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Les Maisons des Illustres, une exception française

Au deuxième étage du musée Gustave Moreau (Paris, IXᵉ arrondissement), un élégant escalier en spirale mène à l'atelier de l'artiste.

Au deuxième étage du musée Gustave Moreau (Paris, IXᵉ arrondissement), un élégant escalier en spirale mène à l'atelier de l'artiste. © Colombe Clier

Ils furent peintres ou écrivains, industriels ou musiciens, scientifiques ou souverains. Tous marquèrent plus ou moins durablement leur temps. Depuis quelques années, un label vient unir les lieux qui les virent naître, aimer et mourir, composer, peindre, et écrire. Le nom de ce réseau très français : les Maisons des Illustres.

C’est en 2011 que le ministère de la Culture, alors sous la houlette de Frédéric Mitterrand, annonce sa volonté de réunir sous la même bannière des demeures remarquables ayant entretenu un lien intime avec des personnages majeurs de notre histoire. Sur les 900 maisons recensées, 111 sont immédiatement distinguées par le label nouvellement créé qui honore ainsi Victor Hugo, Honoré de Balzac, Gustave Moreau ou encore Jean Cocteau. Dès la deuxième année, un appel à candidatures est mis en place afin d’assurer l’enrichissement du réseau. Le label compte aujourd’hui 245 maisons.

Top 5 2018 : Ile-de-France

– Maison de Victor Hugo, Paris : 175 650 visiteurs

– Maison Caillebotte, Yerres : 146 144 visiteurs

– Musée national Eugène Delacroix, Paris : 80 000 visiteurs

– Maison de Chateaubriand, Vallée-aux-Loups : 28 750 visiteurs

– Villa des Brillants, atelier Rodin à Meudon : 20 485 visiteurs

Une étonnante diversité

Ce qui frappe lorsque l’on compulse les différents guides publiés (par les DRAC Ile-de-France et Normandie, et les Éditions du patrimoine), c’est l’extrême diversité des lieux distingués : on y trouve des châteaux et des appartements, des ateliers d’artistes et des musées, des hôtels particuliers et des manufactures. Certains sont rattachés à nos plus grandes gloires nationales, d’autres à des personnalités jadis fameuses mais dont le temps a peu à peu dilué l’aura. On y dénombre des sites exceptionnels, protégés au titre des Monuments historiques, qui font même parfois partie d’autres réseaux, comme celui des Maisons d’écrivains, tandis que d’autres ne bénéficient d’aucune protection et nécessitent de construire une approche en direction des publics. À la tête du service des Musées de la DRAC Ile-de-France (Direction régionale des affaires culturelles) et membre du jury national qui chaque année attribue le label, Sylvie Müller nous livre la philosophie qui a sous-tendu sa création : « Le label permet de saluer la capacité de propriétaires publics comme privés à avoir conservé pendant parfois des décennies un lieu ayant appartenu à un personnage illustre. Il est essentiel de comprendre que notre approche est plus sensible que pour un musée classique. La découverte d’un lieu tel qu’il a été aménagé par son auteur doit plonger le visiteur dans une ambiance permettant d’accéder à la personnalité et à son œuvre. On ressent quelque chose en pénétrant dans ces maisons ».

Les nouveaux labellisés

11 nouvelles maisons sont venues fin 2019 grossir les rangs du label. En Ile-de-France, trois sites ont reçu le précieux macaron rouge : un musée national, une fondation privée et un atelier d’artiste encore entre les mains de la famille.

En Ile-de-France

Ateliers-musée Chana Orloff (Paris XIVe). C’est l’œuvre d’un grand architecte pour une sculptrice de renom qui est ici distinguée. Bâti par Auguste Perret en 1926 pour Chana Orloff (1888-1968), l’atelier de la Villa Seurat appartient aujourd’hui à ses petits-enfants. « Désireux de promouvoir davantage l’œuvre de leur grand-mère, ils ont décidé d’ouvrir plus largement le lieu au public. Ils nous ont alors rapidement présenté leur dossier qui a été accepté par la commission car correspondant tout à fait à ce que l’on attend d’un atelier d’artiste. » En effet, bien que celui-ci ait été recréé en partie, les espaces n’ont en revanche pas été modifiés, si bien que l’on a l’impression saisissante de découvrir l’endroit tel qu’il était lorsque l’artiste le quitta pour la dernière fois en 1968 avant de s’envoler vers Tel-Aviv où lui était consacrée une rétrospective.

