La Bibliothèque de l’Arsenal, entre permanence et métamorphoses

Le cabinet des femmes fortes où quatorze peintures mettent à l’honneur des femmes illustres de la Bible, de l’Antiquité et de l’ère chrétienne. © Photo Josse
Existe-t-il des monuments malheureux ? L’histoire de l’hôtel des grands maîtres de l’artillerie, aujourd’hui siège de la bibliothèque de l’Arsenal, troisième site de la Bibliothèque nationale de France à Paris, a pu tendre à le prouver. Au cœur de la capitale, cet ensemble patrimonial unique, significatif tant pour l’histoire de l’architecture, du décor et du livre que pour l’histoire de France et de Paris, nécessitait une remise en lumière. Il s’y noue une symbiose hors du commun entre la mémoire du lieu et les trésors insignes qui y sont conservés.
Il revient sans doute à Jean-Pierre Babelon, dans une étude de référence publiée en 1968, d’avoir installé cette idée reçue1. Alexandre Gady, « l’arpenteur du Marais » comme le désigne poétiquement Gilles Pécout dans son avant-propos2, lors d’une conférence donnée à l’Arsenal en 2021, cherchait, avec la distance qui le caractérise, à illustrer cette idée répandue parmi les historiens de l’architecture.
L’Arsenal a perdu ses atouts…
Sous l’Ancien Régime, l’Arsenal comme monument brille par deux caractéristiques : sa taille d’une part, et sa vue imprenable sur la Seine de l’autre. Ainsi la réputation de l’Arsenal « monument malheureux » serait fait de la perte conjuguée de ces deux atouts. Comment voir dans le bâtiment d’aujourd’hui, pourtant encore imposant avec ses 12 000 m2, l’héritier de l’Arsenal qui couvrait la surface de 12 hectares, soit la totalité du quartier actuel de l’Arsenal à Paris ? Et quant au voisinage de la Seine, il n’est plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir. Le bâtiment est baigné par la circulation automobile passant sur un bras du fleuve noyé sous le goudron du boulevard Morland. Évanouies les vues dégagées et ensoleillées vers la rive gauche ; le regard bute désespérément sur l’imposant bâtiment Laprade et son avatar contemporain, la Félicité.
Peter Bout (1658-1719), L’Entrée de l’Arsenal, l’île Louviers et la pointe de l’île Saint-Louis, vers 1670. Huile sur toile. Paris, musée Carnavalet, Histoire de Paris. © Roger-Viollet
… mais a survécu à lui-même
Cette idée reçue de l’Arsenal « monument malheureux » tend enfin aujourd’hui à s’effacer et c’est heureux. Le même Alexandre Gady évoque désormais, à propos de ce monument revenu en pleine lumière : « l’art de la métamorphose »3. Car la bibliothèque de l’Arsenal, comme héritière de l’hôtel des grands maîtres de l’artillerie, est un monument exceptionnel dans sa permanence. Certes l’Arsenal s’est transformé, mais il se survit à lui-même au gré des époques et des métamorphoses. L’on aurait donc tort d’être nostalgique d’un âge d’or qu’en définitive, l’on aurait beaucoup de peine à situer.
Lambris de hauteur de la chambre de la maréchale de La Meilleraye, milieu du XVIIe siècle. © Photo Josse
L’Arsenal militaire de Paris
Et il suffit de savoir découvrir, derrière les façades et les fenêtres grillées de la bibliothèque de l’Arsenal, les magnifiques trésors que ce monument offre au visiteur d’aujourd’hui. Bâti sur la muraille de Charles V, toujours visible dans ses sous-sols, il donne tout d’abord à voir deux décors majeurs, tout à fait exceptionnels et bien connus des spécialistes : un appartement peint du XVIIe siècle, le cabinet La Meilleraye ; et un salon rocaille XVIIIe siècle, le salon de musique. Le lieu conserve par ces ensembles remarquables, mais aussi par bien d’autres témoignages, récemment redécouverts ou remis en lumière, la mémoire de l’Arsenal militaire de Paris, haut lieu du pouvoir royal sous l’Ancien Régime.
