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Été 2025 : les livres à ne pas manquer pour les amateurs d’archéologie

Des dérapages du Néolithique à la lutte des peuples natifs de l’Arctique contre l’érosion en passant par la place de la femme dans la société athénienne antique, découvrez notre sélection de livres à mettre dans votre valise cet été.

« C’est aux seuls humains de construire le monde dans lequel ils souhaitent vivre »

Le Néolithique a mauvaise réputation : avec lui seraient apparus le travail, le capitalisme, les épidémies, la guerre et la carie dentaire, ou encore le pillage des ressources naturelles et les inégalités sociales… Si dans ce livre assez pessimiste, Jean Guilaine identifie, au cœur de cette période, les racines du monde moderne, il cherche aussi à remettre les événements en perspective. Tout aurait pu évoluer différemment… car le problème n’est évidemment pas le Néolithique, c’est l’usage qu’en fit l’Homme lui-même ! Explications. 

Propos recueillis par Romain Pigeaud​​

Le Néolithique a-t-il fait le malheur de l’humanité ? 

Je ne pense pas que l’apparition de l’agriculture et de l’élevage, moyens acquis pour élargir les bases de l’alimentation, ait été une création négative. En revanche, dès lors inséré dans le contexte de cette nouvelle économie de production mise en place par lui-même, l’Homme est rapidement devenu le bourreau de sa propre espèce. Ont alors émergé les notions de possession, de propriété (de la terre et des biens) ou de domination sur autrui. Au lieu de les réguler par des règles de droit coutumier, Homo sapiens en a fait une sorte de pratique sociale courante. De ce comportement ont découlé des inégalités en tous genres qui ont abouti à des formes d’asservissement de la grande majorité des individus.

En ayant l’impression de dominer la Nature, l’Homme aurait-il succombé à une sorte d’hubris, le rendant trop sûr de lui ? Se serait-il piégé lui-même ?

Le Néolithique est d’abord une extension des moyens de subsistance et, par là même, une avancée des humains sur le chemin de la connaissance : fonctionnement de la nature, reproduction des plantes et des animaux, nouvelles possibilités alimentaires, etc. En ce sens c’est un acte de libération envers une nature longtemps contraignante et dont il a enfin été possible de s’affranchir. Cette maîtrise du vivant, végétal et animal, désormais reproductible à l’envi, nous a certainement grisés et nous avons pensé les ressources naturelles comme inépuisables. Mais, alors qu’elle est désormais consciente du caractère limité des possibilités de la planète Terre, l’humanité, conduite par des dirigeants imbus de prépotence, n’en continue pas moins son entreprise d’autodestruction. Cette fuite en avant, nourrie par des esprits mercantiles, a fini par rendre les consommateurs insatiables et fait d’eux les premiers suppôts d’un système qu’ils ne cessent d’entretenir.

La complexité du « phénomène humain » est au centre de votre ouvrage. Quel est-il ?

Nous vivons dans un monde compliqué, dangereux, aux lendemains incertains. Cette situation nous fait regarder le passé comme un temps heureux, serein, enviable… Or les recherches poursuivies sur le Néolithique, c’est-à-dire sur les premiers temps où les humains ont vécu dans des localités stables, villages puis villes, nous font entrevoir toutes les difficultés auxquelles ils ont d’emblée dû faire face. Très tôt sont apparues inégalités sociales, compétitions pour le pouvoir, guerres avec leur cortège de tortures et de barbarie. À cela s’ajoutaient les catastrophes naturelles, les maladies et épidémies, les agressions sur un environnement soumis à une progressive érosion anthropique. Autrement dit tous les problèmes auxquels nous sommes encore confrontés aujourd’hui. II ne sert à rien d’idéaliser le passé. L’archéologie nous apprend que l’âge d’or est un mythe. C’est aux seuls humains de construire rationnellement le monde dans lequel ils souhaitent vivre. 