Musée Yves Saint Laurent (Paris VIIIe). Inauguré en 2017 dans l’hôtel particulier du 5 avenue Marceau qui, entre 1974 et 2002, fut le cœur battant de l’empire Saint Laurent, le musée qui porte son nom est désormais le premier site historique d’une maison de couture à bénéficier du label. À Paris, capitale de la mode, il constitue une exception en étant le seul à être ouvert à la visite. Il est déjà labellisé Musée de France et présente énormément d’archives car Yves Saint Laurent et Pierre Bergé avaient pensé à conserver les traces de toutes les étapes de la création d’un vêtement. Au cœur de la maison se trouve bien sûr le saint des saints : l’émouvant studio du créateur reconstitué à l’identique qu’il semble n’avoir quitté que pour quelques instants.

Le studio d'Yves Saint Laurent au musée YSL Paris.

Le studio d'Yves Saint Laurent au musée YSL Paris. © Sophie Carre

Musée Jean-Jacques Henner (Paris XVIIe). Si l’hôtel particulier de l’avenue de Villiers fait cette année son entrée dans le label, ce n’est pas en tant que musée dédié au peintre qui lui donna son nom, puisqu’il n’eut avec lui aucun lien de son vivant. C’est en effet bien après sa mort que la veuve de son neveu fit l’acquisition des lieux en 1921 afin d’y présenter l’œuvre de son oncle. Il appartenait auparavant au peintre Guillaume Dubufe (1853-1909) qui l’aménagea dans les années 1880 dans le goût éclectique qui triomphe alors. L’artiste y vit, y reçoit, et y crée. Un attachement intime au lieu qui explique la labellisation. Le bâtiment a par ailleurs été peu modifié, hormis quelques aménagements liés à la transformation en musée. L’hôtel particulier initial, l’un des rares demeurés tel quel dans la plaine Monceau, a conservé sa distribution, ses différentes pièces et son atelier.  

L'atelier rouge au premier étage du musée Jean-Jacques Henner.

L'atelier rouge au premier étage du musée Jean-Jacques Henner. © Hartl-Meyer

En région Bourgogne-Franche-Comté

Maison de Marie Noël (1883-1967)à Auxerre, poète et écrivain qu’admirèrent en leur temps Louis Aragon et Henry de Montherlant.

Centre Val de Loire

Musée des Émaux et de la Mosaïque de Briare, ancienne demeure de Jean-Félix Bapterosses (1813-1885), industriel qui fit connaître cette production en rachetant la faïencerie en 1851. Le musée prend place dans l’ancienne manufacture qui propose désormais de découvrir le personnage et son œuvre.

Musée des Émaux et de la Mosaïque.

Musée des Émaux et de la Mosaïque. © DR

Nouvelle Aquitaine

Maison de Jeanne d’Albret (1528-1572) à Orthez. Cette demeure fortifiée devait servir de refuge au futur Henri IV et à sa mère lorsque le château de Pau était menacé par des épidémies. Les traces physiques du passage de ces personnalités étant désormais limitées, il est davantage question d’une évocation historique. 

Grand Est

Maison de Verlaine à Metz. C’est dans cette maison du XVIIIe siècle que le « prince des poètes » vit le jour le 30 mars 1844.

Château de Montaigu à Laneuveville-devant-Nancy. Datant du XVIIe siècle, il est racheté en 1920 par Suzanne et Édouard Salin (1889-1970), ingénieur et archéologue membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres. 

Le château de Montaigu à Laneuveville-devant-Nancy.

Le château de Montaigu à Laneuveville-devant-Nancy. © DR

Occitanie

La ville de Béziers s’enrichit de deux nouveaux sites labellisés : la Villa Antonine, ancienne résidence d’été de Jean-Antonin Injalbert (1845-1933), fameux sculpteur de la IIIe République, et l’Hôtel Fayet, maison natale du mécène et collectionneur Gustave Fayet (1865-1925) devenue musée des Beaux-Arts.

