Le château de Versailles a pu s’offrir lors de la dispersion des collections de l’homme d’affaires deux ployants livrés en 1773 pour la chambre de Marie-Thérèse de Savoie, comtesse d’Artois, épouse du futur Charles X et belle-sœur de Marie-Antoinette.
Sic transit gloria mundi. Disparu en octobre dernier, Bernard Tapie connut une ascension fulgurante et une chute retentissante. Afin de régler la dette colossale de près de 620 millions d’euros qu’il laisse à sa veuve, les ultimes miettes de son empire faisaient l’objet le 6 juillet dernier d’une vente judiciaire chez Artus enchères. Bénéficiant notamment des conseils avisés de l’antiquaire Bernard Steinitz, le magnat avait en effet rassemblé une remarquable collection réunissant meubles, objets d’art, tableaux et tapis allant du XVIIe au XIXe siècle. Ces trésors se trouvaient jusqu’à sa disparition en son domicile parisien du 52 rue des Saint-Pères où s’élève l’hôtel de Cavoye : racheté à Hubert de Givenchy en 1986, ce splendide hôtel XVIIe entre cour et jardin affirmait dès le milieu des années 1980 les ambitions et l’éclatante réussite de l’homme d’affaires.
Provenance royale
Parmi les 180 lots offerts au feu des enchères, de nombreuses pièces ont attiré l’œil des amateurs, à l’image d’un spectaculaire lustre Régence attribué à André-Charles Boulle adjugé 462 834 €. Classé Monument historique, il ornait le grand salon du château de la Roche-Guyon jusqu’en 1987, date du désastreux démantèlement des collections des ducs de La Rochefoucauld. Deux pièces de provenance royale présentes dans le grand salon de l’hôtel de Cavoye n’ont pas manqué de retenir l’attention du château de Versailles : acquise par Bernard Tapie pour 93 500 $ chez Sotheby’s New York le 31 octobre 1987, cette paire de ployants faisait partie d’en ensemble de douze livré en 1773 par le Garde-Meuble de la Couronne pour le meuble d’hiver de la chambre de la comtesse d’Artois à Versailles. Plusieurs exemplaires sont aujourd’hui répertoriés : quatre d’entre eux firent partie de la collection James de Rothschild avant de rejoindre le château en 1966, tandis que le musée de Brooklyn de New York en conserve un depuis 1968. La vente Sotheby’s de 1987 en proposait par ailleurs une deuxième paire.
En route vers la chambre de la Reine
La chambre de la comtesse d’Artois, située dans l’aile du Midi, ayant disparu lors des travaux de transformation du château en musée sous Louis-Philippe, ces deux ployants préemptés 244 559 € par Versailles gagneront, après restauration, la chambre de la Reine où ils y retrouveront leurs semblables. Leur modèle est très similaire à celui imaginé par Jacques Gondouin pour la série de douze déjà livrée en 1769 par les Foliot pour le salon des Jeux (actuel salon de la Paix) et la chambre à coucher de la dauphine Marie-Antoinette, dont quatre exemplaires furent déposés à Versailles par le château de Compiègne en 1978.
Versailles a par ailleurs profité de la vacation pour s’offrir une grande paire d’appliques de style Louis XV d’après un modèle de Caffieri (31 998 €) qui devrait gagner bientôt le grand cabinet de la Dauphine. La vente a par ailleurs permis au Mobilier national de préempter pour 11 199 € un tapis de la Savonnerie d’époque Louis XIII.
Olivier Paze-Mazzi