Psalterium, dit « Psautier de Saint Louis et de Blanche de Castille », Paris, vers 1230. Manuscrit enluminé sur parchemin. Paris, Bibliothèque nationale de France. © BnF
Une bibliothèque extraordinaire
Mais le lieu est aussi emblématique de l’histoire du livre au terme de sa transformation en bibliothèque par le plus grand collectionneur du XVIIIe siècle, le marquis de Paulmy. La chaîne ininterrompue des habitants de l’Arsenal depuis Paulmy fait se bousculer les souvenirs de l’Abbé Grégoire et de Madame de Genlis, du salon romantique de Charles Nodier, du Saint-Simonien Laurent de l’Ardèche, de Paul Lacroix (le fameux bibliophile Jacob), des poètes symbolistes amis d’Heredia et de sa parentèle Marie de Régnier et Pierre Louÿs puis enfin, jusqu’à nous, de Georges Perec. Si l’Arsenal est une maison où l’on vit et où l’on crée, il est aussi l’écrin d’une collection exceptionnelle pour l’histoire du livre, depuis les trésors accumulés par Paulmy (manuscrits médiévaux, incunables, estampes), en passant par les apports décisifs réalisés par les savants de la Révolution (le Psaultier de Saint Louis et les archives de la Bastille). C’est une chaîne ininterrompue de science, de goût, de passion qui est venue enrichir en livres rares, en archives, en objets, en manuscrits littéraires, un gisement exceptionnel. Comme le prouve l’arrivée – où s’agirait-il plutôt d’un retour – du manuscrit des 120 Journées de Sodome du marquis de Sade en 2021, seconde plus importante acquisition patrimoniale réalisée par la BnF dans son histoire, cette tradition est encore bien vivante.
Donatien-Alphonse-François de Sade, marquis de Sade, Les 120 Journées de Sodome, 1785. Manuscrit autographe, bande de 33 feuillets collés bout à bout, 1210 x 11,3 cm. © photo M. Smilauer
La carte et le territoire
La visite de l’Arsenal débute traditionnellement, pour ceux qui ont la curiosité d’en pousser la porte, par la découverte de la grande carte dressée par le comte d’Argenson, oncle du marquis de Paulmy qui viendra bientôt occuper l’Hôtel du grand maître en 1756. L’Arsenal est alors en perte de vitesse mais son emprise foncière impressionne. Bâtiments, cours, ateliers de fabrication et dépôts forment un véritable complexe militaro-industriel au cœur de Paris. Sa fondation remonte à François Ier au XVIe siècle, dans une zone à l’époque éloignée du Louvre et du centre populeux de la ville, propice à cette activité industrielle nouvelle – l’artillerie – non dénuée de risques. Le lieu comme l’activité sont à la fois stratégiques – le canon tend à changer l’art de la guerre et du siège – mais il est aussi le marqueur d’un pouvoir royal en pleine affirmation. L’Arsenal regroupe dès cette époque bâtiments, outils, matériels, mais aussi hommes, administration et savoir-faire destinés à la production des tubes, des affûts et des poudres.
Plan général de l’Arsenal de Paris et de ses environs, fait par les ordres de monseigneur le comte d’Argenson, ministre et secrétaire d’État de la Guerre, 1756. Plan manuscrit aquarellé. Paris, Bibliothèque nationale de France. © BnF
L’hôtel du grand maître
L’examen de ce plan révèle à l’œil contemporain tout ce qui a disparu : le portail monumental de l’Arsenal construit quasiment au débouché de l’actuel pont Sully, l’imposante Bastille et son fossé bordant l’Arsenal à l’Est et au Nord, les jardins du couvent des Célestins, l’imposant mur qui ceinture l’Arsenal, la promenade du mail qui longe la Seine ou le nouvel Arsenal, bâtiment du XVIIIe siècle peu connu et qui mériterait que l’on s’intéresse à lui. Mais ce plan révèle tout ce qui subsiste encore de nos jours. À commencer par l’hôtel du grand maître lui-même, formé par deux galeries toujours existantes. La première datant du XVIIe siècle longe la rue de Sully, même si sa longue façade Louis XIII témoigne d’une stricte remise en ordre, telle qu’on la pratiquait au XIXe siècle. La seconde galerie borde le boulevard Morland et correspond à l’extension Boffrand construite au XVIIIe siècle avec en façade son exceptionnel architecture parlante faite de mortiers d’artillerie, de barils de poudre et de mines détonnant. Plusieurs voies toujours existantes de nos jours sont figurées sur le plan, comme la rue du Petit-Musc.
