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Exposition à Toulouse : la domestication en marche

Bol à cachiri, bière de manioc. Culture Kali’na, Awala-Yalimapo Guyane française, 1990. Muséum de Toulouse.

Bol à cachiri, bière de manioc. Culture Kali’na, Awala-Yalimapo Guyane française, 1990. Muséum de Toulouse. © Daniel Martin, Muséum de Toulouse

« Tout le monde a une idée de ce qu’est la domestication mais personne n’envisage la complexité de ce processus » : c’est ainsi que Valérie Chansigaud, la commissaire scientifique de l’exposition, présente l’événement qui se tient à Toulouse. Et en effet, au fil d’un ­parcours très adapté aux familles, nous comprenons toutes les subtilités de ce phénomène qui touche aussi bien les animaux que les végétaux.

Tout commence il y a plus de 10 000 ans en divers points de la planète.

Homo sapiens prend le contrôle

Ici et là, Homo sapiens décide de prendre le contrôle sur les espèces animales et végétales qui l’entourent et de manipuler leur patrimoine génétique pour les rendre plus dociles, plus rentables, en trois mots pour servir ses intérêts. Bien sûr, la route a été longue, s’étalant sur des centaines d’années avec parfois des essais infructueux et des retours en arrière – à l’état sauvage. Divisée en quatre sections, la visite nous fait ainsi découvrir un monde, le nôtre, qui a progressivement réussi un exploit : inféoder un environnement à des besoins (toujours) croissants.

Faune, flore et dépendance

Si la plus ancienne est sans doute la domestication animale, avec le loup, devenu au cours du temps le chien, les plus récentes sont toujours en cours (notamment dans les domaines des céréales et de l’aquaculture). Mais l’un des aspects les plus fascinants de la domestication est son « universalité » : le chien est ainsi en cours de domestication vers 13000 avant notre ère en Europe, vers 11000 avant notre ère en Sibérie et vers 10000 avant notre ère au Proche-Orient. Par nécessité, hasard et innovation, les domestications s’enchaînent au cours de la révolution néolithique : le riz asiatique vers 10000 avant notre ère, le chat vers 9000 avant notre ère au Proche-Orient, la pomme de terre entre 8000 et 6000 avant notre ère au Pérou, la tomate vers 5000 avant notre ère en Amérique du Sud, la poule il y a 3500 ans en… Thaïlande ! Au fil des migrations et des échanges, les uns adoptent très facilement les espèces domestiquées par d’autres. Transformant irrémédiablement son écosystème, l’humanité modifie les plantes à des fins nourricières, rituelles, utilitaires (pour fabriquer des vêtements ou des objets par exemple), ornementales, médicinales ou d’agrément (rose bleue et cactus lune) et les animaux pour répondre à des nécessités encore une fois alimentaires et rituelles (sacrifice), mais aussi matérielles (la soie, la laine, les os et les cornes), auxiliaires (pour la chasse, le transport, le labour, etc.), voire de compagnie, ou pour des expérimentations et des spectacles (avec souvent un dressage spécifique).

Vase grec (lécythe) figurant Dionysos, entouré de grappes de raisins, VIe‑Ve siècle avant notre ère. Toulouse, musée Saint-Raymond.

Vase grec (lécythe) figurant Dionysos, entouré de grappes de raisins, VIe‑Ve siècle avant notre ère. Toulouse, musée Saint-Raymond. © Materia Viva

Des questions très actuelles

Si on ne sait toujours pas pourquoi tout ce petit monde s’est mis à domestiquer à tour de bras (tant il nous semble plus facile de vivre de ce que la nature offre spontanément…), on mesure assez précisément les conséquences de ce phénomène et ses répercussions sur notre environnement. En posant des questions très actuelles – comment reconnaître une espèce domestiquée ? les humains sont-ils les seuls à domestiquer ? existe-t-il toujours des espèces sauvages ? quel est l’impact des OGM ? l’humanité s’est-elle auto-domestiquée ? quelles sont les conséquences de ce phénomène sur le bien-être et la biodiversité des espèces ?… –, cette exposition ludique et lucide offre un passionnant voyage au cœur de la plus grande aventure de l’humanité…

« Domestique-moi si tu peux », du 17 octobre 2025 au 5 septembre 2026 au Muséum de Toulouse, 35 allées Jules Guesde, 31000 Toulouse. Tél. 05 67 73 84 84 et https://museum.toulouse-metropole.fr
Catalogue, coédition Muséum de Toulouse, Odyssée, 144 p., 24,50 €