Dans la cité sédélocienne, une exposition rend hommage, pour quelques jours encore, à la sculpture animalière contemporaine et dévoile le bestiaire épuré et attachant de Michel Bassompierre.
Il y a tout juste 100 ans, François Pompon (1855-1933) marquait les esprits en présentant au Salon d’Automne son fameux Ours blanc. Afin de célébrer cet anniversaire, la ville de Saulieu – qui a vu naître l’artiste – met en lumière l’un de ses dignes héritiers, Michel Bassompierre. Six ours monumentaux de sa main rejoignent pour l’occasion les quelques animaux de Pompon (ours blanc, taureau, condor…) qui peuplent déjà les rues de la petite cité morvandelle et investissent le jardin du célèbre Relais Bernard Loiseau. Le musée François Pompon, quant à lui, accueille dans l’une de ses salles une vingtaine de marbres et de bronzes de Bassompierre, ainsi que certains de ses dessins et croquis.
Bassompierre et les ours
C’est une histoire d’amour qui remonte à loin. Depuis sa première visite au zoo de Vincennes et au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris lorsqu’il était enfant, Michel Bassompierre (né en 1948) a conservé une fascination et une affection toute particulière pour cet animal qu’il n’hésite pas à qualifier d’« autre de l’homme ». Son atelier regorge ainsi de milliers de dessins figurant le mammifère dans toutes les positions, bientôt transformés en modèles d’argile puis en pièces de bronze ou de marbre. Le sculpteur multiplie les attitudes (debout, couché, assis, la tête en l’air, en pleine séance de jeu) – toujours d’une justesse remarquable –, profitant des nombreuses possibilités offertes par la rondeur naturelle de l’ours. On retiendra évidemment Le Campagnol, ursidé en boule qui observe entre ses pattes la minuscule souris qui vient de s’y faufiler, ou encore Le Miel, figuration de l’ours trop gourmand qui lèche sa patte rendue douloureuse par les piqûres d’abeilles. Les compositions regorgent de malice, c’est indéniable, mais on est loin de l’image du « nounours » de notre enfance : l’animal est toujours pensé dans son environnement naturel, dans ce qu’il a de plus sauvage et de plus paisible.
Éloge du règne animal
Si l’ours occupe une place de choix dans le bestiaire de Michel Bassompierre, on aurait tort néanmoins de ne pas s’attarder devant ses gorilles (puissants dos argentés dont la proximité avec l’Homme ne manque pas d’interpeller le visiteur), ses éléphants d’Asie et ses chevaux de trait en bronze et marbre de Carrare. Car l’artiste demeure un fin observateur de l’ensemble du règne animal, comme l’était déjà à son époque François Pompon. Les deux hommes partagent d’ailleurs, à un siècle d’intervalle, la suppression systématique de l’accessoire, du superflu, quoique leur approche soit différente. « Je fais l’animal avec presque tous ses falbalas, expliquait ainsi Pompon, et puis, petit à petit, j’élimine de façon à ne plus conserver que ce qui est indispensable ». Si cette démarche a effectivement permis au maître de se concentrer sur le mouvement – qu’il a magistralement rendu –, elle l’a conduit parfois à synthétiser à l’extrême certaines de ses compositions. Contrairement à son successeur qui, lui, tient à conserver toute la rondeur de ses modèles, pour que « jamais l’ombre ne vienne heurter la lumière » ; sans toutefois sacrifier à l’anatomie, car Bassompierre étudie en effet de très près l’architecture interne, là où Pompon préférait observer les animaux de loin. En se concentrant avant tout sur les volumes et les attitudes, Pompon et Bassompierre parviennent, chacun à leur manière, à capter l’essence même de l’animal, puissant, fragile, sauvage et serein. À l’heure où le monde vivant est en grand danger, voici une bien belle leçon d’humilité.
Florie Lafond-Cornette
« Animal sous le regard des grands maîtres : Pompon-Bassompierre »
Jusqu’au 30 septembre 2022 au musée François Pompon
3 place du Docteur Roclore, 21210 Saulieu
Tél. 03 80 64 19 51
www.saulieu.fr
L’exposition se poursuit dans les rues de la ville de Saulieu.
À lire :
Liliane Colas, Hélène Meyer, Catherine Gras, Alix Delalande et Sophie Lévy, François Pompon (1855-1933), 96 p., 19 €.