Nos itinéraires de l’été 2025 (17/17). Un Picasso intime au fil de la Méditerranée

Pablo Picasso (1881-1973), Toros en Vallauris (détail), 1954. Linogravure, 75,8 x 59,5 cm. Paris, musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, 1979. Photo service de presse. © Succession Picasso 2025 © Grand Palais-RMN
La France, l’Espagne et l’Italie nous entraînent cet été sur la piste d’un Pablo Picasso plus humble que celui que l’on connaît généralement. À Saint-Rémy-de-Provence se dévoile ainsi sa fragilité, tandis qu’à Barcelone, sa fille Paloma raconte son enfance et celle de son frère près de lui. À Naples, Jesolo et Vallauris, ses estampes, affiches et céramiques démontrent que, pour lui, il n’y avait pas d’art mineur. Une plongée dans son intimité qui se conclut à Perpignan, où se révèle une communauté esthétique inattendue avec Aristide Maillol.
SAINT-RÉMY-DE-PROVENCE | Les histoires d’amour du toro
Auteure de Picasso. La femme et le toro (éd. Georges Naef, 2023), Annie Maïllis s’attache au regard porté par Picasso sur la figure mythique du taureau. Selon elle, l’Espagnol voyait dans la corrida une histoire d’amour et de mort. Il se reconnaissait dans le toro, métaphore du Pablo amoureux, à la fois puissant et victime. Dans ce drame intime, le cheval du picador représente la compagne éconduite harcelant l’artiste et sa nouvelle conquête, parfois figurée en Europe enlevée par Zeus. Ainsi, dans Corrida : la mort de la femme torero, le titre est trompeur. Il s’agit en réalité du taureau Picasso qui va mourir, emportant sur son dos Marie-Thérèse Walter inconsciente et entravée par une Olga Picasso elle-même agonisante. Cette assimilation au taureau a fonctionné jusqu’à l’entrée dans la vie du peintre de Françoise Gilot, aficionada et cavalière émérite, que l’on retrouve dans plusieurs des photographies exposées. En contrepoint, des œuvres d’artistes contemporains bousculent les codes du couple femme-taureau.

Pablo Picasso (1881-1973), Corrida : la mort de la femme torero, Boisgeloup, 06 septembre 1933. Huile et crayon sur bois, 21,7 x 27 cm. Paris, musée national Picasso-Paris, dation Pablo Picasso, 1979. Photo service de presse. © Succession Picasso 2025 © Grand Palais-RMN / Mathieu Rabeau
« Éros dans l’arène de Picasso », jusqu’au 21 septembre au musée Estrine, place Philippe Latourelle, 13210 Saint-Rémy-de-Provence. Tél. 04 90 92 34 72. www.musee-estrine.fr
Catalogue, Lienart, 103 p. 23 €.
NAPLES | Un génie aux multiples talents
Loin des toiles monumentales du maître, ce sont quelques œuvres uniques sur papier et surtout des estampes, illustrations et céramiques qu’admireront les visiteurs dans le beau cadre de la basilique de la Pietrasanta. Voulant montrer « le vrai Picasso », les commissaires, Joan Abelló et Stefano Oliviero, y rappellent qu’il est venu en Italie en 1917 rencontrer Serge de Diaghilev, le chorégraphe du ballet Parade pour lequel il devait créer décors et costumes. À cette occasion, il a visité Naples et Pompéi. C’est une autre collaboration avec le Russe qui est présentée ici à travers l’ensemble de trente-deux phototypes et une estampe reproduisant les costumes et le décor du ballet Le Tricorne (1919), édité par Paul Rosenberg en 1920. Parmi les autres illustrations, on trouve les aquatintes illustrant le recueil Sable mouvant de Pierre Reverdy, publié par Louis Broder en 1966. Le parcours se termine par des photographies du peintre et de son entourage prises par André Villers et Edward Quinn.

Pablo Picasso (1881-1973), Olga, 1919. Crayon, encre, aquarelle et gouache sur papier, 14,5 x 9 cm. Collection privée. Photo service de presse. © Succession Picasso 2025
« Picasso. Le langage des idées », jusqu’au 28 septembre 2025 à la basilique de Santa Maria Maggiore alla Pietrasanta, piazzetta Pietrasanta, 80138 Naples, Italie. Tél. 00 39 81 1923 0565. www.polopietrasanta.it
Catalogue, ArtBookWeb, 146 p., 30 €.
VALLAURIS | Picasso démultiplié
Si Picasso a toujours été favorable à la reproduction de ses œuvres, c’est à Vallauris qu’il affirme vouloir mettre son art à la portée de tous grâce aux multiples. Installé dans la ville ouvrière depuis 1947, il se consacre désormais à l’estampe et à la céramique. Au musée Magnelli, la section de l’exposition portant sur sa collaboration avec l’atelier de potiers Madoura présente les différentes techniques de l’empreinte originale et de la réplique authentique, permettant au visiteur de comprendre la grande valeur d’une céramique siglée « Madoura. Édition Picasso ». L’artiste, qui concevait également les affiches des expositions de poterie de Vallauris, s’est tourné vers la linogravure qu’il pouvait tirer sur place. L’intégralité de cette série est présentée dans une partie consacrée aux affiches, ainsi que les placards des corridas de Vallauris et les affiches politiques. Une belle initiation au multiple et à un aspect souvent ignoré de la créativité du maître.

