À l’été 2023, le bureau d’investigations archéologiques Hadès est intervenu rue Abbé Bessou avant la construction d’un immeuble afin de sauvegarder la mémoire du sous-sol de cette parcelle. Ces fouilles préventives ont été l’occasion de (re-)découvrir un quartier périphérique de la cité antique et de reprendre l’exploration d’une luxueuse domus anciennement découverte.
Si cet espace est occupé depuis la période gauloise par les Rutènes, son nom n’est que tardivement mentionné. La première occurrence connue est à attribuer au géographe grec Ptolémée qui, au IIe siècle de notre ère, évoque la Polis Segodounon qui se transforme ensuite, en latin, en Segodunum. C’est à cette période que la ville antique prend de l’ampleur : elle s’étend hors rempart et investit les quartiers périphériques. À la fin du XIXe siècle, et dans le courant des années 1970-1980, les travaux d’urbanisme mettent au jour plusieurs secteurs d’habitats mais ces observations demeurent succinctes, complétées par une collecte opportuniste des mobiliers dans les déblais des travaux.
Une domus richement décorée
La plupart des mosaïques de pavement reposent sur une mise en œuvre conçue à partir d’un modèle décrit au Ier siècle avant notre ère par Vitruve dans son traité De architectura (VII, 1) : le statumen, un hérisson de pierres, supporte deux couches de mortier distinctes, le rudus et le nucleus. Au-dessus du nucleus, le lit de pose en mortier plus fin, ici du mortier de chaux, accueille l’opus tesselatum, autrement dit la mosaïque. C’est à ce niveau que l’on peut retrouver des dessins préparatoires ou, comme ici, de simples guides formés de lignes perpendiculaires. La mosaïque découverte à Rodez est ornée de motifs géométriques encadrés de noir et de tresses polychromes réalisées à l’aide de tesselles en calcaire de couleur noire, bleue, jaune et rouge agencées sur fond blanc. Le décor comporte notamment des compositions en quadrillage à double filet de cercles et de carrés concavés, des damiers de triangles noirs et blancs, des hexagones oblongs et carrés, des cercles tangents, des carrés sur pointes, des losanges, des carrés alternés, des étoiles formées de huit losanges, des palmettes inversées mais également des motifs végétaux symétriques de feuilles cordiformes à volutes. Les éléments les mieux conservés, exposés au musée Fenaille à Rodez, ont été déposés lors d’une fouille de sauvegarde menée au milieu des années 1980 par l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (Afan). Les nouvelles découvertes de 2023 confortent l’hypothèse des fouilleurs d’alors, celle d’un tapis qui ornait le sol d’une grande pièce d’une vaste domus construite autour du IIe siècle. Les murs qui entaillent la mosaïque indiquent un redécoupage des espaces à vivre que nous plaçons au IIIe siècle. Ces découvertes, auxquelles s’ajoutent les premiers enduits peints antiques de Rodez conservés en place, nous révèlent la catégorie sociale particulièrement élevée des occupants de ce quartier ruthénois.
Anaïs Denysiak
Archéologue responsable d’opération