La Normandie, de la Préhistoire au Moyen Âge, à découvrir à Caen
Situé dans l’enceinte du château de Caen, le musée de Normandie ouvre ses portes au public en 1963 dans l’ancien logis des Gouverneurs (XIVe-XVIIe siècle). Fondé à l’origine sur une collecte consacrée à l’espace rural dans la Normandie préindustrielle, il intègre en 1968 les premiers fonds archéologiques issus de fouilles menées après-guerre dans le château, enrichis ensuite par ceux des opérations conduites sur des sites funéraires ou d’habitat.
S’y ajoute en 1983 le dépôt des collections réunies depuis le XIXe siècle, sous l’impulsion d’Arcisse de Caumont, de l’ancien musée de la Société des antiquaires de Normandie. Près de 40 000 objets ou séries archéologiques, dont environ 1 500 exposés, offrent un panorama de la vie des populations dans cette région, de la Préhistoire au Moyen Âge. Le musée sera bientôt visible dans un nouvel écrin, le château de Caen faisant actuellement l’objet d’un vaste programme d’aménagement paysager qui sera achevé en 2025, année des festivités du Millénaire de la première mention de la ville dans les sources historiques.
Anneaux-disques en serpentine et en calcaire gris
Ces quatre anneaux-disques ont été découverts au XIXe siècle à Écajeul, dans une sépulture du Néolithique. Fabriqués dans des roches qui affleurent à plusieurs centaines de kilomètres de leur lieu de découverte (Alpes, Ardennes…), ces objets confirment l’existence de réseaux de circulation sur de longues distances. Si la fonction comme bracelet est attestée pour les anneaux en schiste trouvés en plus grand nombre, il en va différemment pour ceux en roche verte et en calcaire gris, qui pourraient associer critère esthétique et valeur symbolique.
Casques en bronze
Issus d’un ensemble de dix éléments découverts dans les années 1820-1830 dans un champ à Bernières-d’Ailly, ces casques témoignent de la grande maîtrise technique atteinte par les artisans de la fin de l’Âge du bronze. La plupart présente des ailettes latérales perforées vraisemblablement destinées à la fixation de parures. Sur certains d’entre eux sont visibles des réparations anciennes, contemporaines de leur utilisation.
Poignards à antennes en fer
Ce type d’arme, emblématique de la fin du premier Âge du fer et du début du second, se trouve souvent en contexte funéraire. L’un des deux était rangé près du défunt dans un fourreau en bois dont les vestiges sont encore visibles. En Normandie, les hommes sont inhumés avec leurs armes ce qui semble leur conférer un caractère spécifique, voire prestigieux, tranchant avec les habituels dépôts de parures généralement associés aux sépultures de femmes et d’enfants.
Statère anépigraphe en or
Ce statère appartient à un ensemble de monnaies en or recueillies à l’emplacement de deux sites cultuels antiques. Elles se distinguent par l’absence d’inscription et un revers lisse, l’avers présentant une tête à la chevelure bouclée. Le faible nombre connu de ce type de monnaies et leur absence des dépôts répertoriés sur les sites voisins laissent supposer une émission très localisée liée aux sanctuaires du sud de la Normandie – peut-être par un atelier de la tribu gauloise des Ésuviens, supposée avoir occupé les plaines centrales de l’Orne, et mentionnée par César dans la Guerre des Gaules.
Lingot en plomb
L’inscription IMP[erator] HADRIAN[us] AUG[ustus] fait référence à l’empereur Hadrien (117-138), permettant de dater ce lingot – qui a pu être en circulation plus longtemps. Sur une des faces, on distingue les lettres BR, T et X, restituées par « BRIT EX A » pour Britannicum ex argentariis, soit du plomb issu des mines argentifères de la province romaine de Britannia (Angleterre actuelle). Une étude du métal a confirmé qu’il provenait d’Angleterre ou du nord du pays de Galles. À l’époque romaine, le plomb était utilisé dans la fabrication de nombreux objets : canalisations, contenants funéraires ou encore lests de filets de pêche. La mise au jour de ce lingot près de l’estuaire de la Seine confirme l’existence d’un axe commercial transmanche au début de notre ère.
Trésor dit de la « Princesse d’Airan »
Découverte fortuitement en 1874, la sépulture de cette femme était dotée de nombreux bijoux : une boucle d’oreille et un collier en or, une plaque-boucle de ceinture en argent et argent doré, des garnitures en tôle d’or et grenats cousus sur la robe, une paire de fibules en argent doré ornées de verroteries, cornaline et grenats, reliées par une chaîne en argent. Une bague en or et un bracelet en ambre ont disparu dans les bombardements de 1944. Ce mobilier funéraire exceptionnel d’origine danubienne atteste l’appartenance de la défunte à la classe dirigeante d’un des groupes de Barbares au service de l’Empire romain en charge de la défense des frontières, notamment des côtes de la Manche.
Bractéates en tôle d’or
Le décor estampé de ces pendentifs figure un animal, représenté de manière abstraite, regardant vers l’arrière, la tête symbolisée par une forme en U et le corps par des éléments anguleux et courbes. Ces bractéates relèvent de la culture matérielle anglo-saxonne relativement peu présente sur les sites normands. Sur une soixantaine d’objets mis au jour en Normandie, une moitié provient de nécropoles de la plaine de Caen. Leur présence s’explique par les échanges transmanches, les influences au sein des élites locales ou encore l’installation d’individus étrangers sur les rivages continentaux.
Colliers et bracelet en perles en pâte de verre et en ambre
Comme aujourd’hui, les vêtements et les parures sont des marqueurs de l’identité sociale. La quantité et la qualité des tissus et des bijoux des sépultures du premier Moyen Âge renseignent sur la richesse et parfois l’origine des défunts. On y décèle également le soin de suivre les modes qui évoluent, au gré des changements liés aux courants commerciaux. Si les perles en pâte de verre sont de fabrication locale, celles en ambre sont importées des rivages de la Baltique. Le bracelet associe deux éléments en alliage cuivreux provenant du réemploi d’un rivet et d’un fragment de boucle de ceinture du IVe siècle.
Pierre de parement avec graffiti
Découverte lors du démontage d’un mur de la salle à la Reine construite en 1204 dans la chemise du donjon du château de Caen, cette pierre de parement porte le graffiti d’un château ou d’une ville fortifiée. Il pourrait s’agir d’une représentation de l’édifice vu depuis la rue de Geôle. On peut y distinguer, de gauche à droite : le donjon, l’église Saint-Georges, la tour-porte donnant vers la ville, le tout reposant sur l’éperon rocheux qui sert de socle à la forteresse. Si l’identification est avérée, il s’agirait alors de la plus ancienne représentation connue du château de Caen.
Musée de Normandie, château, 14000 Caen. Tél. 02 31 30 47 60 et musee-de-normandie.caen.fr