Le Mamelouk Roustam Raza est une figure incontournable de l’épopée napoléonienne. La galerie Mendes expose à Maastricht un splendide portrait immortalisant sa jeunesse sous le fusain de la belle-fille de l’Empereur, Hortense de Beauharnais, future reine de Hollande. Immédiatement vendu, il aurait pourtant eu toute sa place dans les collections du château de Malmaison.
Hortense de Beauharnais (1783-1837) avait une passion pour le dessin, et bénéficia, dans l’apprentissage de son art, des conseils du peintre Jean-Baptiste Isabey (1767-1855). On conserve d’elle plusieurs dessins de paysage, talentueusement exécutés, mais aucun portrait de cette envergure, ni si bien documenté.
Une figure légendaire du règne
Il représente le Mamelouk Roustam Raza (1782-1845), que Napoléon Bonaparte ramena de sa campagne d’Égypte. Il devint dès lors l’un des fidèles du futur empereur et une figure légendaire de son règne. La jeune Hortense de Beauharnais fait sa connaissance quand Roustam, blessé à la suite d’un accident de cheval, reste en convalescence au palais des Tuileries, tandis que Napoléon Bonaparte mène la campagne d’Italie. Hortense a alors dix-sept ans et lui dix-huit, et la jeune femme le fait souvent venir dans ses appartements pour le dessiner. À la demande de Madame Campan, qui avait accueilli la fille de Joséphine dans son établissement éducatif destiné aux jeunes filles de la haute bourgeoisie et qui la connaissait bien, Hortense se met alors à travailler à un portrait abouti de Roustam.
Reine ou artiste ?
Elle en oublie même un jour, à la Malmaison, l’heure du dîner pour achever son dessin : sa mère, qui l’attend avec le Premier consul, s’impatiente et la gronde, lui demandant si elle compte gagner sa vie en devenant artiste ! Une carrière qu’aurait pourtant pu embrasser la future reine de Hollande, car le portrait terminé, et présenté par la galerie Mendes, est magnifique : de grandes dimensions, exécuté au fusain, à la craie blanche et à la gouache, il montre une remarquable maîtrise de l’art de l’estompe, du rendu des volumes et des valeurs de gris et de blanc.
En route vers la Turquie
Cette œuvre exceptionnelle, dont la place était à la Malmaison, n’a pourtant pas suscité l’attention immédiate du musée – qui a répondu par un laconique « nous irons la voir » à la documentation envoyée par la galerie, sans même signifier son éventuel intérêt. L’œuvre a été achetée dès l’ouverture de la foire par un grand collectionneur turc, venu spécialement à Maastricht avec ses conservateurs, et qui, lui, a immédiatement saisi le caractère extraordinaire de ce dessin.
Jeanne Faton