Après huit années passées à veiller sur les fresques Renaissance de la galerie François Ier, de la salle de bal ou encore de la Porte Dorée, Oriane Beaufils a fait ses adieux à Fontainebleau. Âgée de 37 ans, la jeune conservatrice assure depuis le 12 février dernier la direction des riches collections de la Villa Ephrussi, joyau néo-Renaissance de la Côte d’Azur appartenant à l’Académie des beaux-arts.
Formée à Henri IV puis à l’ESSEC, tout en poursuivant en parallèle des études d’histoire, d’histoire de l’art et de philosophie, Oriane Beaufils débute sa carrière dans l’univers du luxe avant de rapidement s’orienter vers le marché de l’art, faisant ses armes chez Christie’s et Sotheby’s. Diplômée de l’Institut national du patrimoine, elle obtient son premier poste au château de Fontainebleau en 2016.
Grande ordonnatrice des fastes de la cour des Valois
Alors que l’on attend plutôt cette seizièmiste sur les décors de Rosso et Primatice, c’est sur Louis-Philippe qu’Oriane Beaufils se penche d’abord en assurant le co-commissariat de l’exposition que le château consacre à partir de l’automne 2018 aux liens étroits que le « roi-bourgeois » entretenait avec la maison des siècles. En 2022, elle revient à ses premières amours en faisant revivre, le temps d’une magistrale exposition, l’art de la fête à la cour des Valois. Elle réussit pour l’occasion à faire venir de Florence trois exceptionnelles tapisseries du Palazzo Pitti donnant à voir les fastes déployés par la Couronne de France en ces temps troublés. À l’automne prochain, elle assurera encore, avec Vincent Cochet, le co-commissariat de l’exposition « Peintre de courre : Jean-Baptiste Oudry et les chasses royales », qui permettra la révélation des quatre premiers cartons restaurés de cette insigne série.
Le joyau rose de la Côte d’Azur
Chef-d’œuvre de la Belle Époque, la Villa Ephrussi qui l’accueille désormais naît de la découverte en 1905 du Cap Ferrat par Béatrice de Rothschild (1864-1934), fille du baron Alphonse de Rothschild et épouse malheureuse du banquier Maurice Ephrussi. Sept années de travaux seront nécessaires au prix de Rome Jacques Marcel Auburtin (1872-1926) pour faire sortir de terre, sur un promontoire rocheux plutôt hostile, une villa paradisiaque inspirée de la Renaissance italienne. D’abord ocre-jaune, elle sera des années plus tard parée de rose, couleur fétiche de la baronne. Elle sera l’écrin des somptueuses et éclectiques collections de cette riche héritière amoureuse du XVIIIe
siècle, déployant sous les plafonds de Tiepolo et Pellegrini de précieux meubles estampillés environnés de toiles signées Boucher et Fragonard.
Dans le giron de l’Académie des beaux-arts
Lorsqu’elle disparaît en 1934, elle lègue la villa et ses jardins à l’Académie des beaux-arts. En 1996, l’ensemble est classé au titre des Monuments historiques. Sa gestion avait été déléguée en 1992 à la société Culturespaces avant que l’Académie des beaux-arts ne décide d’en reprendre le contrôle direct à partir du 1er janvier 2023, après un rapport alarmant de la Cour des comptes. Conformément à ses statuts, elle avait nommé à sa tête l’un de ses membres : le 12 octobre 2022, Muriel Mayette-Holtz, directrice du Théâtre national de Nice, avait ainsi pris les rênes de la Villa.
Olivier Paze-Mazzi