Adjugé ! Le meilleur des arts du livre et de l’estampe – Mai 2025

Fables choisies mises en vers, Jean de La Fontaine, illustré par Jean-Baptiste Oudry (1755-1759), détail, estimé entre 150 000 et 200 000 €. Adjugé : 378 000 € (lot 23). Vente Christie’s du 22 mai 2025. Expert : Adrien Legendre. © Christie’s Images Limited 2025
La Tentation de saint Antoine gravée d’après Pieter Bruegel l’Ancien, un exemplaire de L’Éducation sentimentale que Flaubert adressa à George Sand ou des numéros de Falbalas et fanfreluches. Almanach des modes présentes, passées et futures agrémentés d’aquarelles de George Barbier : découvrez les enchères qu’il ne fallait pas manquer en mai dernier.
Des livres de toutes les époques chez Libert & Associés
La « Bibliothèque d’un amateur » dispersée ce jour-là comprenait une centaine de livres anciens et une soixantaine de livres modernes, certains habillés par des relieurs renommés du XXe siècle. Les collectionneurs ont fait honneur à 25 lots concernant The Compleat Angler (Le Parfait Pêcheur à la ligne), un classique britannique initialement paru en 1653 ; une édition londonienne de l’ouvrage de 1760, estimée au mieux à 300 €, a été emportée à 494 € (lot 7). Six lots se rapportant à Jean de La Fontaine ont aussi intéressé les amateurs ; une édition de ses Contes et nouvelles en vers (1762) a ainsi dépassé sa meilleure estimation (1 200 €) pour se fixer à 2 340 € (lot 114). Plusieurs œuvres illustrées par Gustave Doré ont trouvé acquéreur : L’Enfer de Dante (1861), dans une reliure mosaïquée de Charles Magnier, a été adjugé 1 560 € – le double du montant espéré (lot 87) –, tandis que les Contes de Perrault (1862) quintuplaient leur estimation en atteignant 7 020 € (lot 91). L’artiste et bibliophile François-Louis Schmied était bien représenté, avec le Livre de la jungle, accompagné du Second Livre de la jungle de Kipling (1918-1919) dont il avait gravé les dessins, signés Paul Jouve. Ce volume très recherché, orné d’une reliure au large décor de Georges Cretté, a réalisé une performance spectaculaire, depuis 3 000 €, l’estimation basse, jusqu’à 19 500 € (lot 191). La luxueuse édition de L’Odyssée conçue par Schmied (1930-1933) a été enlevée pour 11 842 €, cette fois en cohérence avec son estimation (lot 188). Les aventures de Pantagruel mises en images par André Derain (1943) ont obtenu un résultat identique, mais un peu au-dessus de la meilleure estimation (lot 210). Enfin, une édition illustrée de Suzanne et le Pacifique de Jean Giraudoux, sorte de Robinson Crusoé au féminin (1958), parée d’une reliure irradiante de Paul Bonet, a triplé son estimation pour atteindre 11 579 € (lot 186). L’enchère la plus haute a été émise pour un livre d’heures à l’usage de Rome (vers 1510-1520). Le manuscrit enluminé, très certainement copié et peint à Lyon par le « Maître des Entrées de François Ier » selon le catalogue, pourvu d’une reliure du XVIIe siècle, était attendu entre 15 000 et 20 000 € : il a culminé à 31 850 € (lot 1).

