Les chefs-d’œuvre d’émail peint de Limoges à la galerie Kugel

Vue de l'exposition "Immarcescible. Les émaux de Limoges de la Renaissance et leurs collectionneurs" à la galerie Kugel. Photo service de presse. © Guillaume Benoit
Cet automne, la galerie Kugel propose de découvrir la production exceptionnelle d’émaux de Limoges d’à travers plus de soixante-dix pièces réalisées entre 1520 et 1620, qui ont su attirer l’œil de collectionneurs avertis comme la famille Rothschild, Hubert de Givenchy, Pierre Bergé ou encore l’Américain J. P. Morgan.
Après un premier succès dû à l’émail champlevé, puis une période de déclin, la ville de Limoges connaît à la fin du XVe siècle un essor spectaculaire grâce au développement d’une nouvelle technique : l’émail peint sur cuivre. Image vitrifiée par une cuisson à haute température, ce dernier offre en effet un gage de solidité dans le temps en donnant naissance à une surface lisse, brillante et inaltérable. Les ateliers produisent aussi bien des pièces à décor religieux que des objets ornés de sujets profanes, reflets de la culture humaniste des hommes de la Renaissance. Aux compositions polychromes des premières années, on privilégie souvent, à partir du second tiers du XVIe siècle, la technique de la grisaille. Malgré le succès rencontré par les émailleurs limousins à la Renaissance, l’identité précise de certains reste encore aujourd’hui un mystère.
Léonard Limosin, roi des émailleurs
Léonard Limosin (vers 1505 – 1575 ou 1577) est sans aucun doute l’émailleur le plus célèbre de son temps. Introduit à la cour de France par Jean de Langeac, évêque de Limoges, il peint des sujets profanes comme des scènes religieuses, à l’image de cette Conversion de saint Paul pleine de fougue. Frappé par l’apparition divine dans les nuées, le futur saint est jeté à bas de son cheval, qui se cabre violemment. Rares sont les émaux peints que l’on peut rattacher avec certitude à un artiste, mais Limosin signe ses pièces du monogramme « ·LL· », que l’on retrouve au bas du médaillon.

Léonard Limosin (vers 1505 – 1575 ou 1577), médaillon figurant la Conversion de saint Paul, monogrammé « ·LL· », vers 1540-1560. Émaux polychromes sur cuivre, D. 14,8 cm. Photo service de presse. © Guillaume Benoit
Le goût pour l’antique
Cette petite plaque attribuée à Pierre Courteys reflète le goût des contemporains pour les sujets tirés de l’Antiquité. Elle représente en effet l’empereur romain Vespasien sur fond bleu, la tête sobrement ceinte d’une couronne de laurier. La composition reprend une gravure de Marcantonio Raimondi et témoigne du succès rencontré à l’époque par les Vies des douze Césars de Suétone (vers 119-122). Cet ouvrage très populaire, qui raconte la vie des douze premiers empereurs romains, de César à Domitien, circule alors largement en Europe et sert de source d’inspiration à de nombreux artistes.

Pierre Courteys (attribué à), plaque figurant l’empereur romain Vespasien, Limoges, vers 1550-1560. Émaux polychromes sur cuivre, rehauts d’or, 16,7 x 16,7 cm. Photo service de presse. © Guillaume Benoit
L’âge d’or de la grisaille
Pierre Reymond (1513-1584) dirige l’un des ateliers les plus réputés de Limoges au XVIe siècle. La scène représentée ici est tirée de L’Âne d’or d’Apulée, un roman du IIe siècle qui constitue une source d’inspiration très appréciée par les artistes de la Renaissance. Il raconte les amours de Cupidon et Psyché. Sur ce plat, on voit Vénus entourée de Néréides et de Tritons, qu’un oiseau vient prévenir des souffrances de son fils, amoureux de la jeune fille. L’émailleur reproduit ici une gravure de Michel Coxie (1499-1592), un procédé fréquent à l’époque.

Pierre Reymond, plat figurant Vénus, Limoges, vers 1570. Émail peint sur cuivre, D. 37,5 cm. Photo service de presse. © Guillaume Benoit
Émail et gravure
Cette coupe attribuée à Jean de Court présente un décor religieux. Sur le couvercle se déploie la Création du monde, tandis que le fond est orné de l’épisode du Déluge. L’ensemble est réalisé en grisaille et seules quelques touches de couleur viennent rehausser les carnations des personnages. Un fond doré souligne également la nature divine du Créateur. Idéale pour copier des gravures, la technique de la grisaille consiste à obtenir une gamme étendue et subtile de gris à partir de la superposition, sur un fond noir, d’un émail blanc que l’on vient gratter avec des outils très fins.

Jean de Court, tazza couverte figurant le Déluge et la Création, Limoges, vers 1570-1580. Émaux polychromes sur cuivre, H. 24,2 cm ; D. 19,5 cm. Photo service de presse. © Guillaume Benoit
Objets de prestige
Cette tazza est une pièce de vaisselle d’apparat, telle qu’on aimait en présenter sur des dressoirs lors d’un repas ou que l’on conservait dans un cabinet de curiosités. Elle est ornée sur le fond d’une procession de dieux et de déesses en émail polychrome, tandis que sur le marli se déploie une alternance de chérubins et de masques au milieu de rinceaux. Ce décor nécessite la superposition de différentes couches d’émail coloré au moyen d’oxydes métalliques, fixées par cuissons successives. On attribue sa réalisation à Jean de Court (vers 1530 – vers 1585), émailleur et portraitiste à la cour de France.

Jean de Court (attribué à), tazza, Limoges, vers 1580. Émaux polychromes sur cuivre, D. 27,5 cm. Photo service de presse. © Guillaume Benoit
« Immarcescible. Les émaux de Limoges de la Renaissance et leurs collectionneurs », jusqu’au 20 décembre 2025 à la galerie Kugel, 25 quai Anatole-France, 75007 Paris. Tél. 01 42 60 86 23. www.galeriekugel.com





