Le Judith et Holopherne retrouvé à Toulouse est-il de Caravage ? (2/4). Les enseignements de la restauration

Le détail de la radiographie reproduit ci-dessous permet de penser que Judith devait initialement regarder en direction d’Holopherne, comme dans le tableau du Palazzo Barberini, et non pas vers le spectateur. © Cabinet Turquin
Le 27 juin prochain, une œuvre présumée de Caravage récemment redécouverte, estimée 100/150 M€, sera mise à l’encan à Toulouse. Alors que l’opinion des spécialistes reste très divisée sur son authenticité, la vente tient en haleine l’ensemble du marché de l’art. De nombreux éléments plaident en faveur – ou en défaveur – d’une attribution au maître italien. Un dossier en clair-obscur que vous présente L’Objet d’Art.
Michelangelo Merisi dit Caravage (1571-1610) (?), Judith et Holopherne, vers 1607. Huile sur toile, 144 x 173,5 cm. Estimé : 100/150 M€. © Cabinet Turquin
Quand l’État a fait savoir son désengagement, le cabinet Turquin a décidé de procéder à une restauration ou plutôt à un nettoyage, afin de rendre le tableau plus lisible. Celui-ci a confirmé l’existence de nombreux repentirs déjà soulignés par les examens scientifiques.
La restauration a consisté essentiellement en un allégement des vernis anciens très jaunes et oxydés, opération menée par Laurence Baron Callegari, restauratrice travaillant pour le patrimoine du musée du Louvre. Celle-ci indique que le tableau est en très bon état pour une œuvre du XVIIe siècle. Seul le bas de la composition et la partie sombre à droite ont souffert du dégât des eaux, l’eau ayant ruisselé à partir du coin droit de la toile. « Dans l’ensemble, on note de rares et petites lacunes, profondes et peu déterminantes. On note des usures superficielles dans les carnations. La zone relativement la plus endommagée est celle du drap blanc. L’usure superficielle a localement fait disparaître la douceur des passages entre les accents clairs et les ombres profondes. La jupe de Judith est légèrement usée.1 »
Les repentirs
La restauration a permis de confirmer ce qu’indiquaient les radiographies et les examens infrarouges, à savoir que le tableau révèle plusieurs repentirs. Les repentirs correspondent à des hésitations du peintre qui décide de modifier sa composition en cours de route ; leur présence incite donc généralement à penser que l’on est en face d’un original. On en trouve ici dans la main d’Holopherne (tous ses doigts ont été raccourcis et un peu déplacés) ainsi que dans celle d’Abra, la servante. Le changement le plus important concerne Judith qui initialement devait regarder Holopherne comme dans le tableau du Palazzo Barberini (voir « La Judith de Toulouse versus celle de Rome »), et non pas vers le spectateur.
La manière de Caravage
Plusieurs éléments techniques coïncident avec ce que l’on connaît de la manière de Caravage : l’usage de la préparation brune laissée en réserve entre l’ombre et la lumière, l’absence de dessin préparatoire, l’utilisation d’incisions à la manière d’un graveur et le large cerne noir autour des deux personnages principaux. On voit par ailleurs que les coups de brosse sont très rapides, et parfois très amples comme dans la draperie rouge. Or Caravage est un artiste qui peint vite…
1 Notice de Laurence Baron Callegari sur le site thetoulousecaravaggio.com
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Le Judith et Holopherne retrouvé à Toulouse est-il de Caravage ?
2/4. Les enseignements de la restauration