
L’année ne pouvait mieux commencer pour le musée d’Orsay : la ministre de la Culture Rima Abdul Malak y annonçait hier l’entrée dans les collections nationales de la Partie de Bateau de Gustave Caillebotte (1848-1894). Cette œuvre fascinante au cadrage radical était depuis février 2020 classée « trésor national ». Proposée à 43 millions d’euros, elle a bénéficié du mécénat exclusif du groupe LVMH. Il s’agit de la seconde toile de l’artiste à rejoindre les collections du musée en quelques mois, après Les Soleils, jardin du Petit Gennevilliers (vers 1885), entrée par dation en décembre dernier.
Exécuté dans les années 1877-1878, le tableau a été exposé lors de la quatrième exposition du groupe impressionniste en 1879. Caillebotte y avait présenté, outre ses traditionnels sujets urbains, une série de peintures sur le thème des sports et loisirs nautiques, dont un grand triptyque décoratif composés de trois toiles : Pêche à la ligne, Baigneurs (tous deux dans des collections particulières) et Périssoires (Rennes, musée des Beaux-Arts). L’artiste s’empare de cette thématique afin d’en exploiter la richesse du motif. D’un point de vue formel, si cette œuvre s’inscrit dans la quête naturaliste de l’artiste, qui place la figure humaine au centre de sa composition à l’instar de son célèbre tableau Les Raboteurs de Parquets (1875), elle révèle aussi une nouvelle manière, par touches, moins léchée et plus esquissée qui se rapproche de celle de son contemporain Claude Monet.
Un enjeu patrimonial majeur
Présentée au public à l’occasion de l’exposition « Dans l’intimité des frères Caillebotte. Peintre et photographe » du musée Jacquemart-André en 2011, la toile était conservée jusqu’alors par des descendants de l’artiste. Classée « trésor national » en janvier 2020 à la suite du refus de son certificat d’exportation, elle vient de bénéficier d’un mécénat de 43 millions d’euros du groupe LVMH. Cet achat intervient dans un contexte de reconsidération de l’œuvre de Gustave Caillebotte, collectionneur et mécène des impressionnistes, qui n’est plus perçu comme un élément satellitaire du mouvement, mais bien comme un acteur capital. En 2024, dans le cadre des célébrations des 150 ans de la naissance de l’impressionnisme, le musée d’Orsay mettra toute la lumière sur cette œuvre insigne en la présentant dans divers musées à travers la France. Enfin, à l’automne, l’institution accueillera une grande rétrospective Caillebotte avec de nombreux prêts internationaux.
Simon Poirier