Les Néolithiques et nous. Sommes‑nous si différents ?, 2025, Jean Guilaine, Paris, Odile Jacob, 240 p., 23,90 €

Femmes des Calanques 

C’était il y a bien longtemps, quand le froid figeait les eaux du globe, faisant baisser le niveau des mers loin de là où il est aujourd’hui, « un autre temps » quand « jamais Terre-Mère ne quitte sa peau blanche », le temps d’Hani et Hania, les premiers à entrer et à marquer leur venue en apposant la marque de leurs mains sur les parois du « ventre de Terre-Mère […] le passage de la vie », caverne désormais ennoyée : la grotte Cosquer ! Parmi les plus connues des cavités peintes de la Préhistoire, Cosquer donne ici l’impulsion à une histoire qui se déroule sur de nombreux siècles avec comme principaux arguments la fréquentation répétée de la grotte, réceptacle de la mémoire de ceux qui vinrent y peindre, la rencontre avec les « sans jambes », les premiers sédentaires, mais surtout la lutte d’une femme, Alba, qui défie les discriminations du clan à l’égard de son sexe. Devenue Alba-Yaga, elle transmettra le pouvoir de résistance des femmes, un pouvoir sans fin, hors du temps, que lui a communiqué Asgrima en lui dévoilant l’existence de la grotte qui recèle l’histoire du clan, à jamais inscrite sur ses parois. « Alors, empruntez une torche à Alba et venez découvrir […] la grotte la plus incroyable du monde. » P. B.

La dernière femme. Chroniques des Calanques, 2025, Joël Polomski, Talence, Marseille, éditions Fedora/Cosquer Méditerranée, 80 p., 17 €

Chasseurs de fossiles

L’origine de cet album singulier se niche dans une question posée par le fils des scénaristes : comment a-t-on découvert les dinosaures ? La réponse se déploie au fil de ces pages aux superbes dessins noirs et blancs. Et loin d’être anecdotique, elle revient sur les problèmes liés à l’histoire des sciences et à la pratique fort répondue des chasseurs de fossiles. 1825, Gideon Mantell, médecin dans un village d’Angleterre, et son épouse Mary Ann Mantell, dessinatrice de grand talent, se passionnent pour ces étranges pierres. Incidemment, ils tombent sur une dent, énorme, d’une espèce inconnue et sans doute très ancienne. Invité par l’Académie des sciences, l’amateur est moqué, ses hypothèses raillées, par une assemblée encore imprégnée par le Déluge biblique. Mais le couple est opiniâtre, il cherche encore, correspond avec d’autres amateurs éclairés ou des scientifiques – tel le « mammouth » Cuvier. Un album remarquablement écrit et dessiné pour comprendre la manière dont se construit, encore et toujours, la science. S. D.

La dent de l’iguanodon, 2025, dessin Pol Cherici, scénario Lisa Lugrin, Clément Xavier, postface Ronan Allain, Poitiers, éditions FLBLB, 348 p., 23 €

Les meilleurs ennemis de l’Homme

Les microbes ne datent pas d’hier ! Et saviez-vous que « nous, les humains, sommes des descendants de microbes » ? Nous partageons en effet un ancêtre commun, LUCA, Last Universal Common Ancestor, d’il y a 3,5 milliards d’années ! Plus encore, 8 % de notre génome provient de virus, acteurs de modifications de l’espèce et habitants utiles de notre organisme. Pour autant, nous les connaissons surtout pour leurs douloureux effets sur notre santé et leurs actions meurtrières – grippe, sida, peste, syphilis, etc., qui, en leur temps, ou encore aujourd’hui, furent la cause de terribles épidémies. Et pour la Préhistoire ? Si les traces laissées sur les restes osseux ont longtemps été les seules identifiables, aujourd’hui les analyses moléculaires de l’ADN ou de l’ARN permettent d’accéder à un plus large panel. Les virus évoluent, se modifient, se transmettent, provoquent des adaptations biologiques et sociales, leur histoire avec Homo sapiens s’avérant être riche d’enseignements surprenants. P. B.

