
Le musée du Louvre vient de s’offrir pour 235 000 € (hors frais) un grand cuivre de Lubin Baugin (vers 1612-1663) ; une restauration fondamentale devra désormais révéler les qualités plastiques de cette œuvre demeurée « dans son jus » qui daterait de la fin de la carrière de l’artiste.
Longtemps demeuré dans l’oubli avant d’être remis en lumière par les travaux de Jacques Thuillier, l’œuvre intimiste et poétique de Lubin Baugin a depuis quelques années repris toute sa place dans l’histoire de l’art, comme en témoigne la couverture que nous lui consacrions en 1996. Célèbre pour ses natures mortes, dont l’appétissant Dessert de gaufrettes conservé au Louvre depuis 1954, l’artiste se révèle également un important peintre d’histoire.
Un atticisme parisien intimiste
Côtoyant d’abord les artistes flamands à Saint-Germain-des-Prés, Lubin Baugin se familiarise ensuite avec l’art des maîtres italiens qu’il découvre entre 1632 et 1640 à l’occasion de ses voyages à Rome et à Parme. De retour à Paris, il est reçu à l’Académie de Saint-Luc, avant d’entrer en 1651 à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Notamment marqué par l’art de Raphaël, il s’impose comme un peintre réputé de sujets religieux, livrant pour des particuliers nombre de petites saintes familles avant de recevoir des commandes de plus grands formats, dont un Mays destiné à Notre-Dame de Paris. D’abord marqué par le maniérisme, son art évolue au fil de sa carrière vers un certain classicisme que l’on caractérisera comme une version intimiste de l’atticisme parisien, notamment illustré par La Hyre et Le Sueur durant la régence d’Anne d’Autriche.
« Un immense chef-d’œuvre »
Présenté par le cabinet Turquin et vendu à Toulouse chez Fournié & Cortès le 23 mars, ce cuivre inédit aux vernis jaunis, conservé dans son beau cadre d’époque Louis XIV, dépeint la douleur silencieuse d’Adam et Ève découvrant le corps sans vie de leur fils Abel, assassiné par son frère Caïn. « Un immense chef-d’œuvre », s’enthousiasme Nicolas Milovanovic, conservateur en chef du patrimoine au musée du Louvre, présent à Toulouse durant la vente afin d’assurer en personne la préemption de l’œuvre. Le conservateur a annoncé dans la foulée qu’une restauration fondamentale serait conduite par le C2RMF.
Tableau d’une grande puissance d’émotion, mais contenue, presque pudique, scène silencieuse et immobile paraissant figée dans le temps… immense chef-d’œuvre qui fera bien sûr l’objet d’une restauration fondamentale au @c2rmf https://t.co/q7pi2N29ET
— Nicolas Milovanovic (@MilovanCavor) March 24, 2023
Olivier Paze-Mazzi