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Cambriolage au musée du Louvre : des joyaux historiques d’une valeur patrimoniale inestimable dérobés dans la galerie d’Apollon

On pouvait admirer dans cette vitrine de la galerie d'Apollon fracturée par les malfaiteurs l'extraordinaire parure d’émeraudes offerte par Napoléon Ier à Marie-Louise.

On pouvait admirer dans cette vitrine de la galerie d'Apollon fracturée par les malfaiteurs l'extraordinaire parure d’émeraudes offerte par Napoléon Ier à Marie-Louise. © Musée du Louvre / Martin Argyroglo

Serait-ce le casse du siècle ? Dimanche 19 octobre vers 9h30, un « commando de quatre personnes », selon la procureure de Paris, s’est introduit dans la galerie d’Apollon, au premier étage du musée du Louvre, dérobant neuf des somptueux bijoux qui s’y trouvaient.

Sept minutes : c’est le temps qu’a pris le cambriolage dont le musée du Louvre a été victime le dimanche 19 octobre, peu après l’ouverture. Le modus operandi a de quoi sidérer : les voleurs ont simplement garé un monte-meubles de déménagement sur le quai François Mitterrand afin d’accéder à l’étage, fracturé l’une des fenêtres de la galerie d’Apollon, avant de s’attaquer à deux des vitrines blindées qui abritent la collection royale de gemmes et les Diamants de la Couronne.

Au musée du Louvre, la galerie d'Apollon, écrin des gemmes royales et des Diamants de la Couronne, a été cambriolée dimanche 19 octobre au matin. D'inestimables bijoux royaux et impériaux du XIXe siècle ont été emportés.

Au musée du Louvre, la galerie d'Apollon, écrin des gemmes royales et des Diamants de la Couronne, a été cambriolée dimanche 19 octobre au matin. D'inestimables bijoux royaux et impériaux du XIXe siècle ont été emportés. © Musée du Louvre

Un vol rapide et bien préparé

Bien que les alarmes de la fenêtre et des vitrines se soient déclenchées et que le personnel du musée ait été réactif, huit bijoux insignes ont pu être dérobés avant que les malfaiteurs ne parviennent à s’enfuir en scooter. Aucun blessé n’est à déplorer. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le Louvre n’a toujours pas rouvert ses portes. Ce cambriolage éclair révèle d’importantes failles dans la sécurité du musée, pointées par la Cour des comptes dans un rapport qui sera publié début novembre. Le document, que des journalistes ont pu consulter, souligne notamment les retards « considérables » pris dans l’installation de caméras, de nombreuses salles du musée en étant toujours dépourvues.

C'est côté Seine, au sud, par cette fenêtre du premier étage du musée du Louvre donnant sur le quai François Mitterrand, que le commando a pu s'introduire directement dans la galerie d'Apollon.

C'est côté Seine, au sud, par cette fenêtre du premier étage du musée du Louvre donnant sur le quai François Mitterrand, que le commando a pu s'introduire directement dans la galerie d'Apollon. © Wikimedia Commons

La galerie d’Apollon, écrin des joyaux de la Couronne

L’écrin des gemmes royales et des Diamants de la Couronne constitue l’une des plus belles galeries du palais du Louvre et assurément l’un des plus extraordinaires décors peints et sculptés du XVIIe siècle. Réalisé en 1664 dans une galerie imaginée par l’architecte Louis Le Vau, il est l’œuvre de Charles Le Brun, futur peintre de la galerie des Glaces à Versailles, qui a conçu un superbe ensemble à la gloire du Roi-Soleil, assimilé au dieu Apollon. Le décor demeura pourtant inachevé. Au XIXe siècle, le compartiment central fut confié à Eugène Delacroix, qui peignit en 1850-1851 Apollon vainqueur du serpent Python.

La décor de la galerie d'Apollon, conçu en 1664, a été achevé en 1850 par Eugène Delacroix, qui a peint sur la voûte Apollon vainqueur du serpent Python.

