Provenance royale pour le 34e Zurbarán du Prado

Détail de la Vierge de miséricorde avec deux pères mercédaires, acquise en vente privée par le musée du Prado pour la somme de 650 000 €.
Alors qu’une exposition lui est actuellement consacrée au musée des Beaux-Arts de Lyon, Francisco de Zurbarán (1598-1664) est également à l’honneur dans son pays d’origine : la maison de vente aux enchères madrilène Segre vient d’annoncer l’acquisition par le musée du Prado d’une Vierge de la Miséricorde avec deux pères mercédaires. Achetée 650 000 € par le biais d’une vente privée, la toile devient ainsi la 34e œuvre du maître conservée dans les collections du musée. Elle s’inscrit dans le cycle de peintures réalisées par l’artiste pour l’ordre des Mercédaires, fondé au XIIIe siècle en Catalogne.
« En raison de son thème et de son style, cette belle toile faisait probablement partie de la grande collection picturale que Zurbarán a créée pour le couvent de San José de Los Mercedarios Descalzos. »
Odile Delenda, spécialiste du peintre
Huile sur toile de 166 cm de haut par 129 cm de large, la Vierge de la Miséricorde avec deux pères mercédaires acquise par le musée du Prado a sans doute été exécutée par le maître entre 1635 et 1640. Dans son catalogue raisonné, paru en 2009 à Madrid, l’historienne de l’art Odile Delenda, spécialiste du peintre, note à son propos : « En raison de son thème et de son style, cette belle toile faisait probablement partie de la grande collection picturale que Zurbarán a créée pour le couvent de San José de Los Mercedarios Descalzos. »
Entre France et Espagne
À la fin du XVIIIe siècle, l’œuvre est toujours visible à Séville. Entre 1838 et 1848, la voici à Paris ; quiconque visitait le Louvre pouvait l’admirer sur les cimaises du fameux « musée espagnol » du roi des Français, Louis-Philippe Ier. Mise en vente en 1853, elle est rachetée par l’un des fils du roi, Antoine d’Orléans, duc de Montpensier, et passe à ses descendants, faisant plusieurs allers-retours entre la France et l’Espagne avant de demeurer dans la péninsule ibérique. Elle entre ensuite, par alliances, dans la famille du marquis de Valdeterazzo, à Pampelune, qui l’a vendue au Prado. La toile avait été montrée en 2015 lors de l’exposition « Zurbarán, un nouveau regard » au musée Thyssen.
Une composition empreinte de douceur
Au centre du tableau, la Vierge, vêtue du manteau des Mercédaires, présente l’Enfant Jésus à deux saints en prière. À gauche, saint Pierre Nolasque, fondateur en 1218 de l’ordre de Notre-Dame-de-la-Merci, également appelé ordre des Mercédaires ; à droite, saint Raymond Nonnat, qui lui succéda à la tête de l’ordre. Dans le registre supérieur, le fond aux couleurs chaudes et lumineuses contraste avec l’obscurité du registre inférieur. Deux angelots y volent, venant couronner de fleurs la Vierge. La composition, symétrique et ordonnée, dégage une grande douceur, grâce aux expressions de la Vierge et de l’Enfant.
Francisco de Zurbarán (1598-1664), Vierge de miséricorde avec deux pères mercédaires, 1635-1640. Huile sur toile, 166 x 129 cm. Madrid, musée national du Prado.
Les Zurbarán du Prado
Le grand musée madrilène possédait déjà trente-trois tableaux de l’artiste, dont un Saint François de Paule en prière (1659), acquis il y a à peine deux ans. Les peintures religieuses dominent sur les cimaises, où l’on peut admirer plusieurs portraits de saints, notamment une autre représentation de saint Pierre Nolasque et l’extraordinaire Agnus Dei, exécuté à la même époque que l’œuvre qui vient d’être acquise. La collection compte aussi un vaste ensemble mythologique illustrant les travaux d’Hercule, ainsi qu’une exceptionnelle nature morte réalisée vers 1650.
L’une des salles du musée du Prado où sont exposées les œuvres de Zurbarán, dont (de gauche à droite) Le Martyr de saint Jacques, Sainte Élisabeth du Portugal et L’Immaculée Conception. © Adobestock