![Joseph Mallord William Turner (1775-1851), Départ pour le bal (San Martino), exposé en 1846. Huile sur toile, 61,6 x 92,4 cm. Londres, Tate. Photo service de presse. © Tate](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/05/section-4-N00544_Depart-pour-le-bal.jpg)
Près d’un quart de siècle après la dernière exposition qu’elle consacrait à l’œuvre de Joseph Mallord William Turner (1775-1851), la Fondation Gianadda réunit à nouveau à Martigny une centaine de peintures et aquarelles du « peintre de la lumière ». Conçue comme en 1999 par David Brown, conservateur à la Tate Gallery, la présentation bénéficie des généreux prêts de l’institution londonienne, gardienne du Legs Turner.
Dramatiser la nature
Avant de se confronter à la peinture à l’huile, Turner fut d’abord un aquarelliste de topographies. C’est en 1802 qu’il découvre les Alpes à la faveur d’un voyage entre la France, la Savoie et la Suisse. Traversées par le pont du Diable, les vertigineuses gorges de Schöllenen frappent tout particulièrement l’imagination du jeune artiste. Il en livre ici une vision dramatisée renforcée par la présence de quelques soldats : ils viennent rappeler le sanglant affrontement entre les Russes et les Français qui, quelques années plus tôt, avait conduit à la reconstruction du pont.
![Joseph Mallord William Turner (1775-1851), Le Pont du Diable et les gorges de Schöllenen, 1802. Mine de plomb, aquarelle et gouache sur papier, 47,1 x 31,8 cm. Londres, Tate. Photo service de presse. © Tate](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/05/section-1-D04626_Le-Pont-du-Diable-1-725x1024.jpg)
Peindre les mythes
Il n’est pas rare de voir Turner offrir à ses scènes mythologiques des paysages exaltés qui viennent servir le récit. Exécutée en 1840, cette peinture à l’huile met en scène la détresse d’Ariane, abandonnée par Thésée sur l’île de Naxos, dont la silhouette menaçante d’un arbre traduit l’inhospitalité. Un certain mystère nimbe la toile. Inspiré par Titien, le cortège de Bacchus qui s’avance vers la jeune fille est traité de façon elliptique, tandis qu’une architecture que l’on devine grecque se confond avec l’horizon. La mer et le ciel se confondent dans une « dissolution » propre à l’artiste.
![Joseph Mallord William Turner (1775-1851), Bacchus et Ariane, exposé en 1840. Huile sur toile. 78,7 x 78,7 cm. Londres, Tate. Photo service de presse. © Tate](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/05/section-2-N00525_Bacchus-et-Ariane.jpg)
Entre ombre et lumière
Sans ténèbres, point de lumière. Inspiré par la théorie des couleurs d’Isaac Newton, Turner n’hésite pas à réunir les deux extrêmes sur ses toiles afin d’en sublimer la puissance émotionnelle. La dernière partie de sa carrière voit ainsi une veine obscure envahir ses toiles afin d’inspirer la crainte au spectateur. Cette Mer agitée avec une épave en flammes peinte vers 1835-1840 en est caractéristique, mettant en scène un navire balloté par des éléments déchaînés sous un ciel terrible. La sombre tonalité utilisée par l’artiste annonce son anéantissement prochain.
![Joseph Mallord William Turner (1775-1851), Mer agitée avec une épave en flamme, vers 1835-1840. Huile sur toile, 163 x 65 cm. Londres, Tate. Photo service de presse. © Tate](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/05/N04658_Mer-orageuse-avec-epave-en-flamme.jpg)
Un aveuglant soleil
« The Sun is God », aurait déclaré Turner quelques semaines avant de s’éteindre, justifiant ainsi le règne sans partage qu’exerça l’astre solaire sur son œuvre. Offrant son titre à l’exposition, cette citation accompagne également la section la plus spectaculaire de la présentation où quatre tableaux donnent à voir l’ultime manière du maître. Inspiré par les théories scientifiques les plus récentes relatives à la persistance rétinienne, Turner baigne ses toiles dans une lumière intense qui, dans La Visite au tombeau, se révèle même aveuglante.
![Joseph Mallord William Turner (1775-1851), La visite au tombeau. Huile sur toile, 91,4 x 121,9 cm. Londres, Tate. Photo service de presse. © Tate](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/05/section-4-N00555_La-visite-du-tombeau.jpg)
Olivier Paze-Mazzi
« Turner. The Sun is God »
Jusqu’au 25 juin 2023 à la Fondation Gianadda
Rue du Forum 59, 1920 Martigny, Suisse
Tél. 0041 27 722 39 78
www.gianadda.ch