Deux commodes royales livrées à Marly pour le comte de Provence enfin réunies après 230 ans de séparation

Daniel Deloose (mort en 1788), commode en bois de rose et marqueterie géométrique, la façade à double ressaut ouvrant à cinq tiroirs sur trois rangs, à décor de quartefeuilles dans des carrés sur un fond de losanges dans des encadrements de laiton doré à rosaces dans les décrochements, le dessus de marbre blanc reposant sur des montants arrondis prolongés par des pieds cambrés, ornementation de bronzes dorés à frise d'entrelacs, chutes tablier et sabots. Époque Louis XV, 1771. 90,5 x 128,5 x 56,5 cm. Vente Paris, Ader, 30 avril 2025. Estimé : 40 000/60 000 €. Adjugé : 63 700 € (frais inclus). © Ader
Le musée du Domaine royal de Marly a préempté le 30 avril chez Ader à Paris pour 63 700 euros (frais inclus) une commode livrée en 1771 pour la chambre du comte de Provence au château de Marly. Cette acquisition permettra la réunion des deux commodes commandées conjointement au Garde-Meuble de la Couronne, qui s’y trouvèrent jusqu’à leur dispersion à la Révolution.
En 2001, la vente des collections Rothschild de Vienne chez Christie’s à New York, vit l’apparition sur le marché d’une commode livrée au château de Marly pour la chambre du comte de Provence, futur roi Louis XVIII. Le meuble était présenté en lot avec une autre commode lui ressemblant en tout point. Le Domaine de Marly fit l’acquisition de l’ensemble.
Une commode et sa copie
Si la première commode correspond bien à une commande royale, la seconde est vraisemblablement une copie réalisée au XIXe siècle pour le collectionneur Nathaniel de Rothschild afin de reformer visuellement la paire ayant appartenu au comte de Provence. Où était donc passé le second meuble royal livré en 1771 ? Il appartenait à une famille qui l’a vendu aux enchères le 30 avril, offrant au musée du Domaine royal de Marly l’occasion, immanquable, de réunir la paire originelle, qui fera prochainement l’objet d’une exposition. La souscription lancée par le musée et l’association des Amis du Domaine de Marly, soutenus par la Fondation du Patrimoine, a trouvé un écho auprès de nombreux donateurs, qui ont rendu cette acquisition possible en-dessous de l’estimation haute.
Commande royale
La commode acquise en 2001 chez Christie’s par le musée du Domaine de Marly et celle qu’il vient de préempter sont bien documentées. Elles ont été livrées le 27 mai 1771 par Gilles Joubert (1689-1775), ébéniste et fournisseur du Garde-Meuble de la Couronne, pour les appartements du comte et de la comtesse de Provence au château de Marly. Le jeune couple s’était marié quelques jours auparavant, le 14 mai, et s’installa dans les appartements aménagés pour le père du comte, le dauphin Louis-Ferdinand de France, décédé en 1765. Un inventaire réalisé en 1788 mentionne les commodes dans la chambre du comte. Le 22 novembre 1793, elles sont adjugées séparément lors des ventes révolutionnaires. La première est longtemps restée dans la collection de Nathaniel de Rothschild puis de ses héritiers, la seconde est demeurée, jusqu’à sa vente le 30 avril dernier, chez les descendants de la famille Dionis du Séjour, qui l’aurait acquise dès la fin du XVIIIe siècle.
Daniel Deloose (mort en 1788), commode en bois de rose et marqueterie géométrique, la façade à double ressaut ouvrant à cinq tiroirs sur trois rangs, à décor de quartefeuilles dans des carrés sur un fond de losanges dans des encadrements de laiton doré à rosaces dans les décrochements, le dessus de marbre blanc reposant sur des montants arrondis prolongés par des pieds cambrés, ornementation de bronzes dorés à frise d'entrelacs, chutes tablier et sabots. Époque Louis XV, 1771. 90,5 x 128,5 x 56,5 cm. Vente Paris, Ader, 30 avril 2025. Estimé : 40 000/60 000 €. Adjugé : 63 700 € (frais inclus). © Ader
« Deux commodes à la régence de bois violet et rose à placages et mosaïque. Le dessus de marbre blanc veiné ayant par devant deux grands tiroirs et trois petits au-dessus fermant à clef par une même serrure, garnies d’entrée de serrures, anneaux mobiles, carderons à rosettes, chutes ornées de guirlandes de feuilles de laurier, soupente et pieds, le tout de bronze ciselé et surdoré d’or moulu, longue de 4 pieds sur 24 pouces de profondeur et 33 pouces de haut. »
Journal du Garde-Meuble de la Couronne, 27 mai 1771
L’estampille de Daniel Deloose
La paire commandée à Gilles Joubert, qui fut l’un des fournisseurs attitrés de Louis XV, a été livrée seulement trois jours après. L’estampille, bien visible sur les deux meubles, donne l’explication de ce délai record : Joubert ne les a pas réalisées, mais a trouvé chez un sous-traitant, Daniel Deloose (mort en 1788), deux commodes correspondant, en style et en dimension, à la demande qui lui était faite. D’origine flamande, Deloose fut reçu maître en 1767 et s’installa, comme ses confrères, rue du faubourg Saint-Antoine. Ses productions témoignent du changement de goût dans les années 1765 à 1775, illustrant les styles Transition d’abord, puis Louis XVI. D’autres meubles de cet ébéniste montrent son inclination pour la marqueterie à décor de quartefeuilles. Au Petit Trianon, à Versailles, se trouve une commode Transition de sa main, livrée par Riesener selon le même principe de sous-traitance.
Daniel Deloose (mort en 1788), commode en bois de rose et marqueterie géométrique (détail), époque Louis XV, 1771. 90,5 x 128,5 x 56,5 cm. Vente Paris, Ader, 30 avril 2025. Estimé : 40 000/60 000 €. Adjugé : 63 700 € (frais inclus). © Ader