Le média en ligne des Éditions Faton

Le trésor de Saint-Girons n’a pas fini de révéler tous ses secrets

Le bloc dans l’amphore et quelques monnaies désolidarisées.

Le bloc dans l’amphore et quelques monnaies désolidarisées. © Conseil départemental de l’Ariège

En septembre 1994, un important trésor de monnaies romaines était fortuitement mis au jour dans une cave de la ville de Saint-Girons, en Ariège. Il se trouvait dans une amphore à vin, disposée verticalement au fond d’une fosse peu profonde. Plus de 30 ans après sa découverte, ce trésor continue de dévoiler ses secrets.

Ce dépôt comprend plus de 14 000 antoniniens, des monnaies en billon (alliage d’argent et de cuivre) couramment utilisées au IIIe siècle.

Un des plus importants dépôts monétaires antiques du sud de la France

6 119 monnaies ont été nettoyées, stabilisées puis inventoriées. Le reste – environ 9 000 monnaies – a été conservé en bloc, dans l’état exact de la découverte. Les exemplaires les plus récents datent de la fin du règne de l’empereur Aurélien, autour de l’an 273, une période particulièrement instable pour l’Empire romain. Si l’on ignore tout des événements qui ont conduit à cette dissimulation, il n’en reste pas moins qu’il s’agit là de l’un des plus importants dépôts monétaires antiques mis au jour dans le sud de la France – les plus conséquents connus à ce jour sont ceux d’Éauze dans le Gers, avec près de 28 000 monnaies enfouies vers 261 et de L’Isle-Jourdain, toujours dans le Gers, avec environ 23 000 pièces cachées dans trois amphores vers 313.
Acquis par le Département après expertise, le trésor a rejoint les collections publiques en 2006 ; depuis 2008, il est exposé au musée départemental du palais des Évêques à Saint-Lizier en Ariège dans une muséographie qui présente, d’une part, le bloc monétaire et l’amphore, et, d’autre part, un lot de monnaies restaurées pour étude. Depuis 2021, une muséographie renouvelée dévoile le rôle de la monnaie comme support de communication politique sous l’Empire romain, et présente, de manière ludique et interactive, le métier de numismate.

Vue du musée départemental du palais des Évêques à Saint-Lizier en Ariège.

Vue du musée départemental du palais des Évêques à Saint-Lizier en Ariège. © Conseil départemental de l’Ariège

Le poids des mots, le choc des images

Sous le règne de Gallien (253-268), alors que l’Empire romain est profondément affaibli par les guerres, les usurpations et les épidémies, une série monétaire d’une remarquable originalité est produite, l’émission dite « du bestiaire ». Parmi les 6 119 monnaies inventoriées, près d’un millier appartiennent à cette série. Frappées principalement à Rome entre 267 et 268, elles se distinguent par leurs revers où figure une vingtaine d’animaux, tantôt réels – biche, antilope, panthère, tigresse, cerf, élan, lion, sanglier, taureau… –, tantôt mythiques – capricorne (mi-chèvre, mi-poisson), centaure (mi-homme, mi-cheval), griffon (mi-lion, mi-aigle), pégase (cheval ailé). Chaque figure animale est associée à une divinité du panthéon gréco-romain – Diane, Apollon, Neptune, Jupiter, Bacchus, Sol –, invoquée pour assurer la protection de l’empereur.

Quelques types de l’émission du bestiaire avec les associations suivantes (haut gauche vers bas droite) : biche/Diane ; antilope/Diane ; panthère/Bacchus ; chèvre sauvage/Jupiter ; buffle/Sol ; sanglier/Mercure.

Quelques types de l’émission du bestiaire avec les associations suivantes (haut gauche vers bas droite) : biche/Diane ; antilope/Diane ; panthère/Bacchus ; chèvre sauvage/Jupiter ; buffle/Sol ; sanglier/Mercure. © Francis Dieulafait

La monnaie, vecteur de propagande

Émise dans un contexte de crise, cette série monétaire pourrait-elle avoir constitué un support de communication lors d’événements organisés en 267– cérémonies religieuses, parades militaires et spectacles animaliers – pour affirmer l’image d’un empereur protégé par les dieux ? Elle montre comment la monnaie, au-delà de sa fonction économique, devenait un vecteur de propagande, mêlant symboles religieux, mythologiques, et peut-être militaires, en période troublée.