Peau-Brune. De Saint-Nazaire à La Ciotat, François-Louis Schmied (1931), relié par Louise Marot-Rodde, estimé entre 2 500 et 3 000 €. Adjugé 19 240 € (lot 215). Vente Libert et Associés du 15 mai 2025. Expert : Emmanuel de Broglie. © Libert & Associés
Affiches, livres et papiers de collection chez Delon-Hoebanx
180 lots ont été vendus lors de cette séance où se côtoyaient des cartes postales, des plans, des lettres autographes, des livres anciens et modernes. Les adjudications se sont échelonnées entre 13 € – pour une publicité du XXe siècle – et 5 720 € – pour un plan aquarellé de la ville colombienne de Carthagène des Indes (XVIIIe siècle), estimé entre 800 et 1 200 € (lot 127). Pour 390 €, on pouvait se procurer un almanach royal (1767) dans une reliure de l’époque en maroquin vieux rouge (lot 21). Pour presque dix fois plus (3 640 €), on ajoutait à sa collection cinq numéros de Falbalas et fanfreluches. Almanach des modes présentes, passées et futures (1922-1926). Cette publication de style Art déco accueillant les signatures d’Anna de Noailles et de Colette, agrémentée d’aquarelles de George Barbier, « reflète l’élégance et le goût de l’époque » selon les experts, Gäelle Cambon et Antoine Cahen. Le lot était estimé entre 2 000 et 3 000 € (lot 88). Une « Proclamation du roi pour la liberté du Commerce de l’Inde, au-delà du Cap de Bonne-Espérance » (1790), privant la Compagnie des Indes orientales de son monopole, a fait le bonheur d’un collectionneur pour 364 €, son estimation basse (lot 134). Parmi les documents administratifs, on pouvait encore mettre la main sur des lettres patentes du roi (1790) portant « que les Juifs connus en France sous le nom de Juifs Portugais, Espagnols et Avignonois, y jouiront des Droits de Citoyens actifs ». Cette « rare affiche de texte de l’époque », attendue entre 300 et 400 €, a grimpé jusqu’à 1 430 € (lot 136), tandis qu’il fallait débourser 2 470 € pour feuilleter un atlas de J.-B. Bourguignon d’Anville, premier géographe du roi (XVIIIe siècle), qui avait été estimé au mieux à 1 500 € (lot 22).

Falbalas et Fanfreluches. Almanach des modes présentes, passées et futures, illustrations de George Barbier (1922–1926), estimé entre 2 000 et 3 000 €. Adjugé : 3 640 € (lot 88). Vente Delon-Hoebanx du 21 mai 2025. Experts : Gäelle Cambon et Antoine Cahen. © Delon-Hoebanx
Dispersion des livres de Pierre Brossette chez Christie’s
Les acheteurs internationaux étaient au rendez-vous de cette vente de trésors de la bibliophilie ; le catalogue comprenait près de 150 lots, dont de nombreuses pièces très rares. Près de la moitié des ouvrages ont dépassé leur estimation haute, une vingtaine étant adjugés au-delà de 100 000 €. Quatre lots se sont envolés au-dessus des 300 000 €. Le premier, les Fables de La Fontaine illustrées par Jean-Baptiste Oudry, magnifiquement coloriées à la main, a culminé à 378 000 € : les volumes reliés aux armes de Maria Feodorovna, impératrice de Russie, ont plus que doublé l’estimation basse (lot 23). Le deuxième lot, Jazz de Matisse, joyau parmi les livres d’artiste du XXe siècle, revêtu d’une reliure somptueuse de Rose Adler (1953), a été emporté pour 327 600 € (lot 124). Il était espéré à 300 000 €. Les deux autres lots de ce quatuor de tête sont des livres sublimés par une reliure photographique de Paul Bonet. L’ouvrage d’André Breton L’Immaculée Conception, rehaussé d’une eau-forte originale de Dalí (1930), a enflammé les enchères pour terminer à 365 400 €, le triple de son estimation basse (lot 104), tandis que Nadja, du même auteur (1928), a atteint 352 800 €. Cet exemplaire du chef-d’œuvre du surréalisme, en tous points exceptionnel, enrichi de manuscrits, était attendu à 180 000 € (lot 103). 