Après une édition 2021 annulée à cause de la pandémie, la TEFAF Maastricht a ouvert les portes de sa 35e édition le 24 juin dernier. Les collectionneurs européens et américains, comme les musées, étaient au rendez-vous – et la foire a affirmé une fois de plus sa suprématie dans le domaine de la peinture ancienne comme des objets d’art et de curiosité. 242 marchands ont répondu présent à l’appel. Voici une sélection de pièces phares à ne pas manquer.
PEINTURES
Gentileschi en majesté
L’art d’Artemisia Gentileschi (1593-1654) fait la part belle à de puissants personnages féminins auxquels l’artiste prête fréquemment ses traits. Elle se glisse ici dans la peau de la dernière reine d’Égypte, quelques instants avant que le serpent qu’elle approche de son sein ne scelle sa destinée. Présentée à Rome en 2016 dans l’exposition Artemisia Gentileschi e il suo tempo, cette toile a surgi sur le marché de l’art en 2014 ; elle était alors identifiée comme « école allemande ».
Découverte d’un Thomas Blanchet
Ce festin d’Hérode est une des belles découvertes de la foire de Maastricht. Né en 1641, formé pour certains par Simon Vouet et pour d’autres par Jacques Sarrazin, Blanchet quitta Paris pour Rome dans le milieu des années 1630 et y resta jusqu’en 1647. Il y fréquenta Poussin, Pierre de Cortone, Andrea Sacchi. Appelé à Lyon pour décorer l’Hôtel de Ville, il y termina sa carrière et y mourut en 1689. Cette œuvre, dont la spécialiste du peintre Lucie Galactéros-de Boissier a confirmé l’attribution, a sans doute été peinte à Rome ou au lendemain du retour en France de l’artiste, quand ce dernier était encore gonflé de la verve baroque. On en admire la virtuosité et l’expressivité des figures.
Un puissant saint André
Saint André aurait évangélisé la Scythie (l’Ukraine et la Russie actuelles) ; le livre qu’il tient réfère à cette activité d’évangélisateur. L’oblique de la croix, la main posée sur la poitrine et sortant de l’ombre et la tête de trois-quarts en clair-obscur confèrent à cette composition une très forte puissance expressive. Pier Francesco Mola (1612-1666) aurait peint cette toile au moment de son installation définitive à Rome, vers 1650 : il connaissait alors la peinture napolitaine et le travail de Salvator Rosa.
SCULPTURES
Cave canes !
Ces deux lévriers antiques en marbre blanc proviennent des fouilles de la villa Laurentine, à Torre Paterno, menées par le prince Chigi à la fin du XVIIIe siècle ; des collections de la famille Chigi, ils passèrent ensuite à celles de Thomas Hope (1769-1831). Écrivain et amateur d’art, issu d’une famille de riches banquiers, il réunit lors de ses voyages en Italie une considérable collection de sculptures. Elles constituaient l’un des fleurons de sa galerie des statues, dans sa demeure de Duchess Street, à Londres.
Un gracieux vieillard
Particulièrement admirée dès le vernissage, cette délicate effigie du dieu Chronos présentée par la galerie munichoise Georg Laue offre au regard le spectacle naturaliste d’un corps de vieillard décharné auquel une paire d’ailes déployées confère une grâce inattendue. Ses exceptionnelles qualités plastiques permettent de proposer une attribution à Balthasar Permoser (1651-1732). Considéré à l’aube du XVIIIe siècle comme l’un des plus importants sculpteurs allemands, l’artiste travailla jusqu’à sa mort en 1732 à la cour d’Auguste le Fort, où il créa différentes œuvres partageant une forte parenté stylistique avec ce Chronos. Conservé au Staatliche Museum de Berlin, un dessin documente notamment l’existence d’une importante sculpture explorant le même thème : elle ornait la façade d’une demeure disparue de la ville de Dresde.
Sujet d’agrément
Commencée par Antoine François Vassé, qui dut en arrêter l’exécution car son état de santé ne lui permettait plus de continuer, cette allégorie de la Marine constituait son sujet d’agrément, présenté le 29 mai 1723 à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Elle fut achevée par son fils Louis Claude Vassé et resta dans la famille des sculpteurs avant de passer dans différentes collections privées, dont celles de la famille Rothschild, avant sa réapparition sur le marché de l’art.
Quand les Anglais étaient maîtres des mers
L’hégémonie maritime conquise par la Grande-Bretagne au XVIIIe siècle s’affichait sans complexe chez Steinitz par le biais de deux splendides terre cuites à l’effigie de Neptune et de Britannia. Conçues vers 1730 par le Flamand John Michael Rysbrack (1694-1770) d’après les dessins de William Kent (1685-1748), ces imposantes allégories furent vraisemblablement présentées au puissant Robert Walpole (1676-1745), comte d’Oxford et véritable Premier ministre anglais. Elles furent ensuite transposées dans la pierre afin de prendre place au-dessus de la grande porte d’entrée située alors au milieu de la façade est d’Houghton Hall, résidence d’inspiration palladienne de l’homme d’État érigée dans le Norfolk au début des années 1720. Les deux sculptures figurent toujours aujourd’hui sur le fronton de l’ancienne porte désormais transformée en fenêtre.
L’élégance de l’hippopotame
Un pachyderme d’une étonnante délicatesse attend le visiteur sur le stand animalier de Xavier Eeckhout. Sculpté par François Pompon (1855-1933) dans le marbre solaire de Carrare, cet hippopotame n’avait jusqu’à présent presque pas connu sa France natale : commandé à l’artiste en 1929 par le biais de la galerie Duchemin, il prend dès son achèvement la route de l’Amérique du Sud afin de rejoindre la collection de pièces uniques d’Anita Baron Supervielle, dans la descendance de laquelle il figurait jusqu’à aujourd’hui. Moins fameux que l’Ours blanc qui fit la gloire de l’artiste, l’animal apparaît dans son œuvre dès 1922 sous la forme d’un plâtre poli reposant sur ses pattes. Hébrard en assurera les années suivantes plusieurs éditions en bronze, avant que le modèle n’évolue grâce à l’adjonction d’une terrasse, clin d’œil au statut d’animal sacré que les anciens Égyptiens lui conféraient.
ARTS DÉCORATIFS ET OBJETS DE CURIOSITÉ
D’ivoire et d’ébène
Conçu par Paul Heermann (1673-1732), l’un des meilleurs sculpteurs du baroque tardif en Saxe et en Bohème, cet extraordinaire jeu d’échecs est le seul de connu à avoir été exécuté par un artiste fameux. Œuvrant à la cour d’Auguste le Fort, électeur de Saxe et roi de Pologne, Heermann lui livra probablement cette création prestigieuse qui fut par la suite certainement offerte comme cadeau diplomatique à l’électeur de Bavière. Celui-ci était en effet lié au premier propriétaire connu, le banquier Christian Ier von Münch. Chaque pièce est un chef-d’œuvre de sculpture en miniature. Le plateau, incrusté d’argent, de corne et d’écaille, a été réalisé par l’orfèvre augsbourgeois Paul Solanier (1635-1724). La signature de l’œuvre est à la fois discrète et humoristique : elle se cache sur le petit papier tenu par le fou, qui semble prêt à remettre ce message au roi.
Jeanne Faton et Olivier Paze-Mazzi
« TEFAF Maastricht »
Jusqu’au 30 juin 2022 au MECC
Forum 100, 6229 GV Maastricht, Pays-Bas
www.tefaf.com