De si divins portraits au musée Fenaille

Portrait d’Agrippine l’Aînée (détail). Première moitié du Ier siècle de notre ère. Marbre, 36 cm de haut. Paris, musée du Louvre, DAGER. Photo service de presse. © Grand-Palais RMN (musée du Louvre), Hervé Lewandowski
Organisée avec la collaboration exceptionnelle du musée du Louvre, la nouvelle exposition du musée Fenaille nous invite à explorer l’art du portrait gréco-romain. Qui représente-on ? Pourquoi et comment ? Quelles sont les grandes modes et évolutions de l’Antiquité ?
Telles sont les passionnantes questions développées au fil du parcours qui donne à voir et à comprendre cet art majeur, jouant au fil des siècles des rôles très divers : images du pouvoir, supports de mémoire, offrandes aux divinités… Cet événement s’inscrit dans la réflexion que porte depuis plusieurs années le musée (à la tête d’une collection emblématique de statues-menhirs, considérées comme les premières représentations de l’Homme en Europe occidentale) sur la représentation de la figure humaine et les conditions de son expression dans les sociétés.
Portrait imaginaire d’Homère en Hermès
Durant l’Antiquité, divers portraits d’Homère sont réalisés. Vers 460 avant notre ère, est créé un prototype commun à de nombreux poètes, le représentant aveugle, les yeux clos. Puis, au cours des IIIe ou IIe siècles avant notre ère, une autre mode est mise à l’honneur où il est, cette fois-ci, figuré les yeux ouverts et le visage rasé, parfois à cheval, dans toute la puissance de son inspiration épique. Cet exemplaire se distingue par son exécution remarquable, notamment dans le travail des mèches de la barbe et des traits creusés. Il est propre à l’esthétique hellénistique des IIIe et IIe siècles avant notre ère, caractérisée par un naturalisme expressif.

Ier siècle de notre ère, d’après un original du IIIe ou du IIe siècle avant notre ère. Marbre, 53 cm de haut. Paris, musée du Louvre, DAGER. Photo service de presse. © Musée du Louvre, Dist. Grand-Palais RMN, Thierry Ollivier
Bijou monétaire
Acquis par le Louvre en 1973, ce somptueux bijou en or témoigne de la maîtrise atteinte par les artisans du Bas-Empire en matière d’orfèvrerie et du succès des bijoux monétaires dès le IIIe siècle de notre ère. Il offre cinq « portraits » (bien qu’individualisés, ces visages féminins et masculins sont toutefois difficilement identifiables) en médaillons et en haut relief. Sertie en son centre, une monnaie en or (un solidus) frappée à l’effigie de Constantin en 321 par l’atelier de Sirmium, près de Belgrade, commémore le second consulat de ses fils, Crispus et Constantin II (figurés au revers). Ce pendentif appartenait à un ensemble aujourd’hui dispersé et décorait sans doute un prestigieux collier offert par l’empereur à un haut dignitaire.

Médaillon orfévré intégrant un solidus de Constantin. Entre 346 et 348. Or, 9,2 cm de diamètre. Provenance : Cyrénaïque (Libye). Paris, musée du Louvre, DAGER. Photo service de presse. © Grand-Palais RMN (musée du Louvre), Tony Querrec
Portrait d’Agrippine l’Aînée
Fille d’Agrippa et Julie, épouse de Germanicus, Agrippine l’Aînée est dotée sur ce portrait d’une superbe coiffure aux mèches bouclées. Elle est identifiée sans ambiguïté grâce aux monnaies frappées en son honneur par son fils Caligula. Cette œuvre a été réalisée à Athènes : le visage est construit selon les normes de la sculpture grecque classique, plein et arrondi, limitant les reliefs de la physionomie (les pommettes et maxillaires ne sont pas notés), avec une arête des sourcils nettement marquée. Seul trait spécifique : le sculpteur a préservé le froncement de sourcils que l’on retrouve sur nombre de portraits d’Agrippine. (D’après la notice de l’œuvre dans le catalogue Rome, la cité et l’empire, 2022)