18 autres reliures de Paul Bonet ont comblé des collectionneurs. Citons L’Air de l’eau toujours de Breton, vendu 189 000 € (lot 106), et L’Amour, la poésie de Paul Éluard (1929) dans l’exemplaire personnel du relieur, adjugé 151 200 € (lot 112), mais aussi le Manifeste du Surréalisme parti à 56 700 € (lot 102). Pour le XIXe siècle, un rarissime exemplaire de l’édition originale du Comte de Monte-Cristo de Dumas avec l’ensemble des titres à la date de 1845, estimé entre 100 000 et 150 000 €, était emporté pour 252 000 € (lot 57). Le volume de Madame Bovary. Mœurs de province (1857) dédicacé par Flaubert au maître et idole de sa jeunesse – « À Mr Alexandre Dumas, hommage d’un inconnu » –, a grimpé jusqu’à 214 200 €, le double de son estimation (lot 60). Quant à l’exemplaire de L’Éducation sentimentale (1870) que Flaubert adressa à George Sand, il a obtenu 151 200 €, plus de deux fois son estimation basse (lot 62). 176 400 €, c’est la somme qu’il fallait débourser pour posséder l’original des œuvres complètes de Balzac en 20 volumes (publiés entre 1842 et 1858), dont neuf avec un envoi de l’écrivain à sa mère, soit plus du double de l’estimation basse (lot 44). Le même montant était atteint pour « le plus bel exemplaire connu » de l’Émile ou De l’éducation de Rousseau (1762) selon l’expert, Adrien Legendre (lot 36). Enfin, parmi d’autres perles rares, était proposé un exemplaire de l’original du Voyage de La Pérouse (1797) aux armes du duc de Saxe-Teschen, célèbre bibliophile. Les quatre volumes, auxquels était joint un atlas en grand format, se sont élevés à 88 600 €, bien au-delà des 60 000 € espérés (lot 26).

Fables choisies mises en vers, Jean de La Fontaine, illustré par Jean-Baptiste Oudry (1755-1759), estimé entre 150 000 et 200 000 €. Adjugé : 378 000 € (lot 23). Vente Christie’s du 22 mai 2025. Expert : Adrien Legendre. © Christie’s Images Limited 2025
Belles reliures, livres illustrés et titres de la maison d’éditions La Délirante chez Alde
Les pièces de bibliophilie foisonnaient au catalogue de cette vente avoisinant les 400 lots. Une édition originale de L’Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar (1968), dans une reliure en box gris à décor de cuir noir d’Alain Devauchelle (1992), a créé la surprise : attendue à 8 000 €, elle a été achetée 28 750 € (lot 115). Parmi d’autres reliures remarquables, citons celle d’Alain Lobstein, décorée d’une mosaïque de formes ovoïdes irisées, pour Une saison en enfer de Rimbaud acquise 3 750 €, au-dessus du montant espéré (lot 46). Ou encore une production d’Henri Creuzevault au décor estampé de motifs de fougères sur maroquin ivoire sur un ouvrage d’Edmond Pillon (1944) emporté pour 3 000 €, le triple de son estimation (lot 93). Une reliure de Rose Adler en box noir traversé de lignes diagonales en maroquin blanc habillait Le Pavillon des délices regrettés d’Yves Gandon dans une édition illustrée (1946), parvenue à 16 250 €, soit quatre fois le montant attendu (lot 97). Une réalisation de Georges Cretté en maroquin havane avec des incrustations de nacre (1902) embellissait une édition d’À rebours de Huysmans pour laquelle les enchères sont montées jusqu’à 25 000 €, cinq fois plus que prévu (lot 20). Les collectionneurs se sont également disputé sept ouvrages reliés par Marius Michel, dont une édition illustrée de Zadig ou la Destinée de Voltaire (1893) estimée à 2 000 € et partie à 10 000 € (lot 5). Parmi les ouvrages illustrés toujours, Histoires naturelles de Jules Renard accompagné de lithographies de Toulouse-Lautrec (1899) a été cédé pour 12 500 € (lot 149), tandis qu’un exemplaire numéroté de Florilège des Amours de Ronsard embelli par Matisse (1948) a doublé son estimation pour culminer à 22 500 € (lot 168). Les amoureux de la poésie pouvaient encore entrer en possession d’ouvrages précieux des éditions La Délirante, notamment un exemplaire des œuvres de Sappho augmentées d’eaux-fortes de Paolo Vallorz (1989) vendu 563 € (lot 226) ; ou Byzance et autres poèmes de Yeats orné de gravures d’Olivier O. Olivier (1990), enlevé à 688 €, au-dessus de la fourchette haute (lot 228). Une dizaine de lithographies de Sam Szafran ont aussi intéressé les amateurs, en particulier une épreuve en couleurs représentant l’imprimerie Bellini (1975). Attendu au mieux à 1 200 €, le tirage a atteint 2 313 € (lot 257). Le lot le plus convoité de la séance reste une édition originale du roman David Golder d’Irène Némirovsky (1929) qui a culminé à 32 500 €, six fois plus que prévu. Le volume, accompagné d’un texte autographe signé, était habillé d’une reliure très raffinée de Paul Bonet (lot 66).

