
Jeunes ou moins jeunes, sorciers ou Moldus : avis aux amateurs ! L’univers magique d’Harry Potter fait escale à Paris après une tournée débutée il y a un an à Philadelphie. L’occasion d’embarquer à bord du Poudlard Express afin de découvrir les lieux les plus emblématiques de la saga née en 1997 sous la plume de J. K. Rowling et vendue depuis à plus de 500 millions d’exemplaires. Sortis au cinéma entre 2001 et 2011, huit films ont donné vie à l’univers magique imaginé par la romancière, suivis de trois autres entre 2016 et 2022 : costumes, éléments de décors et accessoires provenant de ces adaptations donnent à voir, porte de Versailles, le processus créatif et les sources d’inspiration des directeurs artistiques. Décryptage en images.
Poudlard : un écrin magique et gothique
Inspirée par le gothique européen, l’architecture de l’école de sorcellerie de Poudlard se révèle être un assemblage de différents sites existants. Une grande partie des scènes extérieures ont ainsi été tournées au château fort remarquablement préservé d’Alnwick (XIIIe-XIVe siècles), situé au nord de l’Angleterre dans le comté du Northumberland. Élevé entre 1351 et 1377, le cloître de la cathédrale de Gloucester et ses extraordinaires « voûtes en éventail » ont de leur côté servi de décor aux déambulations des apprentis sorciers dans les couloirs de Poudlard. La prestigieuse école de sorcellerie anglaise ne pouvait enfin manquer de rendre hommage à l’université d’Oxford, son pendant dans le monde des Moldus : un œil attentif aura ainsi identifié le splendide plafond gothique de l’infirmerie de Poudlard comme étant celui de la salle du rez-de-chaussée de la Divinity School, rattachée à la Bodleian Library ; le Christ Church College a de son côté inspiré le décor de la Grande Salle, visible dans les deux premiers films.

Du gothique à l’Art nouveau
Sortie au cinéma entre 2016 et 2022, la trilogie des Animaux fantastiques prolonge l’univers magique d’Harry Potter. Équivalent américain du ministère de la Magie, le MACUSA que l’on découvre dans le premier volet accueille en son hall une évocation d’un chef-d’œuvre du néogothique : l’Albert Memorial de Kensington Gardens, spectaculaire affirmation de la puissance britannique durant l’ère victorienne. Pour conférer son identité propre au ministère des Affaires magiques français que l’on découvre dans le deuxième volume, les équipes du film l’ont doté d’une architecture de fer et de verre, élégante allusion à l’emblématique verrière du Grand Palais ; un lieu secret auquel les sorciers accèdent grâce à un ascenseur Art nouveau actionné par une fontaine Wallace installée à Paris place de Furstenberg.
Revisiter les toiles de maîtres
Poudlard s’impose bien vite au regard comme une gigantesque galerie de peintures dont le grand escalier serait la pièce maîtresse. Des dizaines et des dizaines de toiles ont ainsi été accrochées à touche-touche sur les quatre murs de cet espace central desservant les sept étages de l’école à l’aide d’escaliers mouvants capricieux. Un accord a été passé entre la production et la National Portrait Gallery de Londres afin de permettre aux équipes des films de reproduire, plus ou moins littéralement, certaines œuvres de ses collections : on identifiera notamment de nombreuses effigies royales et aristocratiques issues de ses collections, à l’image du célèbre portrait d’Anne Boleyn, de ceux du roi Jacques Ier et du duc de Buckingham, ou encore de celui de la reine Marie Ière, terrible « Bloody Mary ». Les œuvres d’autres institutions ont également été transformées d’un coup de baguette magique : le portrait de l’ancien directeur de Poudlard Phineas Nigellus Black n’est pas sans rappeler le Baldassare Castiglione de Raphaël (musée du Louvre, Paris), les six sorciers étudiant un squelette dans un couloir du septième étage évoquent singulièrement les six chirurgiens de La leçon d’ostéologie du Dr Egbertsz attribuée à Nicolas Eliasz Pickenoy (Historisch Museum, Amsterdam), quand les deux amants s’adonnant dans un cimetière aux joies de la balançoire sur les murs du grand escalier se révèlent les héritiers macabres des Hasards heureux de l’escarpolette de Fragonard (Wallace Collection, Londres).
La Dame à la Licorne : de Cluny à la salle commune de Gryffondor
Que fait la tapisserie la plus célèbre au monde, bien loin des murs du musée du Cluny, ornant ceux de la salle commune de Gryffondor ? Certes, la prédominance des couleurs rouge et or correspond bien à celles de l’illustre maison que le Choixpeau magique a attribuée aux héros de la saga. Le choix de cette œuvre mettant notamment en scène un lion et une licorne n’est pas anodin : le premier est le symbole des Gryffondors et la seconde, animal pur et sacré par excellence, joue un rôle majeur dans l’histoire. Particulièrement mise en valeur dans la salle commune, la mystérieuse sixième tapisserie de la tenture baptisée « À mon seul désir » est traditionnellement associée aux qualités du cœur, qualités dont Harry, Ron et Hermione useront inlassablement pour triompher des forces du mal. Une seconde série de tapisseries mettant en scène une licorne offre son esthétique à d’autres lieux de l’univers magique : la tenture de La Chasse à la licorne conservée au Metropolitan Museum of Art de New York. On remarquera ainsi Les chasseurs entrent dans le bois entreposé dans la Salle sur Demande (Harry Potter et les Reliques de la Mort : 2ème partie), tandis que La licorne est assaillie, La licorne se défend et La licorne est servie et conduite au château décorent cette fois la salle commune de Serpentard (Harry Potter et la Chambre des Secrets).

Le jeu d’échecs de Lewis
Les échecs jouent un rôle clé dans Harry Potter à l’école des sorciers : une version monumentale du jeu sépare en effet Harry, Ron et Hermione de la légendaire pierre philosophale. Cette séquence est préfigurée plus tôt dans le film lorsque l’on découvre les deux garçons en train de partager une partie durant leurs vacances de Noël. Le jeu d’échecs que l’on voit alors à l’écran s’inspire clairement de celui de Lewis, exhumé sur une plage écossaise en 1831. Principalement sculptées dans de l’ivoire de morse et pour certaines à partir de dents de baleines, ces 78 figurines nées en Norvège au XIIe siècle sont aujourd’hui conservées au British Museum et au National Museum of Scotland. L’une d’entre elles a récemment traversé la Manche à la faveur de l’exposition que Rouen consacre aux Normands.

Un sanglier florentin caché dans Poudlard
Les amateurs ont vraisemblablement remarqué dans un flashback de Tom Jedusor visible dans le deuxième volet de la série une imposante sculpture de sanglier dressé sur ses pattes avant. Elle s’inspire d’une célèbre fontaine florentine baptisée Il Porcellino, splendide bronze fondu vers 1633 d’après la copie antique d’un marbre hellénistique aujourd’hui conservé aux Offices. Elle est l’œuvre du maître baroque Pietro Tacca (1577-1640), assurément l’un des meilleurs élèves de Giambologna.
Olivier Paze-Mazzi
« Harry Potter : l’exposition »
Jusqu’au 1er octobre 2023 à Paris Expo Porte de Versailles
1 place de la Porte de Versailles, 75015 Paris
www.harrypotter-exposition.fr