PACA

Villa les Lauriers Roses – Musée Jean Aicard / Paulin-Bertrand à La Garde. Il s’agit de l’ancienne maison familiale du poète et romancier Jean Aicard (1848-1921), transformée en un musée dédié à son univers.

Un label décerné une fois par an

L’obtention du label nécessite un acte de candidature de la part du propriétaire. Son dossier doit remplir certaines conditions. La maison doit par exemple être ouverte au public au moins 40 jours par an. Par ailleurs, outre l’appartenance ancienne à un personnage qui fut célèbre en son temps, le lieu doit en avoir conservé des traces tangibles dans son architecture, son décor, ses collections… Une fois la candidature retenue par le jury, le label est attribué pour une période de cinq ans reconductibles. Il est rare qu’il ne soit pas renouvelé. Cela peut néanmoins arriver si le lieu est insuffisamment ouvert, ou s’il n’y a pas de véritable travail effectué en direction des publics. Cela peut également être un choix du propriétaire. Si lors de la candidature le projet culturel n’est pas assez travaillé, la validation du dossier est reportée à la session suivante. Chaque année, le label est décerné à une dizaine de maisons, ce qui correspond aux deux tiers des candidatures. Un petit tiers des propriétaires sont des privés. « Il faut vraiment souligner leurs efforts. Ils n’ont pas forcément l’ingénierie d’un ERP (Établissement recevant du public), ni les mêmes moyens. Or, conserver un lieu sur des décennies constitue souvent un casse-tête, d’autant que nous n’apportons pas d’aide financière. Le rôle des DRAC est de leur fournir une visibilité en assurant la promotion du label et du réseau. Nous pouvons également aider à les mettre en lumière en les incluant dans des réseaux de visites touristiques et culturelles », ajoute Nicolas Engel, conseiller Musées à la DRAC Ile-de-France. Que nous réserve le label pour l’avenir ? « Il n’y a pour l’heure pas assez de scientifiques et trop peu d’industriels. Par ailleurs, le nombre de femmes se révèle particulièrement faible, mais on ne peut refaire l’Histoire ! »

Quelques chantiers de restauration en cours

Maison André Breton

Labellisée en 2017, l’ancienne auberge du XVe siècle nichée au cœur du paisible village occitan de Saint-Cirq-Lapopie (Lot), où André Breton (1896-1966) passa ses derniers étés, est en pleine mue. Désormais propriété de la municipalité, elle fait l’objet d’une souscription sur le site de la Fondation du patrimoine visant à soutenir la restauration du lieu et l’aménagement d’un parcours centré autour de la figure du chef de file du surréalisme.

Le village de Saint-Cirq-Lapopie dans le Lot où vécut André Breton.

Le village de Saint-Cirq-Lapopie dans le Lot où vécut André Breton. © iStock

Maison Zola – Musée Dreyfus

Située à Médan (78), la demeure de l’auteur du vibrant « J’accuse… ! » a fait l’objet en 2015-2016 d’un chantier de restauration-remeublement suivi par la Conservation régionale des monuments historiques (CRMH). Les travaux ont repris l’été dernier afin d’aménager dans l’annexe située à côté du pavillon Charpentier un espace dédié à l’affaire Dreyfus. Bénéficiant du soutien financier du ministère de la Culture grâce à son statut de Musée de France, le musée devrait rouvrir ses portes fin 2020-début 2021.

La maison Zola - musée Dreyfus à Médan (78).

La maison Zola – musée Dreyfus à Médan (78). © X. Renoult Dpartement des Yvelines

Villa Majorelle

Chef-d’œuvre de l’architecture Art nouveau, la villa de Louis Majorelle (1859-1926) à Nancy a déjà connu en 2016-2017 un programme de restauration de ses extérieurs. Après une campagne de recherches et de sondages, c’est désormais au tour de ses intérieurs de cristalliser l’attention des restaurateurs. Il s’agira d’évoquer la personnalité du maître des lieux à travers un parcours témoignant de l’art de vivre autour de 1900.

