Le monde gravé de Lise Follier-Morales à Nogent-le-Rotrou

La Tête dans les nuages (détail), linogravure couleur à planche perdue (7 passages), 2017. © Lise Follier-Morales
Le château des comtes du Perche de Nogent-le-Rotrou propose une rétrospective en 120 œuvres, pour la plupart gravées, de Lise Follier-Morales. Un aperçu très convaincant du monde chatoyant et vibrant de cette artiste qui excelle dans de nombreuses techniques.
Coloriste hors pair, mais aussi virtuose des ombres en noir et blanc et de la transparence, adepte de toutes les expérimentations, Lise Follier-Morales crée depuis plusieurs dizaines d’années un monde à son image, lumineux et inventif. Avec ses plaques, ses gouges, ses rouleaux et ses encres, sans oublier pastel et gouaches, elle nous emmène non seulement dans un voyage autour du monde, de sa Corée natale à Paris en passant par le Japon, pays qu’elle affectionne particulièrement, mais également à la découverte de ses itinéraires artistiques. C’est le titre donné à cette belle rétrospective par l’équipe municipale de Nogent-le-Rotrou – ville où l’artiste a passé son adolescence –, Jérémie Crabbe, le maire, Catherine Catesson, la première adjointe chargée de la culture, et Gwenaëlle Hamelin, directrice du musée de l’Histoire du Perche et commissaire de l’exposition. Le choix des œuvres a dû être délicat tant les chemins de création de la graveuse, qui est aussi peintre, céramiste et sculptrice, sont riches et variés.

À la tombée du jour, le son d’une trompette, linogravure couleur à planche perdue (11 passages), 2024. © Lise Follier-Morales
Créer, inventer, transformer, produire
Burin, eau-forte, pointe sèche, aquatinte, gravure sur carton, sur tampon, carborundum, dominographie, linogravure : la multiplicité des techniques pratiquées par l’artiste pourrait avoir le charme des inventaires à la Prévert si elle ne recouvrait une pratique extrêmement rigoureuse et maîtrisée. Car, à chaque fois qu’elle s’empare d’un nouveau procédé, elle y apporte toute son énergie et sa dextérité pour le mettre au service de son art. Les papiers dominotés, qu’elle découvre en 2010 à travers son métier de restauratrice de documents graphiques à la BnF, la passionnent tant qu’elle conçoit une méthode d’impression sur rouleaux, préalablement gravés par ses soins, qu’elle nomme la dominographie. Cette technique a donné des ailes à son imagination : jeux de couleurs et de formes confinant à l’abstraction, répétition de motifs célèbres se faisant écho comme La Vague d’Hokusai ou Le Déjeuner sur l’herbe de Manet, somptueux kimonos coréens… Il en sera de même, mais sur un autre registre, avec la linogravure à planche perdue à laquelle elle s’essaie au même moment que la dominographie, et dont elle devient bientôt une véritable virtuose ainsi que le prouve sa série intitulée « Variations sur la transparence ». Et comme tout lui est source d’inspiration, elle se saisit des rapprochements et des combinaisons inattendues pour faire ce qu’elle a toujours fait : créer, inventer, transformer, produire. On voit ainsi des motifs se répéter sur une linogravure à planche perdue (Façades lumineuses et À Kawajuchiko) ou bien sur une estampe au tampon, comme dans L’Envol des papillons jaunes où les lépidoptères s’élèvent avec une grâce arachnéenne pour se détacher du fond sombre du papier.

La Tête dans les nuages, linogravure couleur à planche perdue (7 passages), 2017. © Lise Follier-Morales
Une esthétique flamboyante
À travers cette diversité de thèmes et de procédés, on peut discerner plusieurs fils rouges, à commencer par le goût pour les lointains. L’Asie, avec ses personnages, ses villes et ses paysages, apparaît comme un univers inaccessible qui aimante son œuvre, à l’image de ce mont Fuji représenté dans tous ses états : dans les nuages, enneigé, sous un ciel bleu ou gris. Lise Follier-Morales semble également attirée par ce qui est fragile, qu’il s’agisse de fleurs, de fruits, d’animaux, d’une carafe à la transparence diaphane, ou gracile comme ses cheminées ajourées et fuselées s’élevant vers le ciel. L’artiste entretient avec toutes ces créatures et ces objets qu’elle transforme en personnages des relations d’empathie. Grâce à son talent, et à une grande maîtrise des techniques mise au service d’une esthétique flamboyante et libre, elle réussit à leur redonner vie.
« Lise Follier-Morales. Itinéraires 1982-2024 », jusqu’au 21 septembre 2025, château des comtes du Perche, musée de l’Histoire du Perche, 28280 Nogent-le-Rotrou. Tél. : 02 37 52 18 02. Catalogue.





