Conservée à Rome dans les collections Sacchetti depuis 1935, cette vaste composition de Pierre Subleyras (1699-1749) figurant le mariage mystique de sainte Catherine de Ricci (1523-1590) est l’une des œuvres jalons de la carrière de l’artiste. Dévoilée à Maastricht par la galerie londonienne Benappi Fine Art quelques mois après la publication par Nicolas Lesur chez Arthena de sa très attendue monographie, elle s’impose comme l’une des plus belles redécouvertes de la TEFAF 2024.
Formé à Toulouse sous la direction d’Antoine Rivalz (1667-1735), Pierre Subleyras devint pensionnaire de l’Académie de France à Rome de 1728 à 1735. Il choisit ensuite de rester dans la Ville éternelle pour y faire toute sa carrière et, en moins d’une décennie, se fait connaître des principaux mécènes romains. C’est l’un d’eux, le cardinal Silvio Valenti Gonzaga (1690-1756), qui l’introduit auprès du pape Benoît XIV.
Célébrer les nouveaux saints
La coutume voulait qu’à l’occasion des cérémonies de canonisation, les ordres religieux offrissent au pape des œuvres racontant la vie de leurs membres élevés au rang de sainteté, mais qu’il revenait au souverain pontife de choisir l’artiste et le sujet des œuvres. Benoît XIV s’adressa à trois peintres pour exécuter les toiles devant célébrer la canonisation de cinq nouveaux saints, le 29 juin 1746, en la basilique Saint-Pierre : Sebastiano Conca (1680-1764), Placido Costanzi (1702-1759) et Pierre Subleyras. Les tableaux des deux premiers sont aujourd’hui perdus, mais ceux de Subleyras sont conservés : Saint Camille de Lellis sauvant les malades de l’hôpital du Saint-Esprit lors des inondations du Tibre en 1598, aujourd’hui sur les cimaises du Museo di Roma, et ce Mariage mystique de sainte Catherine de Ricci, présenté à Maastricht par la galerie Benappi.
Vision pascale
Des collections papales, la toile passe ensuite dans celles des Colonna, puis des Barberini, avant d’être acquise en 1935 par le marquis Sacchetti. La composition illustre la vision de la sœur dominicaine Catherine de Ricci : le 9 avril 1542, le dimanche de Pâques, lui apparurent à l’aube, dans sa cellule, sainte Marie-Madeleine, la Vierge Marie, saint Thomas d’Aquin et le Christ, qui, entouré d’une volée de chérubins, lui passa à l’annulaire de la main gauche l’alliance mystique.
Une céleste lumière dorée
Avec maestria, Subleyras transpose sur sa toile le caractère onirique de la scène baignée d’une céleste lumière dorée, par la douceur de sa palette, la grâce des attitudes des personnages ou l’exquis abandon qui se lit sur le visage de la sainte, coiffée d’une symbolique couronne d’épines. Dans ce cadre architectural indéterminé, seul le replet saint Thomas d’Aquin, légèrement au second plan et entouré, lui, d’une bien sombre nuée terrestre, vient attester de la véracité de l’apparition en toisant avec satisfaction le spectateur.
Un chef-d’œuvre interdit d’exportation
Par cette commande, Benoît XIV impose définitivement Subleyras sur la scène romaine. En importation temporaire à Maastricht, ce chef-d’œuvre interdit d’exportation ne quittera pas la scène italienne, malgré l’enthousiasme qu’il a suscité parmi les conservateurs et historiens de l’art venus nombreux l’admirer dès le vernissage.
Jeanne Faton
37e édition de la TEFAF Maastricht
Jusqu’au 14 mars 2024 au MECC
Forum 100, 6229 GV Maastricht, Pays-Bas
www.tefaf.com