Le livre de la semaine : Remarquables jardins

Le temps est exécrable, l’humeur est à l’avenant ? C’est le moment de songer aux jardins, anciens et modernes, que l’on pourra aller voir dans leur splendeur. Et c’est justement ce à quoi invite l’ouvrage publié à l’occasion des 20 ans du label « Jardins remarquables ».
Mais qu’est-ce qu’un « jardin remarquable », au sens de ce label étatique attribué par le ministère de la Culture sous la houlette – fleurie – du Conseil national des parcs et jardins (CNPJ) ? Il s’agit de jardins publics ou privés (lesquels représentent 70 % des sites), ouverts aux visiteurs au moins quarante jours par an et qui offrent un intérêt « culturel, historique, esthétique, paysager ou botanique1 ». La première liste, rendue publique en mai 2004, ne comptait qu’une cinquantaine d’élus dont les jardins de Canon à Mézidon-Vallée-d’Auge (Calvados) ou celui de Massey à Tarbes (Hautes-Pyrénées), ces deux sites comptant parmi les jardins « originels » qui ont été retenus dans le livre. Ce sont aujourd’hui quelque 480 sites, répartis sur l’ensemble du territoire français, métropole et (depuis 2006) outre-mer, qui jouissent du label attribué pour une durée de cinq ans, reconductible. On en trouvera la liste par région, établie au 30 avril dernier, à la fin du volume. Signalons qu’en 2021 la Wallonie a rejoint le projet dont l’avenir souhaitable est probablement européen. On rencontrera donc deux jardins belges (ceux du domaine de Freÿr et les jardins d’Annevoie près de Namur) dans le livre de Cécile Niesseron qui a retenu trente-deux sites sur près de cinq cents au terme d’une sélection dont on veut bien croire qu’elle a été cornélienne.
« Visiter un jardin, c’est faire l’expérience du moment. »
Diversité jardinière
Le sommaire de l’ouvrage reflète la conception élargie du jardin d’exception qui caractérise ce label de valorisation et de protection. Les jardins remarquables ne se limitent certes pas aux « jardins historiques » (30 % des sites concernés sont classés ou inscrits au titre des Monuments historiques) qui ouvrent cette sélection, dont l’un des propos était à l’évidence de ne pas s’attacher aux endroits les plus arpentés : les jardins des châteaux de Versailles, Chantilly et Chenonceau possèdent aussi le fameux label… Les jardins contemporains de « créateurs », les collections botaniques (havres des plantes et essences), les jardins vivriers (conservatoires des vergers palissés, en espalier, etc.) et les « jardins d’artiste » (de peintre, de littérateur, etc.) complètent une nomenclature d’ailleurs enchevêtrée. Les catégories ne sont en effet pas exclusives les unes des autres, elles se cumulent le plus souvent. Quant à la contemporanéité, c’est le propre d’un lieu où s’exerce le cycle de la nature. Visiter un jardin, c’est faire l’expérience du moment ; il eût été différent, il le sera quelques jours, quelques heures plus tôt ou plus tard. Enfin, c’est toujours une vision d’artiste qui préside à la création d’un jardin exceptionnel dans le pays de Le Nôtre.
Détail de la couverture du livre Jardins remarquables.
Éloge de la culture
Le lecteur dressera sa propre hiérarchie des sites (et établira sa liste de billets de train à prendre urgemment). L’amateur de jardins fortement ordonnancés (tel celui du château de Cordès dans le Puy-de-Dôme, qui ouvre le livre) ne se confond sans doute pas avec celui qui les préfère artistement « ensauvagés » (on ne se fâchera avec personne). Ces lieux sont aussi des occasions de rencontre avec ceux qui les ont conçus et qui veillent ou ont veillé sur leur pérennité. De l’art paysager, on passe insensiblement à celui du portrait. Citons l’historienne de l’art Roseline Bacou, qui poursuivit l’œuvre de la poétesse Elsa Koeberlé et de la « devineresse » Génia Lioubow au jardin de l’abbaye de Saint-André (Gard), ou Thierry Juge, qui a voué le prieuré de Vauboin (Sarthe) à cette plante admirable qu’est le buis, aujourd’hui si menacé. C’est trop peu dire, et l’on a l’impression d’avoir mésestimé ceux dont on n’a pas parlé à l’occasion de la présentation de cet ouvrage dont l’un des rares défauts est de pâtir d’une iconographie inégale. Les jardins peuvent être remarquables, les photographies ne le sont pas toujours.
1 Depuis 2023, une nouvelle circulaire a actualisé la procédure d’attribution du label en le rendant conforme, c’était bien le moins, à la législation relative à l’utilisation des produits phytosanitaires dans les parcs et jardins accueillant du public.
Cécile Niesseron (introduction de Marie‑Hélène Bénetière), Jardins remarquables, éditions du Patrimoine – Centre des monuments nationaux, novembre 2024, 264 p., environ 300 ill., 49 €.