Trois Rembrandt du Mauritshuis sont-ils vraiment de la main du maître ?

Rembrandt (atelier), Étude de vieil homme (détail), 1655-1660. Huile sur toile, 80,5 x 66,5 cm. La Haye, Mauritshuis. Photo service de presse. © Mauritshuis
Trois portraits conservés dans les collections du Mauritshuis ont-ils été peints par Rembrandt lui-même ou par des artistes travaillant dans son atelier ? Des doutes ont déjà été émis depuis plusieurs années sur leur attribution au maître, sans que cette question soit définitivement tranchée. Ces tableaux ont été étudiés par l’atelier de restauration du Mauritshuis, qui présente ses conclusions au public dans l’exposition-dossier « Rembrandt ? Trois peintures examinées ».
Né de la réunion des collections royales néerlandaises dans un hôtel particulier du Siècle d’or situé à La Haye, le Mauritshuis a fêté son bicentenaire en 2022. Célèbre pour son extraordinaire collection de peinture ancienne, il s’enorgueillit de conserver onze tableaux de Rembrandt van Rijn (1606-1669), dont la fameuse Leçon d’anatomie du Docteur Nicolaes Tulp (1632), ainsi que sept peintures dont l’attribution au maître est questionnée. Trois portraits appartenant à ce dernier groupe ont été récemment soumis à des investigations présentées dans une exposition-dossier qui interroge le processus d’attribution d’une œuvre. « Les recherches sur Rembrandt ne sont jamais terminées », affirment à cette occasion les équipes du prestigieux musée.
Le Portrait de Rembrandt au gorgerin
Lorsqu’en 1768 Guillaume V acquiert le Portrait de Rembrandt au gorgerin, ce dernier est alors considéré comme un chef-d’œuvre de l’artiste. Le tableau conservé au Germanisches Nationalmuseum, à Nuremberg, semblait en être une bonne copie. Il y a vingt-cinq ans, des doutes sont apparus concernant le tableau du Mauritshuis. Des études ont fait apparaître, sous la couche picturale, un dessin sous-jacent, élément que l’on ne trouve dans aucune des œuvres de Rembrandt. Sa récente restauration et les nouveaux examens auxquels le tableau a été soumis permettent d’inverser les attributions : le Mauritshuis conserverait une copie et le Germanisches Nationalmuseum, qui a, de son côté, mené des recherches sur sa version, l’original. Le Portrait de Rembrandt au gorgerin de La Haye aurait donc été peint par l’un de ses élèves, peut-être Gerrit Dou (1613-1675). Sans preuve pour étayer cette nouvelle attribution, le musée présente le tableau comme une copie d’atelier.
Copie d’atelier d’après Rembrandt, Portrait de Rembrandt au gorgerin, vers 1629. Huile sur bois, 37,9 x 28,9 cm. La Haye, Mauritshuis. Photo service de presse. © Mauritshuis
La Tronie d’un vieil homme
Abraham Bredius, alors directeur du Mauritshuis, contribua à y faire entrer des tableaux majeurs, tels Le Chardonneret de Carel Fabritius et La Jeune Fille à la perle de Vermeer, véritables icônes du musée. Il n’y avait pour lui aucun doute : l’œuvre qu’il avait acquise en 1892 pour sa collection personnelle, avant de la léguer au musée, représentait le père de Rembrandt peint par son fils. Le maître semblait, il est vrai, avoir représenté ce dernier dans quelques œuvres, mais la réapparition d’un dessin sur lequel il avait formellement identifié son modèle, « Harmen Gerrits Van Rhijn », invalidait cette hypothèse. Les spécialistes voient à présent dans le tableau de La Haye une tronie, nom désignant des figures anonymes et expressives peintes aux Pays-Bas à cette époque. Les examens récents permettent de l’attribuer à un peintre de l’atelier de Rembrandt, avec ou sans l’aide du maître.
Rembrandt (et/ou atelier), Tronie d’un vieil homme, vers 1630. Huile sur bois, 46,9 x 38,8 cm. La Haye, Mauritshuis. Photo service de presse. © Mauritshuis
Le legs d’Abraham Bredius, une affaire en cours
L’ancien directeur du Mauritshuis, Abraham Bredius (1855-1946), a légué au musée 25 tableaux, à condition qu’ils soient exposés en permanence. Les petits-neveux de son unique héritier, Otto et Sophia Kronig, ayant constaté en 2021 que cette clause n’était pas respectée – ils n’en ont retrouvé que cinq dans les salles du musée –, ont exigé la restitution des tableaux. Le musée n’a pas souhaité s’exprimer tant que l’affaire n’a pas été tranchée, mais la raison de cette mise en réserve tiendrait, au moins pour certaines œuvres, dont fait partie la Tronie d’un vieil homme, à la remise en question de plusieurs attributions, ce que tendraient à confirmer les études actuellement présentées.
L’Étude de vieil homme
Cette Étude de vieil homme suscite d’autres interrogations. Abraham Bredius salua en 1891 l’acquisition d’un « spécimen de la période la plus mature de l’artiste ». Des doutes ont cependant subsisté sur son attribution à Rembrandt, notamment en raison du mauvais état de la couche picturale et de la présence de nombreux repeints. Les examens récents ont conclu à un résultat paradoxal : bien que son attribution soit incertaine, la signature est bel et bien de la main de Rembrandt, aucun doute n’étant permis par comparaison avec d’autres œuvres signées. Comment est-ce possible ? L’hypothèse proposée est celle d’un tableau réalisé par un élève dans son atelier, en imitant la facture du maître, et signé par Rembrandt, qui considérait toute œuvre qui y était peinte comme l’une des siennes – une pratique courante à l’époque. Les spécialistes ne parvenant pas à trancher, l’Étude de vieil homme est présentée comme étant soit de Rembrandt lui-même, soit de l’un de ses employés ou élèves. Vous pourrez vous faire votre propre opinion jusqu’au 13 juillet, dans la salle 10 du Mauritshuis.
Rembrandt (atelier), Étude de vieil homme, 1655-1660. Huile sur toile, 80,5 x 66,5 cm. La Haye, Mauritshuis. Photo service de presse. © Mauritshuis