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Novembre 2025 : les livres à ne pas manquer pour les amateurs d’archéologie

Les cariatides de l'Acropole d'Athènes.

Les cariatides de l'Acropole d'Athènes. © Cyril Papot / stock.adobe.com

Au programme des découvertes de ce mois de novembre : les dix siècles du Moyen Âge européen, la civilisation nabatéenne, une promenade dans la grotte de Cussac, une journée au Tardiglaciaire, Jules César, des bouquetins ainsi que des papiers découpés. 

La guerre dans tous ses états

Quelle est l’origine de la guerre ? Nous a-t-elle été léguée par le Néolithique ou provient-elle de notre part animale, et sommes-nous condamnés à la voir réapparaître ? Questions vertigineuses que l’auteur embrasse ici avec rigueur et méthode. Dans la lignée d’Alain Testart, il commence par redéfinir les données du problème. Il démontre d’abord que « la guerre ne constitue qu’une forme particulière du vaste ensemble des confrontations collectives » et que les sociétés de chasseurs-cueilleurs sans État constitué n’étaient pas particulièrement pacifiques. Le lecteur est mortifié de découvrir les mille et une façons inventées par les humains pour prendre la vie de leur prochain… L’auteur aborde ensuite les origines de la guerre et démontre sa profonde ancienneté – sans qu’il soit possible d’en estimer la fréquence ou la proportion des sociétés affectées. Enfin, il revient sur les motifs de ces conflits – bien moins évidents que pensé. Pessimiste, sa conclusion offre malgré tout des pistes pour arriver, un jour, à une paix mondiale… R. P.-L.

Casus belli. La guerre avant l’État, 2025, Christophe Darmangeat, Paris, éditions La Découverte, collection « Sciences sociales du vivant », 384 p., 23 €

L’Europe au Moyen Âge

Deuxième volet d’un quadriptyque, ce volume est dédié à la construction de l’Europe au cours des dix siècles du Moyen Âge. Comment, quand, pourquoi, sur quel socle partagé s’est construite la conscience d’appartenir à une même culture ? Les réponses sont difficiles à donner tant la chronologie est vaste et l’espace géographique mouvementé. Mais ce dense ouvrage, richement illustré, tente, avec subtilité, d’ouvrir des perspectives. Puisant leurs racines aussi bien dans l’Antiquité romaine que dans leurs cultures régionales propres, les royaumes médiévaux se sont ainsi construits progressivement, en forgeant grâce à des dénominateurs communs (le christianisme triomphant en premier lieu) une histoire partagée. Ces pages sont aussi l’occasion de nous offrir un panorama synthétique, et inédit, de ce passionnant Moyen Âge européen. É. F.

Histoire de l’Europe, tome II, La naissance de l’Europe ? Ve‑XVe siècle, 2025, Xavier Hélary (dir.), Paul Bertrand et Sylvie Joye, Paris, Passés/Composés, 591 p., 42 €

César en bulles

Pour la première fois, l’intégralité de la vie de César est abordée en bande dessinée. Grand reporter, l’auteur a puisé dans les sources antiques (notamment Suétone et Tite-Live), enquêté, beaucoup lu pour nous offrir un album très érudit. Remarquablement écrit, il balaie l’ensemble de la vie du grand homme, de ses origines déclassées à sa rapide ascension, et sa carrière de chef de guerre, en passant par ses tourments et rêves de gloire. Amis, ennemis, amants et maîtresses sont, bien sûr, présents à ses côtés. Son ambition est à l’image de l’époque. Sans pitié, il tue ou fait tuer ses rivaux, il répudie sans sourciller, fait massacrer des centaines de milliers de prisonniers… L’auteur dresse un tableau assez terrifiant des mœurs politiques de la Rome antique comme des coutumes qui régissent la famille, le pouvoir ou la richesse. Les campagnes militaires (Gaule, Hispanie, Égypte, Proche-Orient, Afrique du Nord, Germanie, Bretagne…) nous laissent stupéfaits devant tant de kilomètres parcourus et de territoires conquis par un seul homme, en peu de temps. Disons-le, malgré un dessin parfois un peu rapide, ce livre est un incontournable. S. D.

