Jean Dubuffet entre sculpture et architecture à la Fondation Dubuffet

Jean Dubuffet, Jardin d’émail, 1974. Béton et époxy peints au polyuréthane, 20 x 30 m. Otterlo, Kröller-Müller Museum. Photo service de presse. Photo Fondation Dubuffet, Paris / Kröller-Muller Museum / Marjon Gemmeke © Adagp, Paris 2025
Jean Dubuffet dota la fondation qu’il a créée de l’ensemble de ses maquettes d’architecture et de sculptures, conçues pour être agrandies, comme l’illustre l’exposition « Dubuffet monumental ».
Régulièrement, et pour répondre aux demandes d’institutions, de galeries ou de collectionneurs, sont ainsi réalisés sous l’étroit contrôle de la fondation des agrandissements à un nombre réduit d’exemplaires ; cela génère la perception de droits, un moyen sûr d’assurer l’essentiel de son financement. Le tout dernier exemple est celui du Banc-salon de 1969 et de deux Cerfs-volants de 1968 conçus à l’origine pour le Cabinet logologique, édités en six exemplaires pour la Pace Gallery (New York) et la galerie Lelong (Paris), laquelle vient d’organiser une exposition autour de cet ensemble remarquable.
Jean Dubuffet dans le Jardin d’hiver à Périgny-sur-Yerres en 1970, avant son installation en 1977 au Centre Pompidou. Photo service de presse. Photo © Fondation Dubuffet, Paris / Kurt Wyss © Adagp, Paris 2025
Le catalogue raisonné
La mission scientifique de la Fondation Dubuffet se concentre aussi sur la rédaction du catalogue raisonné, commencée en 1964 par l’artiste. Sur le point d’être publié, le fascicule XXXIX, « Sculptures monumentales, Tour aux figures et autres », répertorie les œuvres sculptées monumentales, de 1969 jusqu’aux plus récents agrandissements. Cet événement est l’occasion de la présente exposition qui regroupe une quinzaine de ses « Édifices », pour reprendre le titre de celle de 1968 au musée des Arts décoratifs. Maquettes et archives évoquent le processus créatif menant le Dubuffet de la période de l’Hourloupe (1962-1974) d’un travail de peintre à celui en trois dimensions, sur polystyrène expansé, qu’il sculpte à l’aide d’un fil chaud. Certaines seront agrandies, comme La Tour aux figures (1988) à Issy-les-Moulineaux. Pour passer de l’échelle de la maquette à celle d’une sculpture urbaine, l’atelier de sculpture de Dubuffet utilise un pantographe, machine à agrandir que Robert Haligon avait modernisée pour l’artiste. L’exposition est placée sous le double commissariat de Sophie Webel et de Déborah Lehot-Couette, récemment nommée directrice scientifique et des collections, poste qu’occupait Sophie Webel depuis 2003.
Vue de l'exposition « Dubuffet monumental » à la Fondation Dubuffet. Photo service de presse. Photo © Fondation Dubuffet, Paris © Adagp, Paris 2025
La Tour aux figures
On doit à Jack Lang l’initiative en 1983 de la commande à Jean Dubuffet d’une œuvre monumentale à placer sur une place parisienne. Il était temps, l’artiste mourra deux ans plus tard. D’emblée, Dubuffet propose l’agrandissement de la Tour aux figures, connue par ses trois maquettes d’un mètre de hauteur, qui préfigurent l’extérieur, et deux versions pour l’intérieur de l’œuvre, baptisé Gastrovolve. Toutes trois datent de 1967, au cœur de la période de l’Hourloupe ; elles sont conservées à la Fondation Dubuffet à Paris. Plus de vingt ans plus tard, la Tour sera enfin réalisée, en 24 mètres de hauteur, et inaugurée en 1988, trois ans après la disparition de l’artiste. Mais Dubuffet aura eu le temps, quelques semaines avant cela, de valider l’implantation de son œuvre sur une butte du parc de l’île Saint-Germain à Issy-les-Moulineaux, proposée par son maire, André Santini. Le site à la pointe de l’île et le surplomb mettent particulièrement en valeur cette réalisation hors du commun, reconnaissable de loin, avec ses entrelacs et ses couleurs réduites au noir, blanc, rouge et bleu.
Jean Dubuffet, Tour aux figures, 1988. Époxy peint au polyuréthane sur structure béton, H. 24 m. Issy-les-Moulineaux, parc de l’île Saint-Germain. Photo service de presse. Photo © Fondation Dubuffet, Paris / Yoann Couette © Adagp, Paris 2025
La restauration
Des années plus tard, les intempéries n’ayant pas ménagé la structure du monument, une restauration paraît inéluctable. Ainsi, en 2015, le département des Hauts-de-Seine s’en porte-t-il acquéreur auprès de l’État pour un euro symbolique, avec pour mission de mener à bien l’opération, et de démonter les quatre-vingt-dix panneaux qui composent la Tour. L’intérieur noir et blanc est également entièrement restauré et doté d’un système de ventilation et de trappes de visite. Depuis la réouverture l’été dernier, les visites organisées par petits groupes permettent une ascension de ce poétique boyau aux méandres irréguliers, qui évoque la progression enthousiaste d’un spéléologue. L’artiste avait d’ailleurs imaginé un intérieur plongé dans l’obscurité, à découvrir à la lueur d’une torche. La Tour aux figures apparaît comme le négatif de La Closerie Falbala avec son intérieur multicolore et son extérieur noir et blanc. Deux visites à programmer d’urgence.
Jean Dubuffet, Closerie Falbala, 1973. Époxy et béton projeté peints au polyuréthane. Périgny-sur-Yerres. Photo service de presse. Photo © Fondation Dubuffet, Paris / Belzeaux © Adagp, Paris 2025
« Dubuffet monumental », jusqu’au 11 juillet 2025 à la Fondation Dubuffet, 137 rue de Sèvres, 75006 Paris. Tél. 01 47 34 12 63. www.fondationdubuffet.com
« La Tour aux figures », parc de l’île Saint-Germain, 170 quai de Stalingrad, 92130 Issy-les-Moulineaux. www.tourauxfigures.hauts-de-seine.fr. Visite sur réservation, de mars à octobre.