Colette, La Retraite sentimentale (1907), Paris, Mercure de France, édition originale reliée par Pierre-Lucien Martin en 1956, estimé entre 800 et 1 000 €, adjugé 7500 € (lot 27). Vente Alde du 27 mai 2025. Expert : Librairie Giraud-Badin. © Alde
Florilège d’estampes anciennes et modernes chez Ader
Des artistes illustres ont émaillé le cours de cette vente : Piranèse, Vallotton, Mucha, Maurice Denis, Pierre Bonnard ou encore Toulouse-Lautrec. Notons qu’une quinzaine de lithographies de Georges de Feure et 23 d’Henri Rivière, et vingt estampes de Henri Guérard ont également trouvé preneur à cette occasion. La Tentation de saint Antoine de Pieter Bruegel l’Ancien (1556) a emballé les enchères dès le début. La gravure, « la première à faire apparaître Bruegel comme un second Bosch », précise le catalogue, a multiplié par cinq sa valeur avec une adjudication de 41 600 € (lot 5). Pour beaucoup moins (1 560 €), l’amateur pouvait emporter un tirage de 1973 de quatre estampes de Goya (lot 39), et pour 234 €, il avait la possibilité d’ajouter à sa collection une épreuve de Jeune tigre jouant avec sa mère de Delacroix (lot 42). Ces prix étant compris dans la fourchette d’estimation. Parmi les plus belles enchères, signalons une estampe de Zao Wou-Ki (1949) qui est montée à 10 530 €, soit dix fois l’estimation basse (lot 361). Une performance semblable a été réalisée par une lithographie couleurs de Chagall, Le Cantique des cantiques (1975), qui a atteint 10 400 € (lot 366). On pouvait accrocher chez soi la célèbre image de Théophile Alexandre Steinlen La Très Illustre Compagnie du Chat Noir (1896) contre 5 460 €, une somme dépassant la tranche haute de l’estimation, 4 000 € (lot 309). Il fallait débourser davantage (7 800 €) pour emporter une affiche de Grandville sur la parution de son chef-d’œuvre, Un autre monde (1844) : presque huit fois sa meilleure estimation (lot 143). Il en coûtait la même somme pour une zincographie d’Émile Bernard, Bretonnes nourrissant les cochons (1889), attendue au mieux à 5 000 € (lot 53). Enfin, les prix des eaux-fortes de Picasso se sont échelonnés entre 260 € pour une épreuve biffée (1906) (lot 243), et 27 300 € pour une autre, intacte, de Garçon et dormeuse à la chandelle (1934), espérée autour de 25 000 € (lot 255).

La Tentation de saint Antoine, d’après Bruegel l’Ancien, gravé par P. van der Heyden (XVIe siècle), estimé entre 6 000 et 8 000 €. Adjugé : 41 600 € (lot 5). Vente Ader du 28 mai 2025. Expert : Hélène Bonafous-Murat. © Ader





