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« Un don sans précédent » : Jeffrey Horvitz offre 2 250 peintures, sculptures et dessins français à l’Art Institute de Chicago

François Boucher (1703-1770), Femme nue allongée, vers 1740. Sanguine et craie blanche sur papier. Collection Horvitz, Wilmington.

François Boucher (1703-1770), Femme nue allongée, vers 1740. Sanguine et craie blanche sur papier. Collection Horvitz, Wilmington. © Wikimedia Commons

« Nous avons passé des années à réfléchir à la destination finale de la collection : il n’y avait pas de choix plus parfait que l’Art Institute », a déclaré Jeffrey Horvitz. L’Art Institute de Chicago a annoncé mardi 11 février le don prodigieux que le collectionneur américain et son épouse Carol lui ont fait : 50 sculptures, 200 peintures et 2 000 dessins français du XVIe au XIXe siècle. Ces œuvres de premier plan, régulièrement prêtées dans les musées américains et européens, reflètent la passion du couple pour l’art français ancien et, singulièrement, pour le dessin.

À l’Art Institute de Chicago, les conservateurs se réjouissent de « ce don sans précédent, qui permettra au musée d’offrir à ses visiteurs un panorama de 300 ans d’art français, tout à fait unique hors de France ». Un don qui doit faire bien des jaloux parmi les musées américains, mais qui s’explique par les liens privilégiés que le couple Horvitz a noués avec l’institution, Carol faisant partie de son conseil d’administration. Récemment, les collectionneurs avaient prêté de nombreuses œuvres au musée pour les expositions « French Neoclassical Paintings from The Horvitz Collection » et « Revolution to Restoration: French Drawings from The Horvitz Collection », qui se sont achevées en janvier.

Vue de l’exposition « French Neoclassical Paintings from The Horvitz Collection » à l’Art Institute de Chicago, 2024.

Vue de l’exposition « French Neoclassical Paintings from The Horvitz Collection » à l’Art Institute de Chicago, 2024. Photo Art Institute of Chicago

La France pour seul horizon

Né en 1950, Jeffrey Horvitz a d’abord été marchand d’art moderne et contemporain à Los Angeles avant de rejoindre l’entreprise familiale d’immobilier. Devenu investisseur financier à sa vente, en 1987, il se consacra pleinement à son nouveau projet : une collection d’œuvres d’art. Le dessin ancien était non seulement à son goût, mais aussi bon marché et abondant, aussi jeta-t-il son dévolu sur lui. Horvitz acquit des feuilles françaises et italiennes d’artistes allant de la Renaissance au XIXe siècle, avant de vendre toutes les œuvres italiennes chez Sotheby’s New York en 2008. Dès lors, la collection allait s’ouvrir à la peinture et à la sculpture, mais aussi se recentrer sur la France. Seules exceptions : les céramiques japonaises contemporaines et les laques chinois rassemblés par Carol Horvitz, sa seconde épouse.

 « Nous avons toujours imaginé que cette collection demeurerait un ensemble afin d’être plus que la somme de ses parties, et qu’elle serait envoyée dans un grand musée américain où le plus grand nombre de visiteurs pourrait découvrir ces trésors artistiques, où les universitaires et les conservateurs pourraient profiter de ces ressources et faire progresser la recherche, et où notre enthousiasme résonnera longtemps après notre départ. »

Jeffrey Horvitz

Un exceptionnel ensemble de dessins français

Les 2 000 dessins français rassemblés par les Horvitz sont unanimement considérés comme le plus bel ensemble conservé hors de France, dans lequel le XVIIIe siècle et l’époque néoclassique occupent une place de choix. La collection de peintures, plus modeste en nombre, s’attache aux mêmes artistes et périodes. Le Petit Palais en avait montré une belle sélection en 2017 dans l’exposition « De Watteau à David. La collection Horvitz », à l’occasion de laquelle trois dessins et un tableau avaient été offerts au musée parisien (voir notre encadré). Le public avait alors pu admirer des œuvres de Jean-Baptiste Oudry, François Boucher, Charles Coypel, Carle van Loo, Nicolas de Largillière, Augustin Pajou… Jeffrey Horvitz, assisté par l’historien de l’art Alvin Clark, conservateur de la collection, a autant recherché les noms célèbres que les artistes moins renommés, les rapides études que les grands projets détaillés, esquissant avec justesse le portrait des époques représentées.

