L’Humanité responsable de la taille des animaux ?

© Éric Le Brun
Une étude de longue haleine révèle que la taille des animaux domestiques et sauvages n’est pas liée qu’à des contraintes biologiques ou naturelles mais dépend aussi des actions humaines. Et, triste constat, ce processus s’accélère depuis 1 000 ans.
Sur le globe, les tailles des animaux dépendent de lois biologiques, comme par exemple celles d’Allen et de Bergman, qui régissent les dimensions des corps pour mieux répartir la température et gérer les déperditions de chaleur. En fonction du climat et de la quantité d’oxygène dans l’atmosphère, les espèces peuvent s’agrandir. Au Pléistocène, entre 115 000 et 10 000 ans, ont existé des animaux gigantesques, une mégafaune, qui ont disparu à la suite de changements des conditions climatiques, mais aussi peut-être en raison d’une surchasse par les hommes préhistoriques. Car l’humanité intervient sur la Nature depuis très longtemps.
« la taille des animaux domestiques et sauvages, autrefois corrélée, se sépare depuis le Moyen Âge : les premiers […] grandissent, alors que les seconds […] rapetissent »
Un phénomène qui prend de l’ampleur depuis le Moyen Âge
Au Néolithique, la taille des animaux domestiqués a diminué d’environ 20 % au regard de leurs homologues restés sauvages. Des scientifiques de l’université de Montpellier ont voulu aller plus loin que ces simples constatations. Ils ont analysé une compilation de 3 858 enregistrements de mesures à partir de plus de 225 000 os et dents issus de 311 sites différents, répartis sur la France méditerranéenne et couvrant une période de 8 000 ans. Il en ressort que la taille des animaux domestiques et sauvages, autrefois corrélée, se sépare depuis le Moyen Âge : les premiers (mouton, chèvre, cochon, vache, poule, lapin) grandissent, alors que les seconds (cerf, lièvre, renard) rapetissent : la faute à l’exploitation intensive des uns et à l’augmentation de la chasse et à la fragmentation des habitats des autres. Ce phénomène, qui a encore pris de l’ampleur au XVIIIe siècle, lorsque naissent les programmes agronomiques, s’accélère depuis 1 000 ans, en lien avec l’anthropisation inouïe de l’environnement.
Un avertissement à ne pas ignorer
L’Homme ne modifie pas seulement les paysages mais influence aussi les corps des animaux, se surajoutant à la pression écologique. Il devient donc urgent de prendre conscience de ce phénomène et d’anticiper les changements morphologiques qui risquent encore d’arriver. De fait, la petite taille des espèces sauvages les rendrait davantage vulnérables aux yeux des prédateurs, accentuant l’appauvrissement biologique et la perte de diversité. C’est un nouvel avertissement que nous envoie la Nature ; à nous de le prendre au sérieux.
Pour aller plus loin
MUREAU C. et al., 2025, « 8 000 years of wild and domestic animal body size data reveal long-term synchrony and recent divergence due to intensified human impact », Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A, 122 (36): e2503428122. Doi : 10.1073/pnas.2503428122
STEPANOFF Ch., 2024, Attachements. Enquête sur nos liens au-delà de l’humain, Paris, La Découverte.





