Vous n’avez pas trouvé sous le sapin l’ouvrage de vos rêves ? L’Objet d’Art vous propose sa sélection de beaux livres pour bien commencer 2024.
Le sport français raconté par son architecture
Historien de l’architecture et attaché de conservation à la Cité de l’architecture et du patrimoine, Franck Delorme propose, avec la complicité du photographe Pascal Lemaître, de célébrer cette année olympique en racontant le sport à travers les multiples expressions de son patrimoine. Suivant le fil de l’Histoire, cet ouvrage de référence dévoile, du monde antique à la période contemporaine, l’ampleur des infrastructures qu’il fallut inventer pour accueillir la diversité des disciplines sportives. Le lecteur débutera ainsi sa préparation physique au cœur des arènes de Nîmes, écrin antique des jeux du cirque au Ier siècle, avant de s’offrir le luxe de renvoyer quelques balles sur le royal carreau du jeu de paume du château de Fontainebleau, édifié sous Henri IV puis reconstruit sous Louis XV après un incendie survenu en 1702. Paré de sa casaque, il trottera ensuite sous les fermes cintrées du majestueux manège impérial de Sénarmont, élevé à quelques encablures de là par Napoléon Ier, puis rejoindra le VIe arrondissement de Paris pour un duel à fleurets mouchetés en la salle d’armes Coudurier : ouverte en 1886, elle est la plus ancienne encore en activité dans la capitale. Il pourra ensuite se rafraîchir en faisant par exemple quelques longueurs dans l’écrin Art déco de la piscine Molitor, inaugurée rive droite en 1929 et presque entièrement détruite en 2011 à l’occasion de sa transformation en hôtel de luxe, à moins qu’on ne lui préfère le bassin de la piscine de Roubaix, de trois ans sa cadette, somptueusement reconvertie en musée d’art et d’industrie à l’aube des années 2000. Il sera alors temps de conclure ce périple au Stade de France qui, entre 1995 et 1998, offrit enfin à la nation, à la veille de la Coupe du monde de football, l’enceinte sportive de 80 000 places dont elle rêvait. Olivier Paze-Mazzi
Franck Delorme et Pascal Lemaître
Les Sports en France de l’Antiquité à nos jours. Une histoire, un patrimoine
Éditions du patrimoine, 2023,
368 p., 60 €.
La poésie d’Emily Dickinson sublimée par la peinture moderniste américaine
Chaque publication des éditions Diane de Selliers constitue un événement ; le magistral coffret consacré à l’immense poétesse américaine Emily Dickinson (1830-1886), contemporaine de Rimbaud, ne déroge en rien à la règle. Au fil d’une maquette résolument épurée, un florilège de 162 poèmes, proposés en français et en anglais, dialogue avec quelque 170 peintures modernistes américaines de la première moitié du XXe siècle. Les soixante-deux artistes ici à l’honneur (ils bénéficient chacun d’une notice biographique) ont été soigneusement sélectionnés par Anna Hiddleston. Attachée de conservation au département d’art moderne du Centre Pompidou, elle a été chargée d’établir le programme des expositions de la nouvelle antenne du musée qui verra le jour à Jersey City (New Jersey). Au début du siècle dernier, les artistes américains n’aspirent qu’à s’affranchir de la peinture européenne jusqu’alors hégémonique : Edward Hopper, Georgia O’Keeffe, Charles Sheeler, Arthur Dove, Henrietta Shore… se font alors l’écho de l’immensité de leurs terres natales. Profondément américaine, la poésie d’Emily Dickinson, d’une sidérante modernité, dans une époque éminemment puritaine, au style hardi, caractérisé par « des vers courts rythmés mais non rimés, des majuscules aléatoires, des tirets comme respiration » est « une poésie qui n’est pas bavarde, qui est allusive, elliptique, concentrée, ramassée, serrée » explique Françoise Delphy, qui lui consacra sa thèse de littérature anglo-saxonne. Elle est ici sublimée par les œuvres colorées de ses compatriotes. Nathalie d’Alincourt
Poésies d’Emily Dickinson illustrées par la peinture moderniste américaine
Traduction de Françoise Delphy, préface de Lou Doillon
Direction scientifique de l’iconographie et introduction d’Anna Hiddleston,
Éditions Diane de Selliers, 2023
Un volume relié sous coffret illustré, 408 p., 250 €.