Jacques-Louis David (1748-1825), Andromaque pleurant la mort d’Hector, vers 1783. Plume, encre noire et lavis sur papier. Collection Horvitz, Wilmington.

Jacques-Louis David (1748-1825), Andromaque pleurant la mort d’Hector, vers 1783. Plume, encre noire et lavis sur papier. Collection Horvitz, Wilmington. © Wikimedia Commons

Des artistes rares aux États-Unis

Jean-Antoine Watteau, Charles Le Brun, Jean-Honoré Fragonard, Jacques-Louis David, Théodore Géricault, Anne Vallayer-Coster, Élisabeth Vigée Lebrun sont quelques-uns des artistes – en plus de ceux cités précédemment – qui rejoignent l’Art Institute grâce à ce fabuleux don. Le musée a souligné la présence dans l’ensemble donné par les Horvitz d’artistes très peu, voire pas du tout représentés dans les collections américaines, tels Pauline Auzou, Jacques Bellange, Reynaud Levieux et Nicolas Prevost. Afin d’assurer la conservation, la présentation et l’accessibilité de leur collection, ainsi que de l’ensemble d’œuvres françaises de l’Art Institute, plusieurs dons financiers ont été promis par les Horvitz. Un geste qui n’étonne pas de la part de passionnés qui aiment à rappeler qu’ils sont avant tout les gardiens de leur collection, plus que leurs propriétaires.

Pauline Auzou (1775-1835), Daria, ou l’effroi maternel, 1810. Huile sur toile, 195 x 154,5 cm. Collection Horvitz, Wilming

Pauline Auzou (1775-1835), Daria, ou l’effroi maternel, 1810. Huile sur toile, 195 x 154,5 cm. Collection Horvitz, Wilming © Wikimedia Commons

L’Art Institute de Chicago

Ouvert depuis 1879, l’Art Institute de Chicago est le deuxième plus grand musée des États-Unis après le Metropolitan Museum of Art de New York. Installé en 1893 dans un nouveau bâtiment, il a été agrandi en 2009 grâce à la construction d’une aile dessinée par l’architecte Renzo Piano. Les collections couvrent une période de 5 000 ans d’histoire, de l’Égypte ancienne à l’art contemporain. Parmi les « Jocondes » du musée plébiscitées par les quelques deux millions de visiteurs annuels figurent Un Dimanche à la Grande-Jatte de Georges Seurat, American Gothic de Grant Wood et Les Noctambules d’Edward Hopper.

L’entrée de l’Art Institute de Chicago par la nouvelle aile, conçue en 2009 par l’architecte Renzo Piano.

L’entrée de l’Art Institute de Chicago par la nouvelle aile, conçue en 2009 par l’architecte Renzo Piano. Courtesy of The Art Institute of Chicago

Quatre œuvres de la collection Horvitz données au Petit Palais en 2022

Après avoir prêté 200 œuvres de sa collection au Petit Palais pour l’exposition « De Watteau à David. La collection Horvitz » (mars-juillet 2017), Jeffrey Horvitz a souhaité donner au musée quatre œuvres par l’intermédiaire de la King Baudouin Fondation United States :

Un tableau de Michel-François Dandré-Bardon (1700-1783), Le Repas à Emmaüs (vers 1736), visible dans les salles du musée

Un dessin de Jean-François de Troy (1679-1752), Étude pour la figure de Jason (vers 1743)

Un dessin de Jean-Baptiste Marie Pierre (1714-1789), Joseph, gouverneur d’Égypte, faisant distribuer du blé (?) (1740-1742)

Un dessin de Louis Lesueur (1746-1803), La Rencontre à la fontaine (1785)