
Quatre ans après sa réouverture en décembre 2018, le musée Girodet met à l’honneur l’autre grande figure de l’institution, Henry de Triqueti. L’ouverture d’une nouvelle salle, entièrement consacrée au sculpteur, s’accompagne de l’exposition de son œuvre graphique.
L’inondation du 31 mai 2016 ne les avait pas épargnés. Après une minutieuse restauration, les dessins de Henry de Triqueti (1803-1874) appartenant à la collection du musée font pour la première fois l’objet d’une présentation exhaustive, à l’exception d’une seule œuvre, trop endommagée. Cet ensemble de trente-cinq feuilles permet de retracer la carrière de l’artiste, né près de Montargis à Conflans-sur-Loing. Élève de Girodet puis de Louis Hersent, il délaisse la peinture pour se tourner vers la sculpture et les arts décoratifs. Son seul tableau conservé, Valentine de Milan demandant justice au roi Charles VI de l’assassinat du duc d’Orléans, est à présent visible dans la nouvelle salle du parcours des collections permanentes dédiée à son œuvre. Il y côtoie les créations d’inspiration Renaissance qui valurent à Triqueti ses premiers succès au Salon, comme l’Aiguière des mères israélites commandée en 1834 par Adolphe Thiers, alors ministre de l’Intérieur, ou le spectaculaire Vase de la Chasse.

De prestigieuses commandes royales
Les grandes réalisations du sculpteur pour la famille d’Orléans et pour la reine Victoria sont présentes sous la forme de projets en terre cuite ou en plâtre pour le cénotaphe du prince Ferdinand et le gisant du prince Albert de Saxe-Cobourg. Cette dernière commande constitue l’œuvre majeure de Triqueti qui y travaille pendant plus de dix ans à partir de 1864. Car la reine d’Angleterre lui confie non seulement le cénotaphe de son époux, mais aussi l’ensemble de la décoration de la chapelle Wolsey au château de Windsor qu’elle fait entièrement réaménager en mausolée à la mémoire du prince. Le sculpteur imagine un somptueux décor de marbre composé de dix scènes de l’Ancien Testament et de quatre scènes de la Passion entourant le retable de la Résurrection, également de la main de Triqueti. Sans compter des dizaines de bas-reliefs en marbre blanc, entourés de bordures de motifs végétaux en émaux et pierres semi-précieuses. Cette commande royale lui permet de perfectionner la technique qu’il a inventée, la tarsia, marqueterie de marbres incisés d’un dessin rempli de ciment coloré.
De l’art des dessins préparatoires
Les études préparatoires, des modèles de drapés au grand carton Daniel parmi les lions se lève à l’appel du roi Darius, répondent aux photographies de la chapelle prises sous la direction de Triqueti. La restauration du carton d’un autre projet de tarsia, Homère à la fontaine Hippocrène, a apporté de nouvelles informations sur la technique de Triqueti. La mise au jour de repentirs réalisés par marouflage de papiers révèle l’importance que le sculpteur accordait à ses dessins préparatoires. Et montre la virtuosité technique de l’artiste dans de nombreux domaines. Un hommage bien mérité dans le musée qu’il participa à créer.

Mathilde Dillmann
« Triqueti, la force du trait »
Jusqu’au 2 avril 2023 au musée Girodet
2 rue du Faubourg de la Chaussée, 45200 Montargis
Tél. 02 38 98 07 81
www.musee-girodet.fr