Dior/Bérard, une amitié singulière
« Tout Dior est dans Bérard, tout Bérard est dans Dior » résume Laurence Benaïm dans l’avant-propos du livre qu’elle consacre à ces deux icônes du monde de l’art et de la mode. En 1947, Christian Dior invente le New Look et bâtit un empire en révolutionnant la silhouette de la femme. Il se distingue par sa rigueur dans le travail, sa discrétion, voire son introversion. À la fois secret et exhibitionniste, Bérard le mondain, dit Bébé, est peintre, dessinateur, illustrateur, décorateur de théâtre, costumier ; il est surtout l’« arbitre de toutes les fêtes, de toutes les élégances », écrit le couturier Dior dans son autobiographie. Le coup de foudre amical est immédiat entre ces deux hommes aux personnalités opposées, lorsqu’ils se rencontrent à la fin des années 1920 dans ce Paris où tout est permis, par l’intermédiaire du compositeur Henri Sauguet. Les grandes étapes de cette longue amitié fusionnelle constituent le fil rouge de ce livre qui témoigne aussi d’une époque éblouissante de créativité. Laurence Benaïm a déjà publié des biographies de référence sur Yves Saint Laurent, Marie-Laure de Noailles et Jean-Michel Frank, elle connaît donc bien la période. Très documenté, avec de multiples notes et un index, agrémenté de nombreuses photographies parfois inédites, cet ouvrage a bénéficié de la collaboration de la maison Dior. Il constitue une lecture incontournable pour les esthètes férus de mode et de théâtre. N.d’A.
Laurence Benaïm
Christian Dior – Christian Bérard, la mélancolie joyeuse
Éditions Gallimard, 2023
300 p. + 16 p. hors texte, 32 €.
Splendeurs du monde flottant
Normalienne et journaliste spécialisée dans l’art, Joséphine Bindé consacre un riche ouvrage à l’une des plus fascinantes créations de l’Empire du Soleil levant : les ukiyo-e, ces « images du monde flottant » qui depuis l’ouverture du Japon dans la seconde moitié du XIXe siècle enchantent l’Occident. Paysages idylliques, créatures mythiques, ou beautés érotiques : le lecteur plongera au fil des pages au cœur de 300 estampes soigneusement sélectionnées et décryptées parmi les foisonnantes collections du Metropolitan Museum of Art de New York et du Rijksmuseum d’Amsterdam : arborant la signature d’Utamaro, Hiroshige ou encore Hokusai, elles donnent à voir en ces temps moroses la douceur de vivre et l’imaginaire raffiné du lointain archipel. O.P.-M.
Joséphine Bindé
Estampes japonaises
Merveilles du monde flottant
Éditions Place des Victoires, 2023
320 p., 49 €.