La décor de la galerie d'Apollon, conçu en 1664, a été achevé en 1850 par Eugène Delacroix, qui a peint sur la voûte Apollon vainqueur du serpent Python. © DR

Des joyaux d’une inestimable valeur patrimoniale

Parmi les bijoux volés se trouvent plusieurs pièces ayant appartenu à la reine Hortense et à la reine Marie-Amélie : le diadème, le collier et une boucle d’oreille, d’une paire, de la parure de saphirs. Les voleurs se sont aussi emparés du collier et d’une paire de boucles d’oreilles en émeraudes de la parure de Marie-Louise, et de trois bijoux de l’impératrice Eugénie : le grand nœud de corsage, le diadème et une broche dite « broche reliquaire ». Les cambrioleurs ont laissé tomber la couronne de l’impératrice, qui a été retrouvée à proximité du musée, endommagée.

La vitrine des joyaux de Napoléon III dans la galerie d’Apollon, où se trouvaient le diadème, la couronne et le nœud de corsage de l’impératrice Eugénie. Elle a été fracturée par les voleurs, qui ont emporté le diadème et le nœud, et endommagé dans leur fuite la couronne.

La vitrine des joyaux de Napoléon III dans la galerie d’Apollon, où se trouvaient le diadème, la couronne et le nœud de corsage de l’impératrice Eugénie. Elle a été fracturée par les voleurs, qui ont emporté le diadème et le nœud, et endommagé dans leur fuite la couronne. © Musée du Louvre / Martin Argyroglo

La couronne de l’impératrice Eugénie échappe au pire

Cette couronne de haut de tête est l’œuvre du joaillier de la Couronne, Alexandre Gabriel Lemonnier. En 1855, en vue de l’Exposition universelle, lui fut confiée la réalisation de deux couronnes pour le couple impérial. Celle de l’empereur a été fondue, mais celle d’Eugénie a été heureusement préservée. Lemonnier s’est adjoint les talents du sculpteur Gilbert et du joaillier Pierre Maheu pour la réalisation de cette couronne mariant or, diamants et émeraudes, les arceaux représentent des aigles, symbole impérial par excellence. Conservée par l’impératrice, qui la légua à la princesse Marie-Clothilde Napoléon, elle a été acquise par le Louvre en 1988. Elle a échappé de peu au vol, les cambrioleurs l’ayant laissée tomber dans leur fuite. Les dommages subis par la couronne sont en cours d’évaluation.

Alexandre Gabriel Lemonnier, couronne de haut de tête de l’impératrice Eugénie, Paris, 1855. Or, argent doré, 1 354 diamants, 1 136 roses, 56 émeraudes, H. 13 ; diam. 15 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, volée, puis retrouvée endommagée le 19 octobre 2025.

Alexandre Gabriel Lemonnier, couronne de haut de tête de l’impératrice Eugénie, Paris, 1855. Or, argent doré, 1 354 diamants, 1 136 roses, 56 émeraudes, H. 13 ; diam. 15 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, volée, puis retrouvée endommagée le 19 octobre 2025. © RMN (musée du Louvre) – S. Maréchalle

« Un point sur les mesures de sécurité existantes dans les musées »

Une enquête judiciaire est en cours et la ministre de la Culture, Rachida Dati, a demandé l’ouverture d’une enquête administrative. Le ministère de l’Intérieur a en outre annoncé, lundi 20 octobre, l’envoi d’une note aux préfets pour « organiser sans délai un point sur l’existence des dispositifs déjà déployés autour des établissements culturels et renforcer les mesures de sécurité le cas échéant ». D’autres vols ont en effet frappé les musées français récemment, dont le musée national Adrien Dubouché, à Limoges, le Muséum national d’histoire naturelle et le musée Cognacq-Jay, à Paris.

Vitrine des joyaux de Napoléon III dans la galerie d’Apollon.