Moi, Jules César, 2025, scénario Alfred de Montesquiou, dessin Nevil, couleurs Vérane Otero, Paris, Allary éditions, 254 p., 28 €

Le je de l’oie

Ce petit format a tout d’un grand, pourrait-on dire. Loin des analyses rigoureuses de la recherche traditionnelle, nous sommes ici conviés à une déambulation informelle au sein de la grotte de Cussac, en Dordogne. Pénétrant dans l’Aval puis dans la branche Amont de la cavité, nous suivons peintures et tracés au gré des impressions de l’auteur, jusqu’à récemment directeur de l’école des Beaux-Arts de Bordeaux, mais aussi cinéaste, artiste et écrivain. Son hommage se nourrit de toutes les grottes qu’il a connues depuis ses 12 ans, quand il découvre les bisons d’Altamira… À ces ressentis, écrits avec une plume châtiée, parfois presque ampoulée, se mêlent des citations de non-préhistoriens, dont celles du psychanalyste Jacques Lacan – notamment autour de la notion d’invisibilité insaisissable, peut-être au cœur de la recherche menée dans les grottes ornées. Il en aurait fallu de peu pour que l’auteur lui-même ne voie pas celle qui, « invisible pour qui doit ramper », le regardait de son œil triangulaire, souriante : l’oie de Cussac ! P. B.

L’oie de Cussac, 2025, Dominique Pasqualini, Bordeaux, Confluences et Cairn éditions, 48 p., 10 €

Une journée en Préhistoire

La narration possède cette grande force, que l’ouvrage scientifique n’a pas : projeter le lecteur dans un univers qu’elle lui permet de découvrir de l’intérieur, en suivant des personnages auxquels s’identifier. En choisissant le récit, la préhistorienne Sophie A. de Beaune réussit à faire vivre sous nos yeux les habitants d’un campement du Sud-Ouest de la France au Tardiglaciaire, vers 18 000/16 000 avant notre ère. On les suit du matin au soir d’une journée où se déploie toute la panoplie de leurs activités – de la chasse et de la cueillette à la taille des silex, de la réalisation d’aiguilles à chas à celle de pendeloques, du tannage des peaux à la peinture des parois d’une grotte… Chemin faisant, le récit, qui conserve une grande sobriété factuelle, aborde aussi les questions du troc, du rapport à la mort ou du soin apporté aux membres du groupe vieillissants ou handicapés. Inspirée de plusieurs sites archéologiques existants, la reconstitution s’appuie sur ces 50 « objets » qui font le titre de la collection et viennent scander le texte : outils, instruments de musique, parures, peintures rupestres… Un « docufiction » extrêmement éclairant. A. T.-C.

Une journée au temps de la Préhistoire, 2025, Sophie A. de Beaune, Paris, Éditions Eyrolles, coll. « 50 objets racontent », 174 p., 22,90 €

Qui sont les Nabatéens ?

Les plus érudits d’entre nous les situeront sans doute en Jordanie, sauront qu’ils sont les constructeurs de Pétra, voire d’Hégra à AlUla (dans l’actuelle Arabie saoudite), ou qu’ils ont été contemporains des Romains. Grâce à l’ouvrage de Christian-Georges Schwentzel, joliment illustré, le premier synthétique et grand public consacré à cette civilisation, nous découvrons toutes les facettes de ce royaume florissant. Tirant leur richesse du commerce (notamment avec l’Occident, gourmand en épices, ivoire, myrrhe et encens), ses souverains (Arétas III, Malichos Ier, Obodas II ou encore la reine Hagirou Ire) mettent en place des routes caravanières drainant, de l’Inde au golfe de Naples, ces produits de luxe. Pétra est alors leur capitale : elle se couvre de monuments grandioses (temples, palais, tombeaux) au style aisément reconnaissable. Au fil des pages, on mesure tout l’apport de la recherche archéologique – face à des textes souvent peu loquaces – dans la mise en lumière de leur organisation politique, économique, religieuse (avec des dieux si singuliers). Un livre indispensable pour faire sortir de l’ombre et de la légende ces bâtisseurs du désert. É. F.