Au toit de l’hôtel du grand maître, se dresse un arsenal sculpté de pièces d’artillerie : bouche à feu, affûts, boulets, machine infernale. © Photo Josse
Un monument qui se lit à livre ouvert
Quoique fortement remanié au XIXe siècle, lorsque sa vocation de bibliothèque s’affirme, le bâtiment actuel se lit en quelque sorte comme un livre ouvert pour retrouver la trace des usages anciens. C’est tout le bénéfice des travaux des historiens du décor Marianne Cojannot-Le Blanc et Étienne Faisant4 que de restituer et resituer dans le bâtiment actuel ce qu’était ce palais au XVIIe siècle, au moment où il atteint en quelque sorte son apogée dans l’orbite de la couronne et où s’y déploient une puissance et un faste jamais tout à fait effacés des mémoires. Ces recherches, outre la remise en perspective de l’importance de ce lieu, ont également permis de localiser dans l’actuelle salle à manger Nodier l’emplacement de la fameuse chambre ardente du procès Fouquet, montrant les liens très étroits qui existaient entre la Bastille et l’Arsenal. Il n’est pas douteux que ces pièces, jamais restaurées, restées en quelque sorte dans l’ombre de La Meilleraye ou du salon de musique, recèlent encore leur lot de secrets.
L’attrait et la réputation de l’Arsenal résident à l’évidence dans ces deux décors patrimoniaux majeurs pour l’architecture et l’histoire du décor. Il faut bien avouer cependant que leur situation, comparable à deux « pastilles patrimoniales » dans un bâtiment qui est désormais une bibliothèque, conservant 1 million de livres et accueillant près de 8 000 lecteurs par an, ne leur rend sans doute pas justice. Le message qu’ils emportent sur l’identité du lieu et sa signification patrimoniale n’en demeure pas moins.
« Quoique fortement remanié au XIXe siècle, lorsque sa vocation de bibliothèque s’affirme, le bâtiment actuel se lit en quelque sorte comme un livre ouvert pour retrouver la trace des usages anciens. »
L’Arsenal, un lieu d’une extraordinaire permanence
Ces deux décors illustrent à merveille l’incroyable permanence de l’Arsenal, dont le salon de musique est à n’en pas douter l’emblème. Longtemps il est relié à la duchesse du Maine qui fut avec son époux, fils légitimé de Louis XIV, devenu grand maître de l’artillerie en 1701, l’instigateur de la construction de l’extension Boffrand. Ces hauts personnages souhaitent un logis au goût du jour et digne d’eux, dans un environnement qui est alors, faut-il le rappeler, un lieu de production industrielle plein de nuisances (bruit, fumée, poussière, présence d’ouvriers). Avec la disgrâce du couple, magnifiquement contée par Camille Pascal5, s’interrompt un chantier prometteur. Mais le projet est suffisamment avancé pour laisser à leurs successeurs de très beaux volumes pensés par le prolifique Germain Boffrand, puis décorés par l’architecte François Dauphin quelques décennies plus tard et miraculeusement parvenus jusqu’à nous. L’exemplaire restauration menée en 2007, financée par le World Monuments Fund, a permis de restituer 70 % de la couche picturale des boiseries et de retrouver une couleur, fugitivement à la mode et restée jusqu’ici mystérieuse : le gris de lin.
Le salon de musique décoré par Nicolas Dauphin, dit salon de la duchesse du Maine, où subsiste une partie du mobilier du marquis de Paulmy. © Photo Josse
Un mobilier miraculeusement conservé
La beauté et l’élégance du décor ne doit pas occulter le mobilier, autre héritage de Paulmy miraculeusement conservé et jamais étudié jusqu’aux travaux contemporains de Christophe de Quénetain et Sophie Mouquin6. Autre preuve, s’il en était encore besoin de l’extraordinaire permanence du lieu. Quel palais national peut s’enorgueillir de la présence de mobilier d’époque, certes de facture simple et fonctionnelle dans le goût du bibliophile Paulmy, depuis le milieu du XVIIIe siècle ? Et ce, de surcroît, dans le lieu et le décor dans lesquels ils ont été installés par leur propriétaire vers 1750.
