Les institutions culturelles mettent de nombreux contenus gratuits en ligne. Ils peuvent satisfaire votre curiosité et votre soif d’apprendre ou tout simplement vous permettre de préparer ou de compléter une visite. Partons à la rencontre de grands bibliophiles et collectionneurs dont le nom est passé à la postérité.
Les livres d’heures du duc d’Aumale
La bibliothèque et les archives du musée Condé de Chantilly conservent les riches collections d’ouvrages et de documents écrits réunies au cours des siècles par les seigneurs de Chantilly, membres des familles de Montmorency et de Bourbon-Condé, comme celles bâties par le duc d’Aumale (1822-1897), grand amateur de livres d’heures. Quelques-uns de ses trésors sont présentés en ligne : les Très Riches Heures du duc de Berry, réalisées par les frères de Limbourg au XVe siècle et acquises par le bibliophile en 1856, les Heures d’Étienne Chevalier, peintes par Jean Fouquet, dont il a pu acheter 40 feuillets en 1891 (le manuscrit avait été démembré et dispersé au XVIIIe siècle), le Bréviaire de Jeanne d’Évreux, du XIVe siècle, conservé dans un écrin en forme de livre en vermeil ciselé commandé par le collectionneur à l’orfèvre Paul-Émile Froment-Meurice, le Livre du Roi Modus et de la Reine Ratio dans sa première et rarissime édition de 1486… Les plus curieux pourront poursuivre leur visite par la consultation du catalogue des manuscrits sur la base Calames.
www.musee-conde.fr
Martin Bodmer, le « roi des bibliophiles »
Martin Bodmer (1899-1971) était un grand bibliophile suisse. Il est à l’origine d’une des plus importantes collections privées de papyrus, manuscrits, incunables et livres anciens au monde, aujourd’hui conservée et présentée au sein de la Fondation Martin Bodmer et de son musée. Plus de 150 000 pièces, parmi lesquelles des Livres des Morts égyptiens, des manuscrits de Virgile et Thomas d’Aquin, l’ensemble des premières éditions de Shakespeare et à peu près toutes celles de Molière, des centaines d’autographes… Les collections numérisées dans le cadre du projet de recherche Bodmer Lab (partenariat entre la Fondation Bodmer et la Faculté des lettres de l’université de Genève) permettent de naviguer dans des sous-ensembles choisis pour leur intérêt et leur rareté : Rabelais (Bodmer possédait les premières éditions des aventures de Pantagruel, imprimées du vivant de l’auteur), Faust (plus de 600 versions différentes de cette illustre tragédie de Goethe), Ménandre, Fables ésopiques, Littérature mondiale…
www.fondationbodmer.ch
Jacques Doucet et la littérature française
Jacques Doucet (1853-1929), couturier, collectionneur et mécène, s’est constitué une bibliothèque littéraire d’exception qu’il lègue à sa mort à l’Université de Paris. En véritable novateur, il ne se contente pas de collecter l’œuvre achevée, l’édition rare, mais il cherche à y joindre le manuscrit, une ou plusieurs lettres de l’auteur, les épreuves corrigées, tout élément qui permette d’en suivre l’élaboration. La bibliothèque numérique – baptisée Archives Littéraires de la Modernité – propose une innombrable quantité de notices consacrées à quatre auteurs entrés dans le domaine public : Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, Guillaume Apollinaire et Alfred Jarry, mais aussi à Robert Desnos, toujours protégé. Parmi les documents relatifs à Mallarmé, on trouvera notamment des textes parus dans La Revue blanche, ses correspondances avec sa fille Geneviève, Théodore de Banville et Marcel Schwob, le manuscrit d’Un coup de dés jamais n’abolira le hasard et ses épreuves corrigées, des portraits du poète et de ses proches.
www.bljd.sorbonne.fr
Michel Wittock, une passion pour la reliure
Passionné de bibliophilie depuis l’adolescence – il achète son premier livre dans une librairie bruxelloise spécialisée en ouvrages anciens à l’âge de 14 ans –, l’industriel belge Michel Wittock (1936- 2020) a réuni durant sa vie une formidable collection de livres, reliures, manuscrits et autographes. Une passion qu’il souhaite, de son vivant, partager avec le plus grand nombre en ouvrant au public à l’automne 1983 les portes de la Bibliotheca Wittockiana, musée des arts du livre et de la reliure. Les reliures conservées dans cet établissement composent un vaste panorama des styles à travers cinq siècles, depuis les décors dorés de la Renaissance jusqu’aux créations avant-gardistes de notre temps, avec un intérêt particulier pour le travail des créateurs modernes et contemporains en France et en Belgique (Georges Leroux, Pierre-Lucien Martin, Monique Mathieu, Jean de Gonet, Germaine de Coster, Jean Knoll, Mechthild Lobisch, Liliane Gérard, Sün Evrard, Anne Goy…). On regrettera cependant le peu d’images mises en ligne.
www.wittockiana.org
Frits Lugt, l’estampe et le dessin
C’est en 1947 que Frits Lugt (1884-1970) et son épouse créent la Fondation Custodia et installent leur collection de dessins anciens, d’estampes et de lettres d’artistes à l’hôtel Turgot, dans le 7e arrondissement de Paris. La plus grande partie des œuvres qui y sont conservées sont d’origine fl amande et hollandaise – Lugt, né à Amsterdam, pouvait se targuer de posséder la plus importante collection particulière de dessins de Rembrandt ainsi que toutes ses gravures –, mais elle s’étend aussi aux écoles italienne, française et allemande. Côté dessin, on admirera les productions de Hendrick Goltzius, Pieter Paul Rubens, Andrea del Sarto, Albrecht Dürer… (plus de 600 notices sont actuellement en ligne), côté estampe, Robert Nanteuil, Francis Seymour Haden, Jacques Callot, Lucas van Leyden… Parmi les lettres d’artistes, on citera celle que Michel-Ange, alors âgé de 87 ans, adressa à Cosme Ier de Médicis, celle que Titien, par la plume d’un scribe, envoya à l’empereur Charles Quint, ou encore deux belles missives illustrées signées par Édouard Manet et Paul Gauguin.
www.fondationcustodia.fr
Les trésors du cardinal Mazarin
Les origines de la Bibliothèque Mazarine sont liées aux collections personnelles – près de 30 000 volumes – du cardinal Mazarin (1602-1661). Ouverte aux savants dès 1643 dans l’hôtel particulier du prélat (qui deviendra par la suite le site historique de la Bibliothèque nationale de France), c’est la plus ancienne bibliothèque publique de France. La bibliothèque numérique de la vénérable institution, Mazarinum, donne accès à une large sélection d’œuvres et de documents comme un livre de prières de l’abbaye du Mont-Cassin dit bréviaire d’Oderisius (tournant des XIe et XIIe siècles), un manuscrit parisien du De Civitate Dei de saint Augustin (vers 1440), la Bible de Gutenberg (entre 1452 et 1454), Lancelot du Lac, premier roman arthurien imprimé en France (1488), un formulaire de lettre d’indulgence découvert dans une reliure (vers 1550), deux catalogues de musique imprimée décrivant les fonds d’Angelo Gardano et de Giacomo Vincenzi, imprimeurs de musique établis à Venise (1591)… sans oublier les incontournables mazarinades parues sous la Fronde entre 1648 et 1653 (on dénombre entre 5 000 et 6 000 libelles).
www.bibliotheque-mazarine.fr
Stéphanie Durand-Gallet