Antoine Coysevox (1640-1720) est au faîte de sa gloire lorsqu’il conçoit à la fin des années 1680 une monumentale effigie du Roi-Soleil alors destinée à la ville de Nantes. C’est pourtant Rennes, sa rivale, qui en héritera le 6 juillet 1726, peu après le grand incendie qui la ravagea en 1720. Haute de quatre mètres et juchée sur un piédestal de trois mètres, elle trôna jusqu’à la Révolution au cœur de la place du Palais aménagée par Gabriel (aujourd’hui renommée place du Parlement), manifestant l’autorité du pouvoir central et royal au sein de la cité bretonne longtemps rebelle. Démontée en 1793, l’effigie du grand roi sera fondue afin de contribuer à l’effort de guerre ; seuls les deux reliefs latéraux réalisés en bronze furent préservés, déposés dès 1801 dans les collections du tout jeune musée des Beaux-Arts de Rennes.
De rares documents et gravures documentaient jusqu’à présent l’existence du monument royal. Conservée depuis le début du XXe siècle au sein d’une collection aristocratique anglaise, la réduction en bronze ciselée par l’artiste de la statue équestre avait fait irruption sur le marché de l’art en 2019, vendue de gré à gré par Christie’s. Suite à un avis favorable émis par la Commission consultative des trésors nationaux, elle est reconnue « œuvre d’intérêt patrimonial majeur » en raison de ses exceptionnelles qualités plastiques : particulièrement fougueuse et enlevée, sa ciselure l’impose en effet comme l’un des chefs-d’œuvre de l’artiste. Grâce au mécénat du groupe alimentaire breton Norac, cet unique témoignage du plus grand monument royal de Coysevox est aujourd’hui acquis par l’État pour la somme de 2,37 millions d’euros. Présentée pour quelques mois dans la cour Puget du Louvre, où elle côtoie les vestiges de plusieurs monuments royaux disparus, cette acquisition insigne gagnera le musée des Beaux-Arts de Rennes dès le mois de septembre où elle sera dévoilée à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.
Olivier Paze-Mazzi