Première moitié du Ier siècle de notre ère. Marbre, 36 cm de haut. Paris, musée du Louvre, DAGER. Photo service de presse. © Grand-Palais RMN (musée du Louvre), Hervé Lewandowski
Patère à emblema formé d’un buste masculin
Cette coupe à emblema (médaillon en grec) constituait un des objets d’apparat du trésor de Boscoreale, exposé à la vue des convives lors des banquets. Elle formait très vraisemblablement une paire avec une seconde coupe dont ne subsiste plus que l’emblema, un buste féminin. Ici c’est le portrait réaliste d’un vieillard en ronde bosse, qui surgit le visage émacié, les pommettes saillantes, les traits marqués et très ridés, les cheveux courts et les oreilles décollées. Son style permet de le dater entre 20 et 40 de notre ère. Le couple composé par ces deux emblema en était-il un ? Étaient-ils les propriétaires du trésor ? Rien ne permet à l’heure actuelle de les identifier. (D’après la notice de l’œuvre dans le catalogue Rome, la cité et l’empire, 2022)

Deuxième quart du Ier siècle de notre ère. Argent, 24 cm de diamètre. Paris, musée du Louvre, DAGER. Photo service de presse. © Grand-Palais RMN (musée du Louvre), Hervé Lewandowski
Camée figurant Tibère et Germanicus
Ce camée superpose deux portraits en buste de profil tournés vers la droite. Le premier représente Tibère, drapé et coiffé de la couronne de laurier, taillée dans une couche de sardonyx. Au second plan, se trouve Germanicus. Hérité de traditions orientales, l’art de la glyptique se développe à Rome à la fin de la République, pour prendre son essor à l’époque julio-claudienne. Offerts à des hommes de haut rang, ces portraits sculptés dans des matériaux rares constituaient un important vecteur de la diffusion de l’image et de l’idéologie impériales. (D’après la notice de l’œuvre dans le catalogue Rome, la cité et l’empire, 2022)

Début du Ier siècle de notre ère. Sardonyx à trois couches, 3 cm de diamètre. Paris, musée du Louvre, DAGER. Photo service de presse. © Grand-Palais RMN (musée du Louvre), Hervé Lewandowski
Portrait d’homme en buste
Ce buste a été retrouvé dans un champ près de Crémonde en 1894. Il s’encastrait probablement dans un pilier hermaïque – ces monuments à l’origine couronnés d’une effigie du dieu Hermès qui se multiplient au début de l’Empire romain et se dotent de bustes d’autres divinités ou de personnages célèbres. Ce portrait représente un jeune homme vigoureux, sans doute issu de l’aristocratie locale. Son visage est marqué par un nez aquilin, des pommettes saillantes et des lèvres minces et serrées. Les yeux, rapportés et aujourd’hui perdus, étaient vraisemblablement en pâte de verre. Cette représentation « réaliste » s’inscrit dans la tradition du portrait républicain. L’expression ferme et mesurée du personnage est cependant caractéristique du retour au classicisme amorcé sous Auguste. (D’après la notice de l’œuvre dans le catalogue Rome, la cité et l’empire, 2022)

Deuxième moitié du Ier siècle avant notre ère. Bronze, 39 cm de haut. Paris, musée du Louvre, DAGER. Photo service de presse. © Grand-Palais RMN (musée du Louvre), Tony Querrec
Statuette votive de Dionysermos, fils d’Anténor
Cette très belle statuette de kouros (jeune homme en grec) a été offerte aux dieux pour leur sanctuaire. Figurant Dionysermos, fils d’Anténor, elle obéit à des normes de représentation propres au VIe siècle avant notre ère avec un visage aux joues pleines, souriant, et des cheveux longs. Fait rare dans les productions de cette époque, l’aristocrate ionien est ici richement vêtu, à la mode de sa région, d’une tunique et d’un manteau drapé inscrit du nom du dédicataire.

Vers 530-520 avant notre ère. Marbre, 69 cm de haut. Paris, musée du Louvre, DAGER. Photo service de presse. © Musée du Louvre, Dist. Grand-Palais RMN, Carine Déambrosis
« Visages. L’art du portrait grec et romain dans les collections du musée du Louvre », jusqu’au 2 novembre 2025 au musée Fenaille, 14 place Eugène Raynaldy, 12000 Rodez. Tél. 05 65 73 84 30 et musee-fenaille.rodezagglo.fr
Catalogue, édition El Viso, 272 p., 35 €





