
« Plus que tout, l’Égyptien m’attire. Il est pur. L’élégance de l’esprit s’enguirlande à toutes ses œuvres », écrivait en 1914 le père du Penseur dans Les Cathédrales de France. Réunissant près de 400 pièces, l’exposition automnale du musée Rodin apporte sa pierre à l’édifice des commémorations de l’année Champollion en mettant pour la première fois en lumière le lien intime que le sculpteur noua, en tant que collectionneur et dans son œuvre, avec la lointaine Égypte.
Entretien avec Bénédicte Garnier, responsable de la collection d’antiques au musée Rodin et commissaire de l’exposition
Propos recueillis par Mathilde Dillmann
Comment est née l’exposition « Rêve d’Égypte » ?
Cette exposition a pour objectif de mettre en valeur un pan méconnu et pourtant considérable de la grande collection d’œuvres d’art constituée par Rodin et donnée à l’État français en 1916 : ses œuvres égyptiennes. Sur les 6 400 objets que compte la collection, plus de mille sont des pièces de l’Égypte antique. L’exposition cherche à faire connaître ces pièces qui sont en très grande majorité conservées dans des réserves et qui ont toutes été restaurées pour l’occasion. Elle présente un parcours de plus de 400 œuvres, qui mêle, comme c’était le cas dans les différents ateliers de Rodin, ses collections de pièces antiques et ses propres sculptures et dessins, mais aussi des documents d’archives et des photographies.

À partir de quand Rodin a-t-il commencé à collectionner les œuvres égyptiennes ?
Rodin commence à s’intéresser à l’art égyptien relativement tard dans sa carrière. On peut distinguer deux grandes phases de constitution de la collection, autour desquelles s’articule l’exposition. À partir de 1893, Rodin acheta auprès des antiquaires parisiens de petits objets destinés à son premier musée personnel, intimement lié au travail de l’atelier. Il les exposa dans les différents espaces de la villa des Brillants à Meudon, mélangés à ses œuvres et à ses autres collections. Ensuite, à partir de 1910, le sculpteur changea de perspective et acquit auprès d’antiquaires installés en Égypte des œuvres majeures, directement issues des chantiers de fouilles, comme des grands reliefs. Il les destinait à son futur musée, préfiguré à l’hôtel Biron dès 1912, destiné à la postérité et en particulier aux jeunes artistes. Il a alors effectué un rééquilibrage entre les différents arts représentés dans sa collection en acquérant de nombreuses œuvres antiques égyptiennes, mais aussi asiatiques et médiévales, afin de donner une vision plus encyclopédique de l’histoire de l’art. Auparavant, dans la collection qu’il exposait dans sa villa de Meudon, les œuvres grecques et romaines dominaient nettement.

Qu’est-ce qui l’intéressait dans l’art égyptien ?
Rodin s’intéressait avant tout aux œuvres en elles-mêmes. Son approche était essentiellement formelle et esthétique, centrée sur le travail de la ligne, la simplification des formes, la monumentalité, la dimension hiératique, et aussi l’aspect fragmentaire. L’art égyptien a ainsi nourri ses recherches sur la représentation du corps humain. De manière plus inattendue, il a acquis des fragments de peinture murale alors qu’il travaillait à une tentative inaboutie de fresque pour un décor à Saint-Sulpice. L’exposition met ainsi en valeur un aspect inédit du travail de Rodin, sur la couleur et la polychromie.
Vous pourrez retrouver la suite de cet entretien dans le numéro de décembre de L’Objet d’Art.
Un week-end festif les 22 et 23 octobre 2022
Afin de célébrer l’ouverture de l’exposition, le musée Rodin se met un week-end entier à l’heure égyptienne en proposant au public de rencontrer archéologues et égyptologues le temps d’un atelier hiéroglyphes et à l’occasion de plusieurs conférences. Inscription obligatoire avant le 21 octobre sur culturel@musee-rodin.fr.
Retrouvez ici le programme complet des festivités.
« Rêve d’Égypte »
Jusqu’au 5 mars 2023 au musée Rodin
77 rue de Varenne, 75007 Paris
Tél. 01 44 18 61 10
www.musee-rodin.fr
Catalogue, In Fine/musée Rodin, 192 p., 35 €.
L’ensemble de la collection égyptienne de Rodin est désormais disponible sur un site dédié : www.egypte.musee-rodin.fr