperçu flatteur des talents de l’artiste à cette date ; toutefois, cette œuvre-ci, sans doute destinée à entrer dans un musée, ouvre un véritable champ d’investigation autour de l’atelier féminin du couple Regnault. Il serait fécond de la confronter au tableau conservé au musée des Beaux-arts de Rouen souvent donné à tort à Adèle de Romance…

Vente Paris, Artcurial, le 25 novembre 2025 à 14h. www.artcurial.com