Les Nabatéens, IVe siècle avant J.-C. – IIe siècle, 2025, Christian-Georges Schwentzel, Paris, éditions Tallandier, 381 p., 27,90 €

Au nord était la civilisation

Présenté comme « une enquête historique sans précédent », cet ouvrage retrace l’histoire d’un espace (trop) longtemps marginalisé : les terres situées au-delà du 50e parallèle nord. Méprisée car éloignée des rivages de la Méditerranée (considérée comme le cœur battant de la civilisation occidentale), cette vaste aire géographique est pourtant loin d’être un no man’s land. Ainsi le prouvent les différents chapitres chronologiques qui embrassent une large fourchette temporelle – de l’arrivée des premières humanités il y a environ 800 000 ans, et d’Homo sapiens, vers 21 000-20 000 avant notre ère, aux portes du XIIe siècle. Pour en finir avec la malédiction du réverbère (qui consiste à ne chercher que là où l’éclairage porte), ces pages offrent des perspectives nouvelles sur cette mosaïque de peuples et d’États bordant les mers du Nord et de la Baltique ; et nous invitent finalement à voyager dans des terres que l’on ne voudrait plus quitter… É. F.

Les mondes du Nord. De la Préhistoire à l’âge viking, 2025, Vivien Barrière, Stéphane Coviaux, Alban Gautier, Anne Lehoërff, Paris, éditions Tallandier, 653 p., 29,90 €

La Grèce à l’épreuve du mythe

La forte prégnance de la culture grecque – que ce soit dans les arts, les sciences, les mythes, la langue ou l’histoire – en Occident n’a pas pu empêcher la construction de poncifs et clichés. Ce nouvel ouvrage de la collection « vérités et légendes » s’emploie donc à débarrasser le « miracle grec », cher à Ernest Renan, de ces oripeaux souvent bien encombrants. Ainsi de courts chapitres questionnent un certain nombre d’idées reçues – parmi lesquelles : Troie a-t-elle vraiment existé ? Avons-nous retrouvé l’Atlantide ? Athènes fut-elle une démocratie modèle ? Ou encore les Grecs étaient-ils gourmands ? Une vingtaine d’interrogations qui non seulement apporte de très nombreux éléments de réponses mais offre, au fil d’une lecture fort agréable, un vaste panorama historique et archéologique de cette région des âges des métaux à la conquête d’Alexandre. É. F.

La Grèce antique. Vérités et légendes, 2025, Caroline Fourgeaud-Laville, Paris, éditions Perrin, 264 p., 14 €

L’archéologie en papier découpé 

Antoine Lanciaux n’en est pas à sa première incursion dans le domaine de l’archéologie : en 2015 déjà, il avait réalisé un court-métrage inspiré par l’ouverture de la réplique de la grotte Chauvet, Peinture fraîche. Il réitère aujourd’hui avec un long-métrage d’animation en papier découpé, filmé image par image, doublé d’un roman d’aventures illustré. Le récit met en scène Lucie et sa mère archéologue, en plein chantier de fouilles sur un site de château médiéval en ruines. Quête d’un secret familial et recherches scientifiques se font écho au sein d’une intrigue qui mène jusqu’à la crypte cachée sous les éboulis et son tombeau à gisant. Toute la dimension archéologique a été solidement documentée grâce à un partenariat avec l’Inrap : l’archéologue François Caligny-Delahaye a conseillé l’équipe du film et, pour être au plus juste de l’ambiance, des gestes et des outils de terrain, preneurs de sons et créateurs graphiques se sont rendus pendant trois ans sur différents chantiers. Le résultat est un univers à la fois poétique et réaliste, qui suscitera sans doute quelques vocations… A. T.-C.