Pablo Picasso (1881-1973), Tripode, 1951. Grand vase tourné, terre de faïence blanche, décor aux oxydes, gravé sur émail blanc, 75,5 x 23 cm. Tiré à 75 exemplaires numérotés, exemplaire 43/75. Madoura, édition Picasso, réplique authentique, AR 125. Collection musée Magnelli, musée de la céramique. Photo service de presse. © Succession Picasso 2025 © Photo François Fernandez
« Picasso x Picasso. L’art du multiple », jusqu’au 29 septembre 2025 au musée Magnelli, musée de la céramique, place de la Libération, 06220 Vallauris. Tél. 04 93 64 71 83. www.vallauris-golfe-juan.fr
Catalogue « Picasso céramique. Techniques du multiple », Silvana Editoriale, 128 p., 28 €.
Catalogue « Pablo Picasso – Ses affiches. Collection Werner Röthlisberger », éd. KBH.G 2023, 175 p., 38 €.
JESOLO | Femmes inspirantes et artistes inspirées
Le musée de la ville touristique de Jesolo, lovée au fond de la lagune de Venise, joue la carte locale de terre d’élection des amoureux en explorant les relations de Picasso avec ses différentes compagnes. Elles ont inspiré une grande partie de son travail. L’époque de Fernande Olivier a fait naître les pointes sèches des Saltimbanques (1907) et celle de Jacqueline Roque les aquatintes illustrant La Tauromaquia (1957). Juste retour des choses, l’exposition présente aussi des œuvres de Dora Maar et de Françoise Gilot. Les photographies de Robert Capa documentent les années heureuses avec cette dernière, la seule femme qui ait quitté l’artiste. C’est pourtant elle qu’il a sans doute représentée plus tard à cheval dans les illustrations du livre Toros y Toreros (1961) de Luis Miguel Dominguin et Georges Boudaille.

Pablo Picasso (1881-1973). Série “Toros y Toreros”, Planche 10, La Cavalière II (1961). Lithographie, 37 x 27 cm. Photo service de presse. © Succession Picasso 2025
« Aimer Picasso : muses, amantes, artistes », jusqu’au 12 octobre 2025 au JMuseo, 7 via Aldo Policek, 30016 Jesolo. Tél. 00 39 4 18627 167. www.jmuseo.it
BARCELONE | Les souvenirs d’enfance de Paloma
Organisée par Paloma Picasso avec des prêts de toute la famille, l’exposition « Grandir entre deux artistes », en hommage à son frère Claude Ruiz-Picasso, décédé il y a deux ans, constitue une évocation de leur enfance auprès de leurs parents, Pablo Picasso et Françoise Gilot. Nés en mai 1947 et avril 1949, Claude et Paloma ont vécu à Vallauris jusqu’à ce que leur mère, qui partageait la vie de l’artiste depuis 1943, le quitte en 1953. La sculpture La Guenon et son petit (1951) et nombre d’autres œuvres montrées ici lui ont été inspirées par sa famille. L’exposition comprend aussi des témoignages du quotidien, comme des jouets fabriqués par Picasso et des photographies. Un ensemble de peintures de Françoise Gilot représentant ses enfants est à cette occasion présenté pour la première fois en Espagne.

Pablo Picasso (1881-1973). Quatre profils en ombres chinoises, 7 septembre 1952. Lavis d’encre de Chine sur papier, 65,5 x 50,5 cm. Collection particulière. Photo service de copresse. © Succession Picasso 2025. © Photographie Sandra Pointet
« Grandir entre deux artistes. Hommage à Claude Picasso », jusqu’au 26 octobre 2025 au musée Picasso, 15-23 carrer de Montcada, Ciutat Vella, 08003 Barcelone. Tél. 00 34 93 256 30 00. www.museupicassobcn.cat
PERPIGNAN | Quand l’orgueilleux Andalou découvrait Maillol
En 1909, Aristide Maillol (1861-1944) décidait d’offrir à Perpignan la première fonte (1911) de Méditerranée (1905), qui orne toujours le patio de l’Hôtel de Ville. Picasso, qui jusqu’alors méprisait le sculpteur qu’il avait rencontré à deux reprises, s’est intéressé à son travail entre 1953 et 1955, lors de ses séjours à Perpignan. Il logeait chez Jacques et Paule de Lazerme, dans l’hôtel particulier qui accueille désormais le musée. Sa directrice, Pascale Picard, montre qu’on ne peut pas analyser le travail de l’Andalou sans prendre en compte celui du Catalan, qui d’ailleurs appréciait le cubisme picassien. Car ce qui les caractérise, outre les civilisations méditerranéennes dans lesquelles ils puisaient, c’est, écrit-elle dans le catalogue, leur « point de convergence formel autour du “carré parfait”. » Dans l’exposition, qui met en lumière leurs affinités esthétiques, s’ouvrent des perspectives fulgurantes. Si certaines œuvres sont célèbres, d’autres sont à découvrir, tel Collier au taureau sur chaîne articulée (avant octobre 1953), offert à Paule, une sculpture d’or présentée pour la première fois au public et qui restera trois ans en dépôt au musée.

À GAUCHE : Aristide Maillol (1861-1944), Méditerranée, 1905. Plâtre de fonderie, 111 x 80 x 116 cm. Paris, collection particulière, courtesy galerie Dina Vierny ; À DROITE : Pablo Picasso (1881-1973), Femmes devant la mer, 16 février 1956. Huile sur toile, 195 x 260 cm. Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne-Centre de création industrielle. Photo service de presse. © Succession Picasso 2025 © Ville de Perpignan. Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Photo P. Marchesan
« Maillol-Picasso. Défier l’idéal classique », jusqu’au 31 décembre 2025 au musée d’art Hyacinthe Rigaud, 21 rue Mailly, 66000 Perpignan. Tél. 04 68 66 19 83. www.musee-rigaud.fr
Catalogue, Silvana Editoriale, 280 p., 39 €.
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