L’institution espère réunir avant le 31 décembre 2023 les 1,6 million d’euros nécessaires à l’acquisition de ce manuscrit d’exception, rare vestige de la mythique librairie du monarque.
Surnommé à juste titre « le Sage », Charles V (r. 1364-1380) fut le premier souverain français à constituer une bibliothèque royale. Elle contint jusqu’à un millier de livres, chiffre considérable pour une époque qui n’avait pas encore inventé l’imprimerie. Cette collection était également remarquable car réunissant une majorité de livres rédigés en langue vernaculaire. Ils étaient conservés au palais du Louvre, dans l’ancienne tour de la Fauconnerie aménagée par le roi en bibliothèque.
Une commande royale
Présentant toutes les caractéristiques d’une commande royale, ce bréviaire réalisé vers 1370 a très vraisemblablement été exécuté pour Charles V, dont on reconnaît à plusieurs reprises l’effigie au fil des pages. L’ouvrage est orné de trente-trois miniatures et doté d’un décor secondaire raffiné, où l’on peut discerner l’influence du célèbre Jean Pucelle (mort en 1334) à travers une veine naturaliste caractéristique des enlumineurs parisiens de la seconde moitié du XIVe siècle. On y distingue avec certitude deux mains différentes, probablement celle du Maître de la Bible de Jean de Sy (actif entre 1350 et 1380) pour la majorité des enluminures, ainsi que celle d’un second artiste, appelé généralement le Maître du Livre du sacre de Charles V, qui exécuta vraisemblablement une douzaine des miniatures et qui collabora avec le premier à plusieurs reprises. Établi à l’usage de la Sainte-Chapelle de Paris, ce bréviaire mentionne les services funéraires de différents rois et reines de France.
Un retour aux sources
Le XVe siècle sonna malheureusement l’heure de la large dispersion de ces ouvrages, dont une grande partie fut rachetée par Jean de Bedford, régent du royaume de France, en 1425. Le manuscrit s’est retrouvé au XVIIIe siècle dans la bibliothèque du château d’Anet, avant d’être vendu et de passer dans une famille anglaise. Aujourd’hui, seuls 185 de ces manuscrits sont identifiés, dont la moitié est conservée à la Bibliothèque nationale de France, formant le cœur historique de ses collections. Le retour de ce trésor dans les collections de l’État ferait donc pleinement sens. La BnF conduit par ailleurs, depuis 2016, un programme d’édition scientifique des inventaires de la librairie de Charles V et d’identification systématique des ouvrages conservés. C’est la première fois depuis deux cents ans que l’institution a l’occasion d’acquérir un manuscrit provenant de la mythique bibliothèque de Charles V. L’actuel propriétaire, un grand collectionneur anglais, a décidé de le proposer à la BnF : cette dernière lance donc une campagne de souscription afin de réunir les fonds nécessaires.
Maylis de Cacqueray
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