Musée départemental Maurice Denis

Après avoir récemment obtenu le label, le domaine acquis par le peintre nabi en 1914 à Saint-Germain-en-Laye repense actuellement son parcours permanent. Il s’agit notamment, à la suite du don d’une partie du mobilier effectué par les héritiers, d’évoquer la vie de famille de l’artiste. Le projet prévoit ainsi de réaménager l’ancienne salle à manger et de restaurer l’atelier extérieur.

Le point sur les restaurations parisiennes

Dans le XVIe arrondissement, l’appartement-atelier de Le Corbusier a rouvert ses portes au printemps dernier après deux années de travaux. Situé aux deux derniers étages de l’immeuble Molitor, ce lieu conçu entre 1931 et 1934 en collaboration avec Pierre Jeanneret étonne par sa modernité (voir EOA n°547, pp. 54-57). Plus loin, rue Benjamin Franklin, un autre appartement poursuit sa mue. Après le réaménagement du musée situé à l’étage supérieur, le domicile de Georges Clemenceau est désormais entre les mains des restaurateurs. Ils s’appliquent à redonner tout son lustre à la salle de bain du « Tigre » exceptionnellement demeurée en l’état. Le printemps prochain verra par ailleurs la réouverture du musée Victor Hugo, actuellement fermé pour des travaux concernant notamment l’accueil.

Avril 2019, la fin d’un chantier de restauration majeur : Hauteville House

La plus spectaculaire restauration récente est probablement celle de l’exubérante maison d’exil de Victor Hugo sur l’île de Guernesey où l’écrivain rédigea entre 1856 et 1870 plusieurs de ses chefs-d’œuvre. Bénéficiant notamment d’un mécénat de 3,5 millions d’euros accordé par la Pinault Collection, le chantier a permis en 18 mois de rendre tout son lustre à cette œuvre d’art totale entièrement pensée et décorée par l’auteur des Misérables. Soigneusement restaurées, les différentes pièces de la demeure ont pu lorsque certains éléments étaient manquants être restituées dans leur état d’origine grâce à des photographies d’époque. Triomphant un peu partout, le goût de l’illustre propriétaire pour l’éclectisme sort magnifié de cette campagne de restauration particulièrement respectueuse de l’esprit des lieux.

Vue extérieure de Hauteville House, demeure de Victor Hugo à Guernesey.

Vue extérieure de Hauteville House, demeure de Victor Hugo à Guernesey. © DR

Fréquentation 2018 : la Normandie plus forte que l’Ile-de-France

La fréquentation en Ile-de-France, région regroupant le plus de labels, est globalement en hausse. Même si la totalité des chiffres ne remontent pas jusqu’à la DRAC, celle-ci peut s’enorgueillir d’avoir vu en 2018 les 37 maisons labellisées accueillir plus de 638 000 visiteurs, soit une augmentation de près de 100 000 visites par rapport à 2016. Une progression continue qui s’explique par le plus grand nombre de maisons ouvertes chaque année. C’est pourtant la Normandie et ses 19 établissements labellisés qui remportent la palme de la fréquentation en ayant attiré plus de 863 000 visiteurs en 2018.

La maison de Claude Monet à Giverny.

La maison de Claude Monet à Giverny. © DR

À la découverte des Illustres

Bourgogne Franche-Comté

Château de Bussy-Rabutin. Exilé au fond de son château bourguignon pendant dix-sept ans par un Roi-Soleil ayant pris ombrage de son Histoire amoureuse des Gaules qui décrivait par le menu les frasques de la cour de France, Roger de Rabutin, comte de Bussy (1618-1693), s’ennuie. Pour y remédier, il fait orner son château de centaines de portraits de personnalités de son temps, reconstituant dans son ermitage cette haute-société au ban de laquelle il a été jeté. Le cabinet de la Tour dorée réunit notamment un aréopage féminin composé des portraits que ses amies lui ont obligeamment fait parvenir.

Au sein du château, la chambre de Roger de Rabutin réunit divers portraits féminins.

