Chambord : révélations de l’archéologie (1/7). Chambord avant Chambord

Vue de la façade orientale du château de Chambord. © DR
Château hors normes qui fête ses 500 ans en 2019, symbole du pouvoir royal puis républicain, classé sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco, Chambord est un des sites emblématiques de la Renaissance française. L’archéologie y est rentrée par la petite porte, dans l’ombre des personnages historiques tutélaires du lieu, il y a une vingtaine d’années. Elle y a mené une dizaine d’interventions préventives et programmées qui ont permis de renouveler de manière décisive les connaissances sur le château et ses abords. Elle a aussi apporté des éléments essentiels à l’histoire d’autres palais modernes, comme Roissy et Fontainebleau. Des avancées fondamentales que présente Archéologia dans ce dossier.
Diagnostic archéologique réalisé à Chambord en décembre 2012. L’opération a révélé les traces d’une occupation de la fin du Moyen Âge ainsi que des vestiges des écuries érigées en 1681. © Jean-Louis Bellurget (Inrap)
Qu’y avait-il avant Chambord ? Le croisement des sources textuelles et des prospections archéologiques, menées dans les forêts de Chambord depuis 1997, combiné aux résultats récents des prospections par LiDAR, révèle une image bien différente de celle livrée habituellement par la légende de la construction du château.
Le domaine des comtes de Blois
Les recherches scientifiques offrent l’image d’une forêt exploitée, parsemée de fermes et de clairières, où la chasse ne constituait qu’un des aspects de l’importance économique d’un domaine assemblé par les comtes de Blois aux XIIe et XIIIe siècles. À cette époque, le cours du Cosson est aménagé avec des barrages et des moulins. Un pont et un passage à gué sont mentionnés en 1307 tandis qu’un château, avec un bourg et un prieuré, sont également connus. La forteresse est citée dans plusieurs actes à partir du milieu du XIVe siècle et figure parmi les places fortes de la rive sud de la Loire pendant la guerre de Cent Ans. Renforcée en 1424, elle est encore dans un état opérationnel quand Louis XII (1498-1515) y réside en 1504.
Le LiDAR, Light Detection And Ranging, est un instrument de télédétection par la lumière, qui permet des mesures à distance fondées sur l’analyse des propriétés d’un faisceau lumineux renvoyé vers son émetteur.
François Ier, un roi bâtisseur
Entre son accession au trône en 1515 et sa mort en 1547, François Ier a dépensé une partie importante des revenus de la Couronne dans la construction de palais et de châteaux pour loger la cour et faire rayonner la grandeur du royaume. Onze projets ambitieux ont jalonné son règne, dont plusieurs sont restés plus ou moins inachevés. Le roi est étroitement associé aux châteaux de Fontainebleau et du Louvre, mais c’est surtout dans le Val de Loire qui se tient le théâtre des expérimentations architecturales. Ces dernières accélèrent l’adoption puis l’évolution des influences italiennes, selon un mouvement déjà amorcé sous Louis XII à la suite des campagnes militaires en Italie. Passionné d’art et d’architecture, avec un caractère plutôt impétueux, le roi suit ses chantiers de près.
Portrait de François Iᵉʳ par Jean Clouet, vers 1530. Huile sur bois, 96 x 74 cm. Paris, musée du Louvre. © Photo Josse / Leemage
L’ambition d’un roi
Ce bouillonnement se lit dans les édifices dont les façades décorées et les volumes harmonieux traduisent l’assimilation puis l’adaptation des nouveaux styles par les ouvriers français, porteurs de leur propre savoir-faire technique et esthétique. Ces édifices, en apparence homogènes, recèlent pourtant des hésitations et des changements de plan, retraçant les histoires souvent mouvementées des chantiers. L’architecture sert aussi, peut-être même en priorité, à porter un message politique. À Chambord, on observe une accélération du chantier dans les années 1530 afin qu’il soit terminé pour la visite de l’empereur Charles Quint, grand rival de François Ier. La multiplication des emblèmes personnels du souverain (salamandres, monogrammes, cordes à nœuds) et des symboles royaux voire impériaux (lys ou la forme de la couronne au sommet de la lanterne centrale du donjon) constitue une véritable déclaration de puissance du roi face à celui qui a remporté la couronne du Saint-Empire en 1519.
« Si l’on se préoccupait trop de l’achèvement des choses, on n’entreprendrait jamais rien. »
François Ier
La forteresse médiévale
La fouille de la cour intérieure en 2007 a mis en évidence la base d’une tour circulaire de 8 à 8,40 m de diamètre, sous le château actuel. Caractéristique d’une tour de flanquement du XIIe ou du XIIIe siècle, elle montre que la forteresse était située en fond de vallée, entourée de marais et sur le lieu de passage du Cosson. En 2010, lors du diagnostic archéologique des abords et du bourg médiéval, des vestiges de constructions en bois sur poteau et sablière ont été découverts autour de l’église actuelle. Il s’agit vraisemblablement des bâtiments annexes du prieuré démoli en 1520. L’image romancée d’un François Ier venu chasser dans un lieu désert avec ses amis serait donc à nuancer ; il fréquentait en réalité un paysage maîtrisé et exploité.
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Chambord : révélations de l’archéologie
1/7. Chambord avant Chambord