Vitrine des joyaux de Napoléon III dans la galerie d’Apollon. © Musée du Louvre / A. Mongodin

La parure d’émeraudes de Marie-Louise

Pour leur mariage, le 2 avril 1810, Napoléon offrit à Marie-Louise une parure d’émeraudes et de diamants dont faisaient partie, aux côtés d’un diadème et d’un peigne, ce collier et ces boucles d’oreilles. Le collier s’orne de palmettes enchâssant une émeraude, qui relient dix grosses émeraudes auxquelles sont suspendues dix émeraudes en poire. Chaque boucle d’oreille est composée d’une grosse émeraude en poire suspendue à une émeraude en losange et rehaussée par un encadrement de diamants, qui s’achève par une petite émeraude en boule. Le collier et la paire de boucles d’oreilles, qui avaient été conservés par Marie-Louise, ne sont pas entrés dans les collections nationales au XIXe siècle. Ils ont rejoint le musée du Louvre en 2004, grâce au Fonds du Patrimoine et à la Société des Amis du Louvre.

François Régnault Nitot (joaillier), collier et boucles d’oreilles de la parure de Marie‑Louise, Paris, 1810. Collier : 32 émeraudes dont 10 en poire, 1 138 diamants dont 874 en brillant et 264 en rose, or et argent, H. 43 ; L. 7 cm. Boucles d’oreilles : 6 émeraudes, 108 diamants, or, argent, H. 5,7 ; L. 3,1 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, volés le 19 octobre 2025.

François Régnault Nitot (joaillier), collier et boucles d’oreilles de la parure de Marie‑Louise, Paris, 1810. Collier : 32 émeraudes dont 10 en poire, 1 138 diamants dont 874 en brillant et 264 en rose, or et argent, H. 43 ; L. 7 cm. Boucles d’oreilles : 6 émeraudes, 108 diamants, or, argent, H. 5,7 ; L. 3,1 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, volés le 19 octobre 2025. © RMN (musée du Louvre) – J.‑G. Berizzi

La parure de saphirs de la reine Hortense et de la reine Marie-Amélie

On déplore aussi le vol du diadème, du collier et de l’une des boucles d’oreilles de cette parure, qui fut achetée en 1821 par Louis-Philippe pour Hortense de Beauharnais, reine de Hollande en exil, et qui échut ensuite à son épouse, la reine Marie-Amélie. Le diadème était à l’origine plus important ; les cinq plus gros saphirs de Ceylan ont été conservés et ornent chacun des fleurons. Le style des différents éléments de la parure reflète le goût en vogue durant le Premier Empire. Ces bijoux étaient restés dans la descendance de la famille d’Orléans jusqu’à leur achat par le Louvre en 1985. 

 Parure de saphirs et diamants de la reine Hortense et de la reine Marie-Amélie, Paris, vers 1805-10 et 1864. Saphirs, diamants, or et argent ; collier : H. 3,4 ; L. 40 cm ; diadème : H. 6,2 ; diam. 10,7 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, diadème, collier et boucle d’oreille volés le 19 octobre 2025.

Parure de saphirs et diamants de la reine Hortense et de la reine Marie-Amélie, Paris, vers 1805-10 et 1864. Saphirs, diamants, or et argent ; collier : H. 3,4 ; L. 40 cm ; diadème : H. 6,2 ; diam. 10,7 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, diadème, collier et boucle d’oreille volés le 19 octobre 2025. © RMN (musée du Louvre) – M. Rabeau

Le diadème de l’impératrice Eugénie

En 1853, Alexandre Gabriel Lemonnier, nommé joaillier de la Couronne par Napoléon III, reçut la commande de trois bijoux, dont ce diadème. Presque trois mille diamants et plus de deux cents perles ornent cette pièce inestimable, la plus grosse perle poire surmontant l’ornement central. Lemonnier a puisé son inspiration dans la nature, dessinant d’élégantes feuilles endiamantées. L’impératrice a souvent été peinte parée de ce diadème qu’elle appréciait, comme dans le portrait réalisé par Franz Xaver Winterhalter la même année. Il fit partie en 1887 de la désastreuse vente des Diamants de la Couronne avant de rejoindre, un siècle plus tard, les collections du musée grâce à un don de la Société des Amis du Louvre en 1992.

