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« Comme un trésor dans votre grenier ! » : un tableau de Lavinia Fontana identifié au musée de la Chartreuse de Douai

Lavinia Fontana (1552-1614), Portrait d’un gentilhomme, sa fille et une servante (détail). Huile sur toile, 115 x 107 cm. Douai, musée de la Chartreuse.

Lavinia Fontana (1552-1614), Portrait d’un gentilhomme, sa fille et une servante (détail). Huile sur toile, 115 x 107 cm. Douai, musée de la Chartreuse. © Ville de Douai, musée de la Chartreuse / photo Claude Thériez

Un tableau conservé dans les collections du musée de la Chartreuse, à Douai, vient d’être attribué à l’Italienne Lavinia Fontana (1552-1614). La main de l’artiste, qui fut l’une des rares femmes peintres de son temps à connaître le succès, a été identifiée par Philippe Costamagna, spécialiste de l’art italien, dans ce Portrait d’un gentilhomme, sa fille et une servante. Le public pourra l’admirer du 19 au 24 mars, avant son départ en restauration.

« C’est évidemment une découverte capitale, comme si vous aviez trouvé un trésor dans votre grenier », a déclaré à Ici Pierre Bonnaure, directeur du musée de la Chartreuse. Lors d’un programme d’étude et de restauration de la collection de peintures italiennes, le regard d’un spécialiste de l’art maniériste florentin, Philippe Costamagna, est tombé sur ce portrait de groupe, alors conservé dans les réserves. Entré dans les collections du musée en 1857, il était attribué à un peintre flamand du XVIe siècle, Pieter Jansz. Pourbus (1523-1584).

« Le tableau devient le seul portrait de groupe de l’artiste conservé en France, plusieurs musées, à Blois, Bordeaux, Valenciennes ou Besançon, possédant des portraits individuels. »

Un exceptionnel portrait de groupe

Passé le temps de la réflexion, Philippe Costamagna informe le musée de sa conviction : l’œuvre a été peinte par l’une des plus grandes artistes italiennes de la Renaissance, Lavinia Fontana. Le tableau devient le seul portrait de groupe de l’artiste conservé en France, plusieurs musées, à Blois, Bordeaux, Valenciennes ou Besançon, possédant des portraits individuels. La toile représente un père et sa fille dans un intérieur. Au second plan, leur servante semble faire irruption, soulevant un rideau et apportant un panier. Nul doute que la future restauration de la toile rendra aux fruits qu’il contient et aux fleurs de la petite fille, comme à l’ensemble, leurs vives couleurs.

Lavinia Fontana (1552-1614), Portrait d’un gentilhomme, sa fille et une servante. Huile sur toile, 115 x 107 cm. Douai, musée de la Chartreuse.

Lavinia Fontana (1552-1614), Portrait d’un gentilhomme, sa fille et une servante. Huile sur toile, 115 x 107 cm. Douai, musée de la Chartreuse. © Ville de Douai, musée de la Chartreuse / photo Claude Thériez

Lavinia Fontana, artiste et femme d’affaires

Née à Bologne en 1552 et formée par son père, le peintre Prospero Fontana (1512-1597), Lavinia Fontana mena une brillante carrière de portraitiste. Les femmes de la haute société bolonaise se disputaient ses services – il était alors rare de pouvoir confier son portrait à une femme. Cultivant une clientèle aisée et influente, qui comptait notamment le pape Clément VIII, elle reçut aussi des commandes de sujets religieux et mythologiques. Élue à l’Académie de Saint-Luc, elle fut l’une des premières femmes à diriger un atelier. 

Lavinia Fontana (1552-1614), Autoportrait à l’épinette, 1577. Huile sur toile, 27 x 23,8 cm. Rome, Accademia nazionale di San Luca.

Lavinia Fontana (1552-1614), Autoportrait à l’épinette, 1577. Huile sur toile, 27 x 23,8 cm. Rome, Accademia nazionale di San Luca. © Wikimedia Commons

Une artiste recherchée par les musées

L’attribution d’une nouvelle œuvre à Lavinia Fontana intervient alors que l’intérêt des musées pour l’artiste ne cesse de croître. Quelques jours avant l’annonce du musée de la Chartreuse, le musée des Beaux-Arts de Montréal avait rendu publique l’acquisition de l’une de ses toiles réalisée en collaboration avec son père, La Présentation de Marie au Temple (vers 1575-1580). Il s’agit probablement d’un exercice donné à sa jeune élève par Prospero, inspiré d’une fresque de ce dernier. L’œuvre est d’ores et déjà visible sur les cimaises du musée.

Lavinia Fontana (1552-1614), en collaboration avec Prospero Fontana (1512-1597), La Présentation de Marie au Temple, vers 1575-1580. Huile sur toile, 91,5 x 74,5 cm. Montréal, musée des Beaux-Arts, achat grâce à la générosité de la Fondation Courtois.

Lavinia Fontana (1552-1614), en collaboration avec Prospero Fontana (1512-1597), La Présentation de Marie au Temple, vers 1575-1580. Huile sur toile, 91,5 x 74,5 cm. Montréal, musée des Beaux-Arts, achat grâce à la générosité de la Fondation Courtois. © Claudio Giusti, Florence

Un rare portrait dans un musée japonais

En juillet 2024, le musée national d’Art occidental de Tokyo avait acquis le fascinant Portrait d’Antonietta Gonzales (vers 1595) découvert en 2023. Vendu par la maison Rouillac en juin de la même année pour 1 550 000 euros (frais inclus), il a été présenté par la galerie Rob Smeets de Genève lors de l’édition 2024 de la TEFAF Maastricht et négocié par le musée japonais. Ce portrait, dont une autre version est conservée de longue date au château de Blois, est lui aussi visible dans les salles du musée.

Lavinia Fontana (1552-1614), Portrait d’Antonietta Gonzales, vers 1595. Huile sur toile, 54,4 x 47 cm. Tokyo, musée national d’Art occidental.

Lavinia Fontana (1552-1614), Portrait d’Antonietta Gonzales, vers 1595. Huile sur toile, 54,4 x 47 cm. Tokyo, musée national d’Art occidental. © DR