Le Secret des mésanges, 2025, Antoine Lanciaux & Pierre‑Luc Granjon, Actes Sud jeunesse/Inrap, 224 p., 17,50 € et film d’animation d’Antoine Lanciaux

Régénérante génétique

Voici quelques années déjà que l’histoire travaille avec les données nouvelles de la génétique. Aux vestiges mis au jour par l’archéologie et aux textes qui ont traversé le temps, viennent ainsi s’ajouter des informations jusqu’à peu inaccessibles, créant un nouveau domaine de recherche : l’archéogénétique. Après avoir révolutionné la biologie, elle éclaire notre compréhension de l’évolution de l’espèce humaine, de sa répartition et de sa diversification, permettant d’en saisir toute la complexité. Grâce à une étude de grande ampleur, le projet HistoGenes, sous l’égide du Conseil européen de la recherche, qui réunit historiens, généticiens, anthropologues et archéologues, aide notamment à comprendre la transformation du bassin des Carpates au cours du haut Moyen Âge. La croisée des données recueillies a révélé une mosaïque culturelle variant selon les populations présentes, et leur influence respective, entre le IVe et le Xe siècle. De l’arrivée de groupes venus du nord-est naît la culture slave dont les différences locales reflètent leur métissage avec leurs prédécesseurs. Aujourd’hui, le cadre théorique et méthodologique de l’étude génétique, loin de toute dérive idéologique, ne cesse de se perfectionner pour des informations toujours plus pointues. P. B.

Comment la génétique réécrit l’histoire du Moyen Âge, 2025, Patrick J. Geary, Paris, CNRS Éditions, 176 p., 23 €

Le musée dans la Cité

Que sont devenus les musées ? Comment est-on passé d’un simple lieu de conservation et de présentation à un lieu d’échange interdisciplinaire ? Et, dans cette dynamique, quel avenir pour les musées existants et les futurs établissements ? Répondant ici à ces questions essentielles, Aurélie Clemente-Ruiz n’est autre que celle qui a donné un nouveau souffle au musée de l’Homme à Paris. Autant dire qu’elle sait de quoi elle parle. Dans ce bref et percutant ouvrage, elle propose une vision très pertinente des établissements culturels : des lieux d’échanges sociétaux, de création et de brassage du savoir, d’expérimentation de nouveaux types de médiation, d’interdisciplinarité (non pas alléguée mais réelle), de réinsertion des savoirs ancestraux dans la gestion des collections anciennes, de circulation des objets, d’hyper-accessibilité, de déconstruction des biais et des stigmatisations… Un « laboratoire de la curiosité » qui n’empêche pas l’émotion du dialogue singulier entre le visiteur et la réalité de « l’objet ». Bref, un modèle de musée « utile » et dont on espère qu’il essaimera progressivement. P. C.

Pour un musée engagé. Transmettre, interroger, inspirer, 2025, Aurélie Clemente-Ruiz, Paris, L’Aube & Fondation Jean Jaurès, 144 p., 16 €

Éternels bouquetins

Il est des animaux symboles, venus du fond des âges, qui nous relient aux temps immémoriaux, d’avant la civilisation. Le bouquetin pyrénéen est de ceux-là. Rien que son nom fait surgir des images de la Préhistoire, de la nature sauvage et des montagnes perdues sous la neige. Le « parti pris poétique » de l’auteur, photographe animalier, est de nous conduire dans des allers-retours entre les cornus actuels et leurs frères d’il y a plusieurs dizaines de millénaires. Parfaitement adapté à son milieu escarpé, « entre terre et ciel », l’animal a fasciné les artistes paléolithiques qui ont fixé dans les objets et sur les parois celui qui n’était certainement pas qu’un gibier… Comme l’avait remarqué André Leroi-Gourhan, le bouquetin est souvent complémentaire du couple cheval-bison. « Gargouille » des montagnes, sentinelle des rochers, il est aussi cavernicole (une découverte récente), pénétrant en grotte profonde, dans le noir absolu, pour se préserver de la chaleur et des insectes. Des témoignages de naturalistes et de préhistoriens complètent le discours de Julien Canet, comme une chorégie à la gloire de l’animal dont l’encornure forme le dessin d’une lyre. Le lecteur referme ce livre avec des envies de randonnée. R. P.-L.

Lyre. Le bouquetin, un héritage pyrénéen, 2025, Julien Canet, Chez l’auteur, 144 p., 39 €