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Troubetzkoy, un prince sculpteur au musée d’Orsay

Paul Troubetzkoy (1866-1938),Jean Bugatti, vers 1930. Plâtre, 29 x 24 x 43 cm. Verbania, Museo del Paesaggio.

Paul Troubetzkoy (1866-1938),Jean Bugatti, vers 1930. Plâtre, 29 x 24 x 43 cm. Verbania, Museo del Paesaggio. Photo service de presse. Photo Francesco Lillo

Le musée d’Orsay fait redécouvrir l’œuvre de Paul Troubetzkoy, tombé dans l’oubli après ses éclatants succès dans le Paris de la Belle Époque. En collaboration avec le Museo del Paesaggio de Verbania qui conserve les fonds de ses ateliers parisien et italien, il retrace son éblouissante carrière internationale de Saint-Pétersbourg à Los Angeles.

« Paul Troubetzkoy est l’un des rares génies dont il est nécessaire de parler avec des superlatifs. Il est le sculpteur le plus extraordinaire des temps modernes », déclarait l’écrivain irlandais George ­Bernard Shaw. Né sur les rives du lac Majeur, Paul ­Troubetzkoy (1866-1938), fils d’un prince russe et d’une cantatrice américaine, connut une gloire internationale grâce à la virtuosité de ses portraits sculptés. De Milan à Moscou, de Paris à Hollywood, il représenta les plus grandes célébrités : Gabriele ­D’Annunzio, ­Enrico Caruso, Giacomo Puccini, Léon ­Tolstoï, Auguste ­Rodin, Anatole France, Robert de Montesquiou, Roland ­Garros, ­Franklin ­Roosevelt, Douglas Fairbanks, Mary Pickford… Ses « portraits-statuettes », prestement modelés, apparaissaient comme la quintessence de l’art moderne. Ses figurines de danseuses ou de personnages du Far West, qui firent l’objet de nombreux tirages en bronze, furent abondamment collectionnées par les amateurs.

Paul ­Troubetzkoy (1866-1938), Indien peau-rouge [Ithúnkasan Glešká ?], 1911 (modèle et fonte). Bronze, 48 x 25 x 25 cm. Collection particulière.

Paul ­Troubetzkoy (1866-1938), Indien peau-rouge [Ithúnkasan Glešká ?], 1911 (modèle et fonte). Bronze, 48 x 25 x 25 cm. Collection particulière. Photo service de presse. Photo Dario Mottola, Scultura Italiana

Un sculpteur impressionniste

« Statues, bustes, statuettes, figurines minuscules, tout cela est pétri avec vivacité, d’un doigt adroit et nerveux, dans un art souple, enveloppé, expressif et vivant », s’enthousiasma Léonce ­Bénédite dans le rapport du jury international de ­l’Exposition universelle de 1900 au sujet des œuvres présentées par ­Troubetzkoy. Sa technique virtuose de ­modeleur, ­procédant par petites touches afin d’accrocher et de faire vibrer la lumière à la surface du bronze, lui valut d’être comparé aux impressionnistes. Dans De ­l’impressionnisme en sculpture publié en 1902, le peintre et sculpteur Jean-François Raffaëlli décrit les œuvres de Troubetzkoy comme « de magnifiques morceaux de sculpture impressionniste, c’est-à-dire de sculpture où la vie prime la forme exacte, où la vue d’ensemble prime le détail, où la composition harmonique est dans l’intensité de l’impression. »

Paul ­Troubetzkoy (1866-1938), Mère et enfant, dit aussi Mère et sa fille ou Maternité ou Groupe d’après nature, 1898. Plâtre, 83 x 104 x 88 cm. Paris, Petit Palais – musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.

Paul ­Troubetzkoy (1866-1938), Mère et enfant, dit aussi Mère et sa fille ou Maternité ou Groupe d’après nature, 1898. Plâtre, 83 x 104 x 88 cm. Paris, Petit Palais – musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Photo service de presse. Photo Paris Musées / Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

Commandes publiques et réalisations intimistes

Une centaine de sculptures, accompagnées de quelques-uns de ses tableaux, montre toute l’étendue de son art, allant de ses projets pour des commandes publiques, comme la statue équestre du tsar Alexandre III et le monument élevé à la mémoire de l’homme politique Carlo Cadorna dans sa ville natale de Pallanza, à des réalisations de veine plus intimiste représentant sa femme Elin, seule ou serrant leur fils dans ses bras. Troubetzkoy fut en effet très admiré pour ses représentations de maternité, dont Princesse Gagarine et sa fille ou encore Mère et enfant. Il se plut également à sculpter des groupes mettant en scène des enfants en compagnie de leurs chiens. Consacrée aux sculptures animalières, la dernière section de l’exposition est centrée sur la représentation grandeur nature d’un agneau intitulée Comment pouvez-vous me manger ?. Ce vibrant manifeste de Troubetzkoy en faveur du végétarisme exprime tout l’engagement de ce fervent défenseur de la cause animale.

Paul ­Troubetzkoy (1866-1938), Comment pouvez-vous me manger ?, dit aussi Agneau, 1912 (modèle et fonte). Bronze, 55,9 x 44,5 x 25,4 cm. Detroit Institute of Arts, don de l’artiste.

Paul ­Troubetzkoy (1866-1938), Comment pouvez-vous me manger ?, dit aussi Agneau, 1912 (modèle et fonte). Bronze, 55,9 x 44,5 x 25,4 cm. Detroit Institute of Arts, don de l’artiste. Photo service de presse. Photo Detroit Institute of Arts

« Paul Troubetzkoy sculpteur (1866-1938) », jusqu’au 11 janvier 2026 au musée d’Orsay, esplanade Valéry Giscard d’Estaing, 75007 Paris. Tél. 01 40 49 48 14. www.musee-orsay.fr

Catalogue, coédition musée d’Orsay / Officina Libraria, 192 p., 39 €.