Plus d’un siècle après la découverte de la momie du pharaon, un sarcophage en granite découvert en 2009 vient d’être rattaché à Ramsès II. Il avait été réutilisé par un grand prêtre de Thèbes, frère d’un roi de la XXIe dynastie.
Il est le pharaon le plus célèbre au monde, et pourtant de nombreuses zones d’ombre entourent sa sépulture. La momie de Ramsès II (1279- 1212 avant J.-C.) a été découverte à la fin du XIXe siècle à Deir el-Bahari, dans le sud de la Vallée des Rois.
Momie déplacée
Elle se trouvait dans une cache, où des dizaines de dépouilles de rois ainsi que des membres de leur famille avaient été mises à l’abri des pillages pendant la XXIe dynastie, environ 200 ans après la mort du pharaon. Le corps de Ramsès II a été retrouvé dans un cercueil en bois qui, d’après différentes analyses, s’est avéré d’une autre époque que la sienne. La tombe du puissant pharaon n’a été inspectée qu’un siècle plus tard, lors de fouilles menées dans les années 1990 et 2000 par Christian Leblanc, directeur de recherche émérite au CNRS et responsable de la mission archéologique française de Thèbes-Ouest. De petits fragments d’un sarcophage en albâtre ont été identifiés dans la chambre funéraire et dans le couloir qui y mène. Une découverte en cohérence avec les pratiques de l’époque, le propre père de Ramsès II, Séti Ier , ayant été inhumé dans un sarcophage d’albâtre.
Tombe pillée
« Nous savons cependant que Ramsès II a été enterré dans un sarcophage en or, mais, comme sa tombe a été pillée, nous n’avons pas d’espoir de le retrouver, précise Frédéric Payraudeau, maître de conférences à Sorbonne Université, membre du laboratoire Orient et Méditerranée et du Centre de recherches égyptologiques de la Sorbonne. La momie du pharaon a, en revanche, dû être déposée dans une série de sarcophages en plus de ceux en or et en albâtre. Mérenptah, son fils et successeur, était ainsi installé dans quatre sarcophages en pierre, dont trois énormes en granite. On voit mal pourquoi il aurait été inhumé avec davantage de faste que son père, au règne bien plus long et glorieux.»
Une découverte inopinée
Les chances de retrouver ces sarcophages en pierre étaient ténues, mais Frédéric Payraudeau a sourcillé en lisant un jour une publication égyptologique. Celle-ci décrit la découverte en 2009, par les archéologues américains Ayman Damarani et Kevin Cahail, d’un sarcophage en granite à Abydos sous un couvent copte. Un fragment leur a permis de comprendre qu’il avait été réutilisé autour de 1000 avant J.-C. par le grand prêtre Menkheperrê, mais sans parvenir à identifier son premier propriétaire, qui était pressenti comme un prince anonyme de la dynastie de Ramsès II. Les photographies publiées dans l’article étaient de petit format ; les dessins réalisés des hiéroglyphes suivaient les premières interprétations. À sa demande, les chercheurs ont accepté d’envoyer de meilleures images à Frédéric Payraudeau. « Le texte du fragment est particulièrement difficile à lire, car le granite est une surface très granuleuse et parce que plusieurs gravures s’y superposent, explique celui-ci. Et comme les collègues sont spécialisés dans des périodes plus anciennes, où les textes étaient plus souvent peints que gravés, je ne suis pas surpris qu’ils aient mal interprété un cas aussi complexe. » Premier indice, le sarcophage est trop beau pour un prince. Car avec seulement 8 centimètres d’épaisseur, le granite a été gravé avec une qualité et une finesse dignes des pharaons.
Un motif réservé aux tombes royales
Son décor comporte également une représentation du Livre des portes, un motif réservé aux tombes royales de la XVIIIe à la XXe dynastie. Enfin, et surtout, la gravure des hiéroglyphes répond à des règles précises. Les signes à l’intérieur d’un même module doivent en effet tous avoir la même hauteur. La seule exception vaut pour un cartouche royal, car comme il est aligné avec le reste du texte, les symboles qu’il contient sont donc nécessairement un peu plus petits que les autres. S’il est possible de regraver par-dessus un cartouche, il ne peut pas être réutilisé en tant que tel. Frédéric Payraudeau a pu y reconnaître le signe de l’élu de Ré, ainsi que le nom de couronnement propre à Ramsès II. Il n’y a plus de doute possible : ce sarcophage est bien celui de Ramsès II. Les conclusions de Frédéric Payraudeau ont ensuite été validées par ses pairs et publiées dans la Revue d’égyptologie. Reste à savoir pourquoi le grand prêtre a réutilisé ce sarcophage, et s’il était conscient de l’identité de son premier propriétaire. «Menkheperrê était le frère du pharaon Psousennès Ier , qui a été retrouvé dans un sarcophage appartenant à un des fils de Ramsès II, précise Frédéric Payraudeau. Ce n’est pas un hasard. En plus des questions financières, il s’agissait de s’inscrire dans un passé prestigieux.»
Martin Koppe
Article à retrouver dans :
Dossiers d’Archéologie n° 424
Les cathares. Une hérésie médiévale en question
83 p., 12 €.
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Pour en savoir plus : • PAYRAUDEAU (F.) — Le sarcophage de Ramsès II remployé à Abydos !, dans Revue d’égyptologie, n° 73, 2023, p. 103-115.