Au sein du château, la chambre de Roger de Rabutin réunit divers portraits féminins. © David Bordes – Centre des monuments nationaux

Ile-de-France

Atelier-musée Rosa Bonheur. C’est au château de By, en bordure de la forêt de Fontainebleau, que s’installe en 1859 Rosa Bonheur (1822-1899). Dans l’atelier de style néogothique commandé par l’artiste animalière alors au faîte de sa gloire à l’architecte Jules Saulnier, le temps semble s’être arrêté. Particulièrement préservé, l’endroit a connu peu de travaux. Tous les visiteurs vous le diront : une atmosphère particulière règne en ce lieu. On croirait presque entendre dans l’escalier le pas léger de l’impératrice Eugénie qui en 1865 vint au château remettre à l’artiste les insignes de chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur. À moins que ce ne soit ceux de Buffalo Bill, venu à Paris à l’occasion de l’Exposition universelle de 1889, et qui rendit visite à l’artiste, comme en témoigne le costume sioux présenté dans l’atelier.

L'atelier de Rosa Bonheur au château de By.

L'atelier de Rosa Bonheur au château de By. © OuiFlash pour la Fondation du patrimoine

Maison Jean Cocteau. « C’est la maison qui m’attendait », écrira Jean Cocteau (1889-1963), séduit par cette maison du Bailli située à Milly-la-Forêt qu’il achètera en 1947 avec Jean Marais. Donnant sur les douves d’un château, elle lui rappelle les décors de La Belle et la Bête. Dans ce lieu si éloigné de l’agitation parisienne où « le printemps jubile partout », il compose le poème Requiem et y prépare Le Testament d’Orphée. Longtemps propriété de l’association Maison Jean Cocteau dont Pierre Bergé était président, la demeure s’était retrouvée menacée à la disparition de l’homme d’affaires. Elle est fort heureusement en cours de cession au Conseil régional d’Ile-de-France qui s’est engagé à valoriser l’œuvre de cet artiste inclassable.

Vue intérieure de la maison Jean Cocteau à Milly-la-Forêt.

Vue intérieure de la maison Jean Cocteau à Milly-la-Forêt. © Région Ile-de-France

Maison Maurice Ravel. Également labellisée Musée de France, la maison de Maurice Ravel (1875-1937) à Montfort-l’Amaury ne brille pas par sa superficie. Particulièrement réduites, les pièces limitent en effet la visite à 6 personnes, uniquement sur rendez-vous. Mais la découverte se révèle à la hauteur de l’attente : conçu entièrement par le compositeur, le décor en partie restauré se révèle tel qu’il était à la disparition de Ravel en 1937. Tout y est : meubles, bibelots, et bien sûr le piano, celui sur lequel il composa son iconique Boléro. Malgré l’accès difficile, la maison-musée attire des mélomanes du monde entier, notamment japonais.

Le décor de la maison de Maurice Ravel révèle bien des trésors.

Le décor de la maison de Maurice Ravel révèle bien des trésors. © Colombe Clier

Centre Val de Loire

Château de Valençay. C’est sur une suggestion de Napoléon que Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (1754-1838) acquiert en 1803 ce splendide château Renaissance situé à une quarantaine de kilomètres de Châteauroux. Le rusé et fastueux ministre y recevra les plus hauts dignitaires européens ainsi que les princes d’Espagne en exil, avant que le roi Ferdinand VII n’y signe en 1813 le traité qui lui permettra de retrouver son trône. À la mort de Talleyrand en 1838, son corps y fut rapatrié et déposé dans la crypte de la chapelle Notre Dame dont il avait ordonné la construction. Le souvenir du Diable Boiteux perdure notamment dans son cabinet de travail qui conserve des meubles et objets lui ayant appartenu, ou encore dans la chambre du prince, présentant un ensemble mobilier en provenance de son hôtel parisien de la rue Saint-Florentin.

Vue extérieure du château de Valençay.

Vue extérieure du château de Valençay. ©© château de Valençay / Michel Chassat

Corse

Maison natale de Pascal Paoli. Tous les Corses vous le diront : leur gloire nationale n’est pas Napoléon Bonaparte (sauf dans l’impériale Ajaccio) mais Pascal Paoli (1725-1807). Figure majeure de l’identité insulaire, cet homme des Lumières qui affirma la souveraineté populaire en proclamant en 1755 une constitution fut contraint à l’exil lors de la défaite de Ponte-Novo. Il mourut à Londres en 1807 et ce n’est qu’en 1889 que son corps fut rapatrié sur sa terre natale et enterré dans sa maison de Morosaglia, qui abrite désormais ses souvenirs et célèbre sa mémoire.

