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Le prince de Lavau fête ses 10 ans

Travaux de restauration en cours sur le chaudron découvert dans la tombe de Lavau en 2015.

Travaux de restauration en cours sur le chaudron découvert dans la tombe de Lavau en 2015. © Renaud Bernadet, Inrap

Qui était-il ? Depuis l’annonce de sa découverte en 2015 dans l’Aube, le prince celte de Lavau est au cœur d’intenses recherches scientifiques. Dix ans plus tard, où en est-on ? En attendant la grande exposition qui aura lieu début 2026 à Troyes, voici les dernières révélations concernant ce personnage de haut rang du Vsiècle avant notre ère.

C’est grâce au mode de fonctionnement de l’archéologie préventive française que le tumulus du prince de Lavau a pu être découvert par l’Inrap.

L’archéologie préventive, ça marche !

En effet, en amont des travaux d’aménagement prévus sur la ZAC du Moutot, la fouille a fait surgir de terre une immense sépulture, jusqu’alors insoupçonnée. Et c’est grâce aux techniques scientifiques de pointe françaises que ce singulier espace funéraire a pu être étudié sous toutes les coutures, au fil d’un ambitieux programme de recherche mené par l’Inrap, le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et leurs nombreux partenaires – renouvelant en profondeur nos connaissances sur le fameux « phénomène princier » de la fin de l’Âge du fer.

Mise au jour de la tombe de Lavau en 2015.

Mise au jour de la tombe de Lavau en 2015. © Denis Gliksman, Inrap

Un viatique pour les gouverner tous ?

Lors des fouilles de 2015, les premières « révélations » sont venues du mobilier mis au jour : torque et bracelets en or, œnochoé grecque, chaudron en bronze monumental (d’un mètre de diamètre), précieuse vaisselle en argent doré, coutelas dans son fourreau… Très vite, une grande partie est confiée au C2RMF pour travaux de conservation, de restauration et d’analyses scientifiques. Ainsi, les 68 fragments (!) de la bouteille cannelée ont été remontés, restituant à cette céramique son élégante silhouette élancée. Ces recherches avaient aussi pour but de préciser la nature des matériaux (le fourreau du couteau appartient à du cuir de bovin) et leur provenance (les argiles de la bouteille cannelée sont relativement locales), le mode d’assemblage et de fabrication des objets (du brai de bouleau a été utilisé comme adhésif sur le pied de l’œnochoé) ou encore de percevoir les traces d’outils et d’usure (les bracelets ont sans doute été portés quotidiennement et pendant des décennies, mais le torque beaucoup moins)… Le contenu des récipients a été investigué : une boisson fermentée à base de raisin noir se trouvait notamment dans la bouteille cannelée. Outre leur intérêt propre, ces différentes informations aident à mieux cerner la nature du bagage funéraire qui accompagnait le défunt dans l’au-delà. L’œnochoé, production grecque par excellence figurant sur la panse Dionysos banquetant, demeure rare chez les Celtes, et elle a ici été embellie par un décor en or et en argent de motifs et divinités autochtones. Cette même mixité culturelle se retrouve sur le chaudron : issu d’ateliers grecs ou étrusques, il était uniquement destiné à l’exportation vers le monde celtique et son décor mêle de très belles têtes du dieu-fleuve Achéloos et de félins, dans une combinaison typique à l’art de cette culture. Les exemples de cette hybridation pourraient se multiplier à l’envi, offrant en creux le portrait de celui à qui tous ces objets étaient destinés…

« Le chaudron, issu d’ateliers grecs ou étrusques, était uniquement destiné à l’exportation vers le monde celtique et son décor mêle de très belles têtes du dieu-fleuve Achéloos et de félins, dans une combinaison typique à l’art de cette culture. Les exemples de cette hybridation pourraient se multiplier à l’envi, offrant en creux le portrait de celui à qui tous ces objets étaient destinés. »

Le dernier discours d’un roi ?

Pour sûr, le défunt a choisi d’implanter sa tombe au sein d’un territoire qu’il devait dominer politiquement (comme à Vix ?). Enterré au centre d’un tumulus de 40 m de diamètre, dans une grande chambre de 14 m2, il reposait sur un char à deux roues – comme c’est courant au cours de ces siècles. Et il choisit d’implanter son complexe funéraire sur un site où se trouvent déjà une nécropole de l’Âge du bronze (XIIe siècle avant notre ère) et des tombes du premier Âge du fer (deux individus richement parés). S’agit-il pour lui de se placer dans la continuité d’une légitimé dynastique auprès de glorieux ancêtres historiques ? Décédé au milieu du Ve siècle avant notre ère, notre « prince » était âgé d’une trentaine d’années lors de son trépas (étude cémentochronologique d’une dent) ; il semble avoir grandi et évolué dans un milieu très favorisé : l’état de sa dentition est exceptionnel. En revanche, une possible chute de char ou de cheval lui a causé une fracture de la clavicule qui a mal été consolidée. Selon les dernières analyses, il n’aurait pas de lien de parenté biologique avec la princesse de Vix (morte environ deux générations avant lui et dont la célèbre tombe a été découverte en 1953). Au sein de la chambre funéraire, aux murs lambrissés de bois, il reposait, richement paré de ses somptueux bijoux, entouré de ses objets de prestiges, qui tous évoquent la pratique du banquet grec et la manière alors considérée comme civilisée de consommer du vin rouge… Déposé sur une jonchée d’herbes odoriférantes et fongicides (armoise, sauge, absinthe, mélisse), son corps avait été préparé selon l’honneur dû à son rang et les techniques celtes en usage, comprenant notamment une éviscération.

Scanner du crâne du patient « Lavau Prince ».

Scanner du crâne du patient « Lavau Prince ». © V. Delattre

Des funérailles grandioses

L’étude des alentours de la tombe a enfin permis de cerner l’ampleur du lieu : le tumulus était entouré d’un vaste enclos quadrangulaire, d’un portique monumental donnant accès à la tombe par une rampe. Tout porte à croire que les funérailles furent grandioses et constituèrent un événement majeur, rassemblant grand monde et se déroulant sur plusieurs jours. Encore bien des aspects de cette fabuleuse tombe méritent d’être étudiés. Il semblerait que l’écrin funéraire de Lavau n’ai pas encore dit son dernier mot…

Pour aller plus loin
DUBUIS B., 2024, Le complexe funéraire monumental de Lavau, (XIIe s. av. J.-C. – IVe apr. J.-C.), Gallia, 66e Supplément, Paris, CNRS éditions.