Le cabinet La Meilleraye
Il est lui aussi emblématique de cette permanence, véritable clé qui permet de comprendre et d’interpréter le lieu. Même si sa restitution actuelle est tributaire des choix opérés au XIXe siècle (lors des lourds travaux de modernisation entrepris par l’architecte Labrouste) puis au XXe siècle (suite au remontage consécutif au second conflit mondial, où cet ensemble avait été déposé pour le protéger). Ce décor est le témoignage vivant d’une époque où l’Arsenal s’affirme comme pilier de la monarchie. Le grand maître, grand officier de la couronne depuis Henri IV, est un proche du monarque. C’est un poste de confiance où il place ses fidèles, à l’instar du maréchal de La Meilleraye, Charles de La Porte (1602-1644), fameux « preneur de villes », cousin de Richelieu, fait maréchal de France en 1639 et auxiliaire fidèle de la monarchie lors des troubles de la fronde. Ce décor est tout à sa gloire et à celle de son épouse, Marie de Cossé Brissac, mariée en secondes noces. Le cabinet constitué des peintures réalisées par Charles Poerson, élève de Simon Vouet, sont à décor de grotesques dans le registre supérieur, de paysages et d’animaux rappelant le marais poitevin dans le registre inférieur ; en majesté trois épisodes majeurs à la gloire de La Meilleraye (l’entrée d’Henri IV évoque l’ascendance de son épouse, la prise de Hesdin lorsqu’il est fait maréchal et le siège de La Rochelle où il brille par sa science militaire). Là encore, qu’un monument lié à la couronne situé au cœur de Paris subsiste encore avec les décors produits à la gloire de son occupant le plus illustre du règne de Louis XIII tient du miracle.
Chambre de la maréchale de La Meilleraye, milieu du XVIIe siècle. © Photo Josse
Le cabinet des femmes fortes
Cette pièce renforce enfin la signification patrimoniale de l’Arsenal. Elle témoigne de la vogue très éphémère de ces cabinets des femmes fortes en France et un peu partout en Europe au milieu du XVIIe siècle. Il n’en subsiste que très peu d’exemples de nos jours. Le décor de l’Arsenal, outre qu’il brille par sa qualité et son intégrité, est unique de par sa localisation dans un bâtiment rattaché à la couronne et siège d’un office public. La maréchale de La Meilleraye déploie pour ses visiteurs, à l’égal des reines et autres régentes de son temps, un décor fastueux tout à la gloire de ces douze personnages féminins dotés de force et de vertu, empruntés tantôt à l’histoire antique (Lucrèce), tantôt à l’Ancien Testament (Judith), ou à l’histoire du royaume (Jeanne d’Arc).
Le cabinet des femmes fortes où quatorze peintures mettent à l’honneur des femmes illustres de la Bible, de l’Antiquité et de l’ère chrétienne : ici Sémiramis et Judith. © Photo Josse
Le patrimoine sous toutes ses formes
Et il faut souligner la symbiose parfaitement réussie entre le bâtiment et la collection de livres installée par Paulmy à partir de 1756 – soit un an après qu’a été abolie la charge de grand maître – et continument enrichie depuis. Si les livres ont pris le chemin de l’Arsenal en masse, depuis Paulmy et ses successeurs, c’est pour y être protégés des intempéries, de la vermine, des voleurs. Mais contre toute attente, ils ont fourni en retour leur protection au monument, que ce soit par leur présence, ou par la présence de ceux chargés d’en assurer la garde. Ainsi le bâtiment et ses décors ont pu éviter tour à tour l’encan frappant tant de biens nationaux, le sac ou la flamme des émeutiers lors des épisodes révolutionnaires parisiens, le pic des démolisseurs à l’époque des transformations haussmanniennes ou, plus proche de nous encore, la soi-disant rationalisation administrative. Ce sont bien les livres qui ont protégé le bâtiment. Une telle situation dialectique entre une collection et son lieu de conservation est, selon nous, tout à fait unique dans le paysage patrimonial français. Elle éclaire la très grande permanence du lieu.
Alexandre-Jean Oppenordt (d’après), André-Charles Boulle (attribué à), Gilles Martinot et Julien Leroy, régulateur de parquet, vers 1710-1730. Bois, placage d’ébène et d’écaille, émail, bronze doré, 300 x 70 x 35 cm. Derrière les figures des quatre continents, se déploie un somptueux décor de filets de laiton incrustés dans l’écaille de tortue. Paris, Bibliothèque nationale de France. © BnF
Le marquis de Paulmy, insigne bibliophile
L’Arsenal est aussi la maison d’un collectionneur, le marquis de Paulmy, qui fut le plus grand bibliophile du XVIIIe siècle. Sa célébrité, même s’il appartient à une prestigieuse famille – les d’Argenson –, ne dépasse pas aujourd’hui le cercle des amateurs de livres. C’est un tort tant sa figure mériterait d’être reconsidérée. Des découvertes récentes dévoilent sa véritable stature intellectuelle, à l’image de son attrait (rare à son époque) pour les manuscrits médiévaux, ses travaux pionniers d’histoire littéraire, ou son goût pour l’altérité que sa carrière de diplomate lui a permis de nourrir puis de transposer au monde du livre7.