Sapiens et les microbes. Les épidémies d’autrefois, 2025, Renaud Piarroux, Paris, CNRS éditions, 400 p., 26 €

Histoires d’Inde

Étonnamment considérée comme une « société sans histoire », l’Inde, peu étudiée en France, demeure mal connue. Différentes raisons épistémologiques, politiques, idéologiques et historiques tendent en effet à considérer ce pays comme hors du temps, dans une sorte de fixité culturelle… Les langues sont mieux apprises, heureusement, car il faut en posséder plusieurs pour aborder les sources et envisager un récit d’autant plus inaccessible qu’il est ancien. De l’Afghanistan au Bangladesh actuels, l’Inde du Nord recouvre un vaste territoire bordé au sud par le fleuve Narmada. Dix-neuf siècles sont examinés pour en rendre enfin compte, depuis les janapada, premières formations politiques des VIe et Ve siècles avant notre ère, jusqu’aux royaumes régionaux du VIIIe au XIIIe siècle. Empires et dynasties se succèdent, dont la périodisation reste à affiner, mais dans lesquels les États d’aujourd’hui puisent leurs origines. Voulu comme un manuel, pour pallier le manque d’ouvrages sur le sujet, le texte est soutenu par des cartes et des encarts explicatifs. Loin d’être immobile, l’Inde du Nord se révèle ici dans un long processus d’élaboration politique autant que spirituel. P. B.

Histoire ancienne et médiévale de l’Inde du Nord (VIsiècle avant notre ère, début XIIsiècle), 2025, Cédric Ferrier (dir.), Paris, PUF, coll. Nouvelle Clio, 432 p., 34 €

Être une femme

La vie quotidienne dans l’Athènes antique est relativement bien connue. Ainsi ce livre, riche d’enseignements, aborde le statut des femmes dans cette société : « ce qui est femelle […] ce qui est mâle » opèrent dans une vision du monde plutôt binaire mais où, cependant, nuance et complexité ne sont pas absentes. Il n’en demeure pas moins qu’au quotidien, les femmes libres, citoyennes ou non, selon qu’elles soient de la cité ou d’ailleurs, sont peu mentionnées dans les documents historiques. Elles ont des droits, mais plus au sein de la famille que dans la cité : femme ou fille « de », elles peuvent hériter, retourner dans leur famille d’origine si elles sont maltraitées… sans pouvoir prétendre à une vie autonome. La société athénienne a souvent (peut-être trop promptement) été considérée comme misogyne et sexiste, tant le code des femmes exemplaires y est balisé ; ce dernier n’est cependant pas exempt de particularités et d’exceptions, propices au changement. P. B.

Les femmes d’Athènes, 2025, Violaine Sebillotte Cuchet, Paris, Presses universitaires de France, 208 p., 14 €

Chroniques d’Alaska

Triste hommage à Nicolas Bouvier que le titre de cet ouvrage. Nous vous en avons parlé dans le no 639 : à Quinhagak, petit village de la côte sud-ouest de l’Alaska, les Yupiit, l’un des peuples natifs de l’Arctique, livrent un combat silencieux contre l’érosion et la montée des eaux de la mer de Béring. Les désordres climatiques sapent en effet le trait de côte et font plonger leur vie et leur patrimoine dans l’oubli. C’est ce que nous raconte cet ouvrage, impérieux journal de bord de Charlotte Fauve, journaliste à Télérama, secondée par Claire Houmard, archéologue, qui dirige depuis 2022 le projet « Yup’ik ». Les singulières fouilles de sauvetage menées au bout du monde, à Nunalleq, le vieux village, ramènent à la vie une culture effacée par les morsures de la colonisation, et aujourd’hui vouée à la disparition. Objets de tous les jours ou masques aux sourires désenchantés, rêves d’anciens chamans ensevelis dans la tourbe, sont à découvrir au fil de ces pages pour retenir cette mémoire emportée par les vagues. É. F.

Alaska. L’usure du monde, 2025, Charlotte Fauve, Claire Houmard, Paris, édition du Seuil, Villa Albertine, 192 p., 20 €