L’Élysée, vitrine des arts décoratifs français
Dans le domaine des arts décoratifs, la France peut s’enorgueillir d’avoir donné naissance à plus d’une vingtaine de styles différents. Fruit de quatre années de travail, le bel ouvrage collectif que coédite le Mobilier national sous la direction de Muriel Barbier en témoigne en retraçant les trois siècles d’histoire d’une illustre maison privée devenue au fil des années palais de la République : « L’Élysée est certes un objet symbolique, mais aussi la maison de tous les Français », rappelle Hervé Lemoine, président de l’institution. Mêlant décor, architecture et ameublement, cette nouvelle synthèse à la fois érudite et grand public vient actualiser le livre que publiait en 1994 Jean Coural, alors administrateur général du Mobilier national, qui réduisait le XXe siècle à la portion congrue. Richement illustré grâce à trois campagnes réalisées in situ par le photographe Guillaume de Laubier, l’ouvrage dévoile au fil des pages quelques curiosités, à l’image de la « cage aux singes », imposante et incongrue véranda sur cour voulue par Sadi Carnot qui, jusqu’à l’avènement de Vincent Auriol, fit office de vestiaire, ou encore du bar dessiné par Jacques Adnet et installé dans le salon des Portraits sous l’impulsion de son épouse Mireille. Témoignage du goût particulièrement novateur du couple Auriol, qu’une exposition met actuellement à l’honneur au château de Rambouillet, cet aménagement convivial sera, quelques années plus tard, condamné d’un mot par l’austère Yvonne de Gaulle : « L’Élysée n’est pas un tripot ! » Si le mobilier né sous les ors de l’Ancien Régime eut longtemps la faveur des présidents successifs, il ne semble pourtant guère séduire l’actuel locataire qui, depuis son élection, avec la complicité de son épouse, a offert à la vénérable demeure une nouvelle jeunesse, multipliant les commandes aux créateurs d’aujourd’hui : six années de réaménagement ont ainsi renvoyé une soixantaine de pièces dans les réserves du garde-meuble de la République, ne laissant entre les murs de l’ancien hôtel d’Évreux que deux pièces de mobilier du XVIIIe siècle, dont le célèbre bureau plat de Charles Cressent qui fut longtemps bureau présidentiel. O.P.-M.
Ouvrage collectif
Sous la direction de Muriel Barbier
Le palais de l’Élysée. Architecture, décor et ameublement
Coédition Gourcuff Gradenigo / Mobilier national, 2023
304 p., 49 €.
Chrétien de Troyes dans l’œil des préraphaélites
Inventeur du roman médiéval, le poète Champenois Chrétien de Troyes a livré dans la deuxième moitié du XIIe siècle cinq récits fondateurs de la littérature française, imprégnés des grands mythes de l’Antiquité classique et des contes folkloriques. Ce bel ouvrage réunit les quêtes de deux chevaliers du roi Arthur, Yvain et Lancelot, traduites en français moderne et illustrées de 170 œuvres signées Dante Gabriel Rossetti, Edward Burne-Jones, John Everett Millais ou William Morris, toutes issues de prestigieuses collections publiques et privées. Ce dialogue par-delà les siècles mêle avec une admirable justesse aventures et combats, amour et féérie, tant – comme le souligne l’éditrice Diane de Selliers – les préraphaélites « ont trouvé dans le mythe arthurien un espace où projeter leurs désirs, leurs valeurs, leurs obsessions ». Voici une exaltante promenade artistique et littéraire. Myriam Escard-Bugat
Chrétien de Troyes
Yvain ou le Chevalier au Lion, Lancelot ou le Chevalier de la Charrette
Illustrés par la peinture préraphaélites
Éditions Diane de Selliers, 2023
448 p., 52 €.
Collectionner l’art africain
Ce bel ouvrage d’un format imposant illustré de grandes photographies en noir et blanc se veut une invitation au voyage et au partage. En 2005, les collectionneurs belges Anne et Michel Vandenkerckhove font la rencontre décisive du marchand bruxellois Didier Claes, spécialiste d’art d’Afrique noire qui devient leur mentor puis leur ami. Après un très classique masque Yaure de Côte d’Ivoire, le couple multiplie les acquisitions, souvent auprès du galeriste, en s’efforçant de constituer de « petits ensembles qualitatifs d’une même ethnie ». Statuettes Songye (RDC), figures reliquaires Mahongwe (Gabon), singes Baule (Côte d’Ivoire), têtes Ife et statues Jukun (Nigéria) et statues Dogon et cimiers Bamana (Mali) : une sélection de 227 pièces alliant harmonie formelle, rareté et beauté des patines est ici réunie. Le premier critère pour le collectionneur et son marchand ? L’émotion ! M.E.-B.
Sous la direction de Didier Claes
Passion partagée, Anne et Michel Vandenkerckhove, une collection du XXIe siècle
Fonds Mercator, 2023
384 p., 95 €.