Une nouvelle vie pour le marchand Christian Deydier : la tentation de Venise…

Christian Deydier. © Lucien Chan
Le rideau s’apprête à tomber sur la galerie parisienne de Christian Deydier. Elle fermera ses portes le jour du solstice d’été après une ultime exposition rassemblant sept chefs-d’œuvre qui symbolisent le « Qi » (la force vitale). Désormais, cet ami intime du président Chirac partagera son temps entre sa galerie de Hong-Kong et la ville de Venise où il a élu domicile.
Exit la France où, selon ses propres mots il a « bénévolement et sans compter dépensé son énergie à la défense de la profession, d’abord en qualité de membre, puis de président du Syndicat national des antiquaires […], mais aussi au sein du Conseil des ventes volontaires […]. » Las du poids de l’administration, des contrôles incessants des douanes, des interrogatoires de l’OCBC et de la police, des délais interminables pour l’obtention de certificats et de licences d’exportation, ou encore de l’ingratitude des musées à son égard, Christian Deydier a décidé de quitter la France pour de bon. Il part exercer son métier et vivre sa passion sous d’autres latitudes. Rappelons qu’il y a un peu plus d’une décennie il présidait encore la Biennale des Antiquaires et de la Haute Joaillerie, lorsqu’elle brillait de mille feux, avant que les choses ne se gâtent irrémédiablement…
Statuette d’éléphant marchant, Chine, dynastie Tang (618-907). Terre cuite, traces de polychromie, 60 x 40 cm. © Vincent Girier-Dufournier
Une ultime exposition
Ce spécialiste d’archéologie chinoise fait ses adieux à la France en déployant une dernière exposition. Parmi les sept pièces exceptionnelles réunies (le chiffre 7 représentant le « Qi ») dans sa galerie de Saint-Germain-des-Prés, on s’arrêtera tout particulièrement devant un extraordinaire cheval marchant en bronze à patine verte, de la dynastie des Han orientaux (25-220 après J.-C.) et une rare statuette d’éléphant en terre cuite, autrefois polychrome, de la dynastie Tang (618-907). Un précieux Bodhisattva, de la dynastie Song ou Jin (fin du Xe – début du XIIe siècle), au visage incroyablement serein, assis en lalitasana, trône au milieu de cet ensemble.
Bodhisattva assis en lalitasana ou « délassement royal », Chine, dynastie Song ou Jin, fin du Xe – début du XIIe siècle. Bois sculpté, H. 123 cm. © Vincent Girier-Dufournier
Les débuts d’une passion
Né au Laos le 12 octobre 1950, Christian Deydier voyage dès son plus jeune âge avec son père, Henri Deydier, membre de l’École française d’Extrême-Orient et spécialiste de l’art du Gandhara. Ce dernier meurt brutalement, en 1954, dans une catastrophe aérienne près de Luang-Prabang au Laos, alors que son fils n’a que 4 ans. Son grand-père possédait la célèbre librairie orientaliste Maisonneuve à Paris. Dès sa plus tendre enfance, le petit Christian fréquente les musées avec sa marraine, Francine Elisseeff (la seconde femme de Vadime Elisseeff, éminent spécialiste de l’art d’Extrême-Orient), qui l’emmène le week-end à Cernuschi, où on le laisse toucher les objets et même parfois chevaucher les biches en bronze.
« À la base, je ne suis pas un antiquaire, j’ai une formation de scientifique, je suis un piètre vendeur car je ne trouve jamais les objets assez beaux pour mes clients »
Christian Deydier
Christian Deydier. © Lucien Chan
Le souffle de l’Orient
Après avoir étudié l’archéologie chinoise à l’université de Tai Ta à Taipei, il se spécialise dans l’étude des jiaguwen (première forme connue de l’écriture chinoise, gravée sur carapaces de tortues et os de buffles, datant de la dynastie des Shang du XIIIe au XIIe siècle avant J.-C.) avant de poursuivre sa formation à Paris avec un diplôme de langue et civilisation chinoises (sa thèse sera publiée par l’École française d’Extrême-Orient). Sa voie est toute tracée : il sera conservateur ou chercheur au CNRS.
Cependant, il aime également passer du temps à l’hôtel Drouot… Lorsqu’il échoue à obtenir le poste qu’il convoitait au musée Guimet, le jeune homme franchit le Rubicon et se lance dans l’expertise auprès de Jean-Claude Moreau-Gobard, un ami de son père. Rapidement, il réalise que le domaine des arts asiatiques (toutes périodes confondues) demeure bien trop vaste pour espérer être compétent… Le monde des collectionneurs d’archéologie chinoise lui tend les bras et lui fait confiance pour constituer d’insignes ensembles, tels les bronzes de la collection Meiyintang. « À la base, je ne suis pas un antiquaire, j’ai une formation de scientifique, je suis un piètre vendeur car je ne trouve jamais les objets assez beaux pour mes clients », développe le marchand qui, après avoir ouvert une première galerie à Londres en 1987, s’est installé à Paris dix ans plus tard, rue du Bac puis rue de Seine.
« Le “Qi” : la force vitale », jusqu’au 21 juin 2025 à la galerie Christian Deydier, 30 rue de Seine, 75006 Paris. Tél. 01 40 20 97 34. www.deydier.com