Alexandre Gabriel Lemonnier, diadème de l’impératrice Eugénie, Paris, 1853. 212 perles, 2 990 diamants dont 1 998 brillants et 992 roses, argent doublé d’or, H. 7 ; L. 19 ; P. 18,5 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, volé le 19 octobre 2025.

Alexandre Gabriel Lemonnier, diadème de l’impératrice Eugénie, Paris, 1853. 212 perles, 2 990 diamants dont 1 998 brillants et 992 roses, argent doublé d’or, H. 7 ; L. 19 ; P. 18,5 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, volé le 19 octobre 2025. © RMN (musée du Louvre) – S. Maréchalle

Le grand nœud de corsage de l’impératrice Eugénie

Ce nœud de corsage est en réalité le souvenir d’une somptueuse ceinture de diamants réalisée par François Kramer pour l’impératrice Eugénie en 1855, pour l’Exposition universelle également. L’impératrice ne la porta qu’à de rares occasions et préféra n’en garder que le nœud, qui fut monté en broche en 1864. La forme de ce bijou, composé de plus de 2 600 diamants, fait référence à la mode du temps de la reine Marie-Antoinette, quand les robes étaient parées de nœuds et de pompons. Dispersé, comme le diadème, lors de la vente des Diamants de la Couronne en 1887, il avait été acquis en 2008 grâce au legs consenti à la Société des Amis du Louvre par Monsieur et Madame Michel Rouffet, et avec l’aide du Fonds du Patrimoine.

Bartholomäus Heinrich Joseph Franz Hubert, dit François Kramer (1825-1903), grand nœud de corsage de l’impératrice Eugénie, Paris, 1855 et 1864. 2 438 diamants taillés en brillants et 196 roses, argent doublé or, H. 22,2 ; L. 10,5 ; P. 3,5 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, volé le 19 octobre 2025.

Bartholomäus Heinrich Joseph Franz Hubert, dit François Kramer (1825-1903), grand nœud de corsage de l’impératrice Eugénie, Paris, 1855 et 1864. 2 438 diamants taillés en brillants et 196 roses, argent doublé or, H. 22,2 ; L. 10,5 ; P. 3,5 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, volé le 19 octobre 2025. © RMN (musée du Louvre) – S. Maréchalle

La broche reliquaire de l’impératrice Eugénie

La broche reliquaire de l’impératrice Eugénie constitue un extraordinaire condensé de l’histoire de France. Elle fait partie des bijoux conçus par le joaillier Alfred Bapst à la demande de Napoléon III, conformément au souhait de l’empereur de faire remonter les Diamants de la Couronne à l’occasion de l’Exposition universelle de 1855. Le caractère exceptionnel de ce bijou réside dans les sept précieuses roses historiques formant le corps de la broche : deux d’entre elles sont des Mazarins, le Dix-septième et le Dix-huitième, légués par le cardinal à son royal filleul Louis XIV, qui les utilisa comme boutons de justaucorps. On retrouvera plus tard certaines roses sur l’épée en diamants de Louis XVI, à l’oreille de Marie-Antoinette, ou encore sur le baudrier de Napoléon. Vraisemblablement destinée par la pieuse Eugénie à accueillir une relique, cette broche fut attribuée au musée du Louvre en 1887.

Alfred Bapst (1823-1879), broche dite « broche reliquaire » de l'impératrice Eugénie, Paris, 1855. Diamants et or, 17,5 x 4,6 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, volé le 19 octobre 2025.

Alfred Bapst (1823-1879), broche dite « broche reliquaire » de l'impératrice Eugénie, Paris, 1855. Diamants et or, 17,5 x 4,6 cm. Paris, département des Objets d'art du Moyen Age, de la Renaissance et des temps modernes du musée du Louvre, volé le 19 octobre 2025. © 2015 GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

À lire :
Les Diamants de la Couronne, sous la direction d’Anne Dion-Tennenbaum, éditions Faton / musée du Louvre, 288 p., 49 €.
La galerie d’Apollon et ses trésors, Dossiers de l’art n° 315, 80 p., 11 €.