Cabinet précieux en laque du Japon, vers 1690-1710, et son piètement. Paris, Bibliothèque nationale de France. © Photo Josse
De l’art de collectionner les livres
L’exemplarité de Paulmy fait ensuite de l’Arsenal, déjà doté de son glorieux passé de maison royale, la maison des collectionneurs. Rien d’étonnant à ce que les pères et les pairs de la bibliophilie, comme Nodier ou Paul Lacroix, inventent en quelque sorte à l’Arsenal les codes et les outils de cet art de collectionner les livres qui s’affirme au XIXe siècle. Nulle surprise non plus à voir l’astre de l’Arsenal briller si fort, tout au long des XIXe, XXe et XXIe siècles, pour qu’il puisse attirer à lui des collections patiemment constituées ou héritées en leur épargnant les affres de la dispersion ou de la logique de support en vigueur dans les bibliothèques patrimoniales.
« Une telle situation dialectique entre une collection et son lieu de conservation est […] tout à fait unique dans le paysage patrimonial français. Elle éclaire la très grande permanence du lieu. »
Un ensemble qui a traversé les siècles
L’autre spécificité du lieu est qu’il fait fi des frontières traditionnellement en vigueur au sein du patrimoine et de son administration. Reflet de la spécialisation, ensuite traduite en domaines d’intervention de l’action publique, cette division n’est pas venue fracturer le bel ensemble patrimonial et documentaire de l’Arsenal patiemment agrégé depuis Paulmy. Ainsi, comme au temps du fondateur, animé par les préoccupations encyclopédiques de son temps, la bibliothèque conserve des ensembles significatifs dans les domaines du manuscrit enluminé (sans doute le second par son importance au plan national), des manuscrits littéraires (Voltaire, La Fontaine, Péladan, Huysmans, Perec, Queneau), des incunables (un fonds d’audience internationale), des objets décoratifs uniques (la pendule aux quatre parties du monde, la roue à livre) mais aussi les papiers de la Bastille relevant des archives nationales (dossier des prisonniers et archives de la lieutenance de police).
Ainsi l’Arsenal, lieu sans pareil dans le paysage patrimonial français, compose un tableau unique des richesses architecturales, bibliophiliques, mobilières, archivistiques, le tout conservé dans un monument haut lieu non seulement de l’histoire de Paris mais de l’histoire de France.
Bibliothèque de l’Arsenal, 1 rue de Sully, 75004 Paris. Tél. 01 53 79 39 04. www.bnf.fr
Des visites guidées sont organisées les mercredis à 15h (durée 1h). Réservation obligatoire en ligne.
À lire : Sous la direction d’Olivier Bosc et Sophie Guérinot, L’Arsenal au fil des siècles. De l’hôtel du grand maître de l’artillerie à la bibliothèque de l’Arsenal, coédition Le Passage / Bibliothèque nationale de France, 2024, 256 p., 49 €.
Notes
1 Jean-Pierre Babelon, « Le palais de l’Arsenal à Paris, étude architecturale et essai de répertoire iconographique critique », Bulletin Monumental, tome 128-4, 1970, pp. 267-310.
2 Gilles Pécout « La bibliothèque de l’Arsenal joyau de la Bibliothèque nationale de France », L’Arsenal au fil des siècles, op. cit. , pp. 6-7.
3 Alexandre Gady, « L’art de la métamorphose », ibid., pp. 9-11.
4 Marianne Cojannot-Le Blanc, Étienne Faisant, « Un grand bâtiment de la monarchie, l’hôtel des grands maîtres du XVIe au XVIIIe siècles », ibid., pp. 39-66.
5 Camille Pascal, L’air était tout en feu, Paris, Robert Laffont, Paris, 2022, 348 p.
6 Sophie Mouquin, Christophe de Quénétain, « L’ameublement de l’Arsenal. Le goût Paulmy », L’Arsenal au fil des siècles, op. cit., pp. 161-172.
7 À l’image de la présence dans sa bibliothèque de la première traduction de Confucius en français par François Bernier (1620-1688) réalisée par Paulmy. Manuscrit revenu récemment sous les feux de l’actualité lorsqu’une copie en a été offerte par E. Macron à son homologue chinois Xi Jinping.