Normandie

Musée-château Louis-Philippe. Il en parlait comme de sa résidence favorite. C’est à Eu, siège de sa villégiature estivale, que Louis-Philippe (1773-1850) reçut à deux reprises la reine Victoria avec laquelle il posa les bases de l’Entente cordiale. 150 ans après, le faste voulu par le « Roi-Citoyen » éblouit toujours. En 2012, la fameuse galerie de Guise qui avait été remplacée par une bibliothèque au début du XXe siècle à la suite d’un incendie rouvrait ses portes après restauration : 46 portraits en place à l’époque de Louis-Philippe ont ainsi pu retrouver leur emplacement premier.

Vue intérieure du musée-château Louis-Philippe à Eu.

Vue intérieure du musée-château Louis-Philippe à Eu. © Colombe Clier / Dist. CMN

En Outre-mer : Martinique

Espace Muséal Aimé-Césaire. Situé à Fort-de-France, l’ancien bureau du poète et homme politique Aimé Césaire (1913-2008) fait partie des sites labellisés en 2018. C’est depuis ce 1er étage de l’ancien Hôtel de Ville, que le chantre de la négritude exerça durant plusieurs décennies ses fonctions de maire puis de maire honoraire de la ville. Inauguré en 2013, l’espace présente de nombreux objets illustrant sa vie familiale, politique et littéraire.

Petite Plaisance. Les Français l’avaient découverte à l’occasion d’une célèbre interview télévisée accordée le 7 décembre 1979 à Bernard Pivot pour son émission Apostrophes. Portant le nom de Petite Plaisance, cette demeure immaculée de l’île des Monts Déserts (Maine) fut de 1950 à sa mort en 1987 celle de Marguerite Yourcenar et de sa compagne. Selon ses dernières volontés, elle fut maintenue en l’état et ouverte au public. Grâce à une association francophile particulièrement investie, elle a été labellisée en 2013. Il s’agit de la 2e maison du réseau à être associée à l’auteur des Mémoires d’Hadrien après la villa du Mont-Noir (Nord) dans laquelle elle passa une partie de son enfance.

Vue extérieure de Petite Plaisance, demeure de Marguerite Yourcenar.

Vue extérieure de Petite Plaisance, demeure de Marguerite Yourcenar. © Photo12 / Alamy / Jean-Yves Bruel

Degas House. Edgar Degas (1834-1917) se mérite. C’est de l’autre côté de l’Atlantique, à la Nouvelle-Orléans, que le label a distingué en décembre 2018 la Degas House, demeure de style colonial bâtie en 1852, où vécut le futur maître impressionniste lors d’un séjour au sein de sa famille maternelle. Certes, l’artiste n’y demeura que quelques mois entre octobre 1872 et mars 1873, mais ce voyage influença son œuvre à venir de manière décisive. Il y forgea en 18 peintures et 4 dessins la manière qui allait faire sa gloire.

Vue extérieure de Degas House à la Nouvelle-Orléans.

Vue extérieure de Degas House à la Nouvelle-Orléans. © DR

À l’étranger

Organisé en France par le ministère de la Culture, le label « Maison des Illustres » est sans équivalent à l’étranger. Certains lieux rattachés à des personnages importants sont certes identifiés au Royaume-Uni et reconnus par le National Trust, mais il n’existe pas d’organisation en véritable réseau telle que nous la connaissons. Le caractère actuellement unique du label permet d’essaimer à l’étranger. La maison natale du Chinois Lu Xun (1881-1936), figure majeure de la littérature chinoise moderne qui traduisit dans sa langue l’œuvre de Victor Hugo, a ainsi pu intégrer le label par l’intermédiaire de son jumelage avec le musée Victor Hugo de Villequier (Seine-Maritime). Il en a été de même avec la Villa Oasis et le jardin Majorelle à Marrakech, rachetés en 1980 par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, lieu d’inspiration du couturier et restauré par ses soins.

À lire : Guide des Maisons des Illustres, mis à jour en 2018, Éditions